Lundi 11 septembre 2017, la grande famille Haeberlin a reçu dans sa mythique Auberge de l’Ill à Illhaeusern un parterre d’invités prestigieux pour fêter les 50 ans de 3 étoiles Michelin, décrochées en 1967 et toujours précieusement conservées sans discontinuer. Un exploit que seul Paul Bocuse (52 ans de 3* Michelin) a réussi et que la maison Troisgros pourrait célébrer l’an prochain. Marc Haeberlin a rendu hommage à Monsieur Paul et Monsieur Jean-Pierre, retraçant l’histoire de l’auberge qui s’appelait autrefois l’arbre vert. Feu d’artifices, menu signature, animation musicale, bonheur de retrouver les anciens de l’auberge et les amis du monde entier, qui ont fait le déplacement pour féliciter la famille Haeberlin avec la présence remarquée de Michael Ellis, le chanteur Mika, le pilote Jean Alesi et l’humoriste Laurent Gerra.
“Une longue histoire a débuté en 1878 par notre arrière grand-père Frédéric Haeberlin avec une simple guinguette « A l’Arbre Vert » au bord de l’Ill” débute Marc Haeberlin, “A l’époque une femme, notre arrière grand-mère, tenait les fourneaux. Elle offrait une cuisine simple faite avec des produits de la pêche et de l’agriculture locale.
C’est ensuite, mon grand-père et sa sœur Henriette avec ma grand-mère Marthe qui ont repris le flambeau.
Avec la guerre, le restaurant a été détruit. De 1945 à 1950, les grands parents ont continué à officier au même emplacement dans une baraque provisoire prêtée par l’armée canadienne.
Dès qu’ils ont eu la possibilité, ils ont reconstruit un restaurant avec leurs enfants Paul et Jean-Pierre.
Jean-Pierre à cette époque a eu la bonne idée de l’appeler « Auberge de l’Ill » trouvant le nom « Arbre Vert » trop commun. Il est vrai que Jean-Pierre était tout juste sorti des arts démo.
Paul, mon père, tout naturellement s’est retrouvé en cuisine, sorti de son apprentissage de chez Edouard Weber, cuisinier russe, ainsi qu’à Paris à la Rôtisserie Périgourdine chez les frères Rouzier et puis chez Poccardi.
Dans ces trois maisons, il a en plus du goût, du partage et de l’envie de faire plaisir qui le caractérisait déjà, appris également la rigueur et le sens du travail.
De plus, il a appris des recettes de la cuisine bourgeoise comme les volailles souvaroff, les timbales de sole aux écrevisses, les puddings diplomatie etc…
A ses côtés, Jean-Pierre suivait une voie d’artiste pas toujours bien comprise par la famille qui ne comprenait pas ce que cela pouvait apporter au restaurant.
Sorti des Arts Déco de Strasbourg avec son ami Roger Muhl, mon grand-père lui rappelait souvent qu’artiste n’était pas un métier et lui demandait : « Quand allait-il enfin faire un vrai métier ! ».
A partir de ce moment, Paul et Jean-Pierre allaient former un binôme de choc. L’un en cuisine : discret, l’autre en salle, plus à l’écoute des clients.
Dès 1952, ils décrochèrent la première étoile au Guide Michelin, puis la deuxième en 1957 et enfin la troisième en 1967 que mon père vécu alors comme un drame car il craignait de perdre son âme et sa clientèle locale fidèle.
Jean Georges, Jean Joho, Witzigmann, Hans Haas ont été formés chez nous. J’avais 13 ans à l’époque et je ne m’imaginais pas ailleurs qu’ici et pas faire d’autre métier que celui de cuisinier après avoir rêvé d’être garde-chasse ou pilote automobile.
Les week-ends et jours de congés, j’adorais trainer en cuisine et donner des coups de mains comme vider les poissons, éplucher les légumes etc… au côté du Second Daniel Raedersdorff.
J’ai appris la cuisine comme d’autres apprennent à marcher : L’école Hôtelier de Strasbourg, puis Troisgros à Roanne, Bocuse, Lasserre, l’Hôtel à Erbprinz en Allemagne chez Monsieur Gietz et Günther Wanka.
Ils sont tous mes maîtres et comme dans tous les métiers, plus encore dans les métiers d’artisans, nous avons tous nos maîtres.
Je leur dois mon parcours depuis Novembre 1976. Je suis rentré au bercail comme tous les autres d’abord comme commis de cuisine et j’ai gravi tous les échelons.
Il n’y a jamais eu de rivalité avec mon père mais une complicité affectueuse faite d’admiration naturelle. Pour moi, il est toujours présent.
En salle, régnait Jean-Pierre, assisté d’abord de deux serveuses : Madeleine et Jeanne puis Marie-Rose, Michel Scheer, Alain Schöhn, Serge Dubs qui a bientôt plus de 45 ans de maison.
Danielle ma sœur, arrivée en 1983 a eu un parcours contrarié. Comme mon oncle, elle rêvait de faire du théâtre ou de la chanson. Mais chez nous, il n’y avait pas d’autre voie que l’Auberge et Danielle dirige la salle en bonne actrice.
Marie à 92 ans après avoir successivement fait la pâtisserie, la caisse, les fleurs… nourrit encore aujourd’hui quotidiennement les cigognes et les canards (voir plus… !).
Ensuite en 2007, l’ouverture avec mon ami H. Hiramatsu de l’Auberge de l’Ill à Nagoya, puis celle de Tokyo et ensuite Sapporo.
En 2013, grâce à mon ami Jacques Marescaux, l’ouverture de la Brasserie Les Haras de Strasbourg. Une belle réussite grâce à Patrick Jouin et une équipe dirigée par Maxime (mon beau-fils).
Encore une histoire de famille : en 2013, l’ouverture par mon épouse Isabelle de l’Ecole de Cuisine Epices avec la ville de Mulhouse et l’Education Nationale.
Auparavant, l’ouverture en 1992 de l’Hôtel des Berges grâce à mon beau-frère Marco Baumann.
L’Hôtel qui s’est enrichi cette année d’un magnifique spa (Patrick Jouin – Manku).
Avec Bruno Schöpfer, Président du Burgenstock à Lausanne, a eu lieu à Lausanne en 2015, l’ouverture de la Brasserie du Royal et plus récemment celle de Luzerne au Burgenstock même.
A ce jour, le projet d’un institut de formation à Mulhouse est en cours.
L’histoire de transmission se poursuit avec l’arrivée de nos enfants : Laetitia, Edouard, Salomé et leurs conjoints, Kati et Simon. Puis les petits-enfants : Gabin 5 ans, Paul 3 ans, Philippe et Thadeus.
Ce qui nous guide, c’est d’avoir su garder le respect des valeurs familiales que nos parents nous ont laissées. Je veux rendre hommage à ma famille, remercier mes parents, mon oncle et tous ceux qui m’ont transmis l’amour du métier et les valeurs de transmission et qui ont fait de l’Auberge de l’Ill un symbole de la part française.
Nos 3 étoiles récompensent notre cuisine mais aussi un patrimoine, des valeurs, une histoire et elle donne du rêve.Toute la famille est fière et immensément reconnaissante d’avoir été reconnue pendant 50 ans par le prestigieux guide Michelin”, conclut Marc Haeberlin.
Crédit photos ©Cook and Shoot/ Nouvelles Gastronomiques