Hervé This © Arnaud Meyer / Picturetank.

Le Manuel des gourmets n’est pas un livre, mais un gâteau

Bien sûr, un manuel est un livre. Plus exactement, c’est un ouvrage de format maniable, qui contient les éléments d’une discipline ou l’essentiel d’un programme scolaire. Le mot vient du latin manuale, qui vient du mot grec qui signifie « livre portatif ».

En cuisine, il existe ainsi des manuels de cuisine bordelaise, de cuisine pratique, de cuisine landaise, de cuisine populaire, de cuisine classique… et ces livre sont tous des livres… à ne pas confondre avec le « manuel des gourmets », qui, lui, est un gâteau !

Oui, un gâteau en forme de livre, créé par Albert Coquin, pâtissier à Troyes, et qui se prépare à partir d’une pâte génoise fine de Troyes parfumée à la prunelle de Champagne ; on cuit dans une caisse en fer-blanc de forme rectangulaire et d’environ quatre centimètres d’épaisseur; on taille cette génoise en tranches transversales d’environ un demi-centimètre d’épaisseur; c’est-à-dire que l’on doit former environ six tranches ; on arrose ces tranches avec quelques gouttes de bon kirsch, puis on les garnit d’une mince couche de crème fine au beurre et aux amandes fraîches mondées, pilées et passées au tamis. On reforme le gâteau et on l’introduit dans une croûte en nougat fin vanillé, abaissée très mince et représentant la couverture d’un livre, c’est-à-dire les deux plats et le dos.

Enfin, avec la même crème dont on a garni les tranches, mais un peu plus beurrée, on imite les feuillets du livre en la lissant bien sur les trois côtés et marquant ensuite des rayures avec le taillant d’un couteau, de façon à représenter, aussi parfaitement que possible, les feuillets d’un véritable livre. On glace le dessus et le dos au chocolat et l’on décore à la glace royale en inscrivant le titre : « Manuel des Gourmets ».

Evidemment, le mot « gourmet », ici, est sans doute mal employé, parce que, se référant à la gourmandise et non au vin, il devrait être « Manuel des gourmands »: le terme de gourmet désigne les personnes assermentées qui vérifient les transactions de vin, mais je renvoie à un billet terminologique ancien pour mieux comprendre la question.

Ou plus exactement à deux billets : celui qui discutait la différence gourmand/gourmet, et celui qui était consacré aux « indulgents », et qui faisait l’éloge de la gourmandise. Une gourmandise qui doit nous conduire à remettre au goût du jour le gâteau évoqué ici, et que nous pourrons alors nommer plus justement nommer « manuel des gourmands ».

Hervé This