Les « niocs » ? Je trouve ces préparations culinaires dans Le cuisinier gascon, un livre qui fut rédigé par Louis-Auguste de Bourbon (1700-1755), le fils aîné du duc du Maine et de Louise-Bénédictine de Bourbon-Condé, la petite-fille du Grand Condé. L’anonymat de l’auteur ne trompait personne, du moins à la cour, car tout le monde savait qu’il était de la main de Louis-Auguste de Bourbon lui-même. Ce Cuisinier gascon fut un des livres de cuisine les plus célèbres du 18e siècle.
La recette que donne l’auteur est la suivante :
« Il s’en fait de plusieurs façons en gras comme en maigre ; pour les grasses vous maniez du beurre dans une casserole, avec du fromage râpé, de la mie de pain, un peu de farine, & des œufs entiers, de la chair de perdrix, ou autres volailles, un peu de sel ; vous mêlez bien le tout, & y mettez de la moelle de bœuf hachée.
Pour les maigres, elles se font de même, l’on n’y met point de moelle, ni de chair ; vous les faites vertes, si vous voulez en y mettant des épinards.
Vous mettez une casserole sur le fourneau, avec de l’eau ; quand elle bout, vous les coupez à même l’appareil, gros comme la moitié du petit doigt ; à mesure que vous les mettez dans l’eau, en mettant la dernière, vous couvrez la casserole, & l’ôtez de dessus le feu ; étant prêt à servir, vous les dressez à sec avec du fromage, du beurre par dessus et servez ; pour les grasses vous les faites cuire au bouillon, & les servez avec leur bouillon de bon goût ».
Analysons, en observant tout d’abord que le mot est féminin… et on doit le rapprocher des « nioques », de certaines régions françaises. D’autre part, il y a les « grasses » et les « maigres » : ce sont des préparations qui sont servies les jours habituels ou les jours où l’Église interdisait viande et matières grasses, où l’on mangeait du poisson, notamment. Pour les niocs grasses, on faisait une pâte avec beurre, pain, farine, fromage, mais aussi œufs, moelle et chair de volaille, et cela se cuisait comme ces échaudés que l’on servait au moins dès le Moyen-Âge sur les ponts de Paris. Pour les « maigres », la viandes était donc interdite, d’où les herbes qui les agrémentaient.
Mais d’où vient ce mot de « niocs » ? Parfois, les livres de cuisine évoquent des niocs à l’Italienne, et il est vrai qu’il y a une parenté avec les « gnocchis », mot attesté en italien depuis le 16e siècle au sens de « boulettes de pâte » ; initialement le terme désignait de petits pains ronds à l’anis, le mot provenant du vénitien gnoco, « nœud dans un tissu », en 1339. En réalité, le mot vient sans doute de nocchio « nœud dans le bois ».
De sorte que nous pouvons avoir des résolutions, pour notre cuisine habituelle : désignons justement par niocs des échaudés en forme de petit nœud du bois, mais, surtout, ne nous limitons pas aux simples échaudés de pomme de terre écrasée avec farine et œuf. Agrémentons-les de plein de bonnes choses : qui me fera des niocs à la perdrix, mais donc la moelle serait remplacée par du foie gras ?
Hervé This