Ah, la tarte flambée ! Morceau de patrimoine alsacien, à la fois croustillante et fondante, si simple et qui pourtant requiert, pour en apprécier toutes les saveurs, tour de main d’expert, savant mélange de produits du terroir et cuisson maîtrisée à la perfection. Rencontre avec quelques gardiens d’une précieuse tradition.
Sans conteste, la normale, appelée aussi traditionnelle ou classique. Sa simplicité, son goût délicatement aigrelet, son mariage réussi de quelques ingrédients, en font la star des tartes flambées, plébiscitée par la grande majorité des gourmands de la région et des restaurateurs. Preuve, s’il en fallait, que la tradition a de beaux jours devant elle.
Si la Confrérie du véritable Flammekueche répond « four à bois », le four à gaz a aussi ses adeptes. Le plus souvent, parce que l’installation remonte aux origines du restaurant, comme pour Le Marronnier ou l’Arbre Vert. Le four à gaz présente l’avantage de la rapidité et de la constance de la cuisson.
À l’Aigle à Pfulgriesheim : le goût d’autrefois
Lydia Roth est tombée toute petite dans la tarte flambée. Préférant le terme de « tarte flammée » (léchée aux flammes) cette inconditionnelle de la tradition perpétue le goût de ce mets simple, fait vivre ce patrimoine reçu en héritage : la recette paysanne de la tarte flambée créée par Mamama Anne, sa grand-mère. Ici, la « Schmeer », comprenez appareil à tarte flambée, doit avoir le goût d’autrefois. Ingrédient primordial, le fromage blanc de Lydia est le fruit d’une savante alchimie entre celui de différents producteurs. Les oignons poussent à 5 km du restaurant et les lardons sont artisanaux. Et comme touche finale et spécifique : l’huile de colza bio versée dans la « Schmeer » ou en filet sur la tarte. Le four à bois de 1883 préchauffé au moins 4 heures sera ensuite alimenté sans relâche pendant tout le service pour conserver la chaleur adéquate et servir entre 300 et 400 tartes le week-end. En bout de chaîne, le « tarteur » confectionne et enfourne les tartes. Un poste stratégique nécessitant talent et expérience pour garantir le résultat constant d’un mets cuit en 1 minute à plus de 300 degrés. « Chaque main, chaque personne, chaque lieu, donnent une tarte flambée différente », conclut Lydia.
La recette (pour 10 tartes) : 800 g de farine, entre 300 et 350 g d’eau, 1 pincée de sel, 1 kg d’oignons, 1 kg de lardons, 1,5 kg fromage blanc et un peu de crème fraîche.
Restaurant À l’aigle
22 Rue Principale 67370 Pfulgriesheim
Le Pont de la Zorn : l’authenticité et la tradition
2 rue de la République 67720 Weyersheim
Le Marronnier : transmettre pour former
Cette belle réputation s’appuie sur des partenaires locaux de longue date, comme le Moulin de Hurtigheim pour la farine et des cuisiniers présents depuis les origines de l’établissement, tels des gardiens et des garants de la tradition. Il semblerait que pour la tarte flambée, tout est question de transmission : il n’existerait pas de formation…Le Marronnier
18 route de Saverne 67370 Stutzheim-Offenheim
L’Arbre Vert à Weyersheim : le partage comme règle d’or
Christophe Guthmann représente la 8ème génération à la tête de ce restaurant. En poste depuis 26 ans, c’est sa maman qui l’a formé à la réalisation des tartes flambées, elle-même initiée il y a 40 ans par une habitante d’un village voisin. Pour la pâte maison, le dosage se fait « à l’œil » : 6 cruches de farine, 6 petits paniers de sel et un volume d’eau en fonction des conditions météorologiques. Car, pour les restaurateurs, c’est bien là que réside le secret d’une bonne tarte : un savoir-faire permettant de garantir une régularité dans des conditions qui ne sont jamais identiques. Et de bons ingrédients, comme une onctueuse crème fraîche d’Isigny en Normandie. La devise du restaurant ? « Le partage ! La planche posée au centre de la tablée et la tarte flambée à déguster jusqu’à satiété totale ».
L’Arbre Vert
92 rue Baldung Grien 67720 Weyersheim
La Grange du Gloeckelsberg : de 1978 à aujourd’hui
Arrivé ici un peu par hasard, Lucas Gross, ancien expert-comptable, a repris l’institution en 2016. Dans le four d’origine, le beau feu de bois de hêtre et ses flammes lèchent toujours les tartes. La crème et la pâte sont faites maison à partir de produits frais de Blaesheim, les lardons sont salés juste ce qu’il faut, sans plus. La recette tendance : la végétarienne avec oignons rouges, échalotes, brunoise de carottes, origan, ciboulette et graines de courges. « Savoir être généreux tout en gardant un ensemble équilibré en goût ». Cette précaution s’applique dans l’étalage de la crème de manière uniforme et sans déborder. 20 000 tartes ont été vendues en 2018, dont 45% de « normales ».
La Grange du Gloeckelsberg
21 rue du Maréchal Foch 67113 Blaesheim
OÙ DÉGUSTER UNE BONNE TARTE FLAMBÉE ?
Nous avons sollicité nos lecteurs qui ont partagé leurs bonnes adresses.
Bas-Rhin
Kobus, Marlenheim
L’Ancienne Douane, Haguenau
L’Espérance, Handschuheim
Le WI, Geudertheim
La Cour des Chasseurs, La Wantzenau
La BinchStub, Strasbourg
La Couronne, Scherwiller
La Petite Auberge, Marienthal
Le Caveau du Gaentzebrinnel*,Beinheim
Auberge du Moulin*, Plobsheim
Au Tilleul*, Dahlenheim
Auberge Saint Martin, Kintzheim
Auberge Fritsch, Kogenheim
La Grange Paysanne, Neuwiller-lès-Saverne
À la Croix d’or, Sessenheim
Au Canal, Ergersheim
Le Père Benoît / Steinkeller, Entzheim
À l’Ange*, Lipsheim
Le Scharrach, Scharrachbergheim-Irmstett
La Rose, Seebach
S’Landstuebel*, Knœrsheim
Haut-Rhin
Flamme & Co, Kaysersberg
La Stub, Colmar
La Soï, Colmar
Le Gambrinus, Beblenheim
Flams Gourmande, Stosswihr
Les Membres de la Confrérie du véritable Flammekueche sont désignés par*
En 1979, huit amis voulant défendre la flammekueche choisissent de se réunir et de donner naissance à la Confrérie du véritable Flammekueche d’Alsace.
Rejoints par un restaurateur et un agriculteur, ils formeront le Conseil des 10 avec à sa tête, un Grand Maître, actuellement Daniel Vierling, aussi propriétaire du restaurant de tartes flambées « S’Fassner Stuebel ».
« Notre objectif est de préserver la tarte flambée dans son originalité et sa tradition, de faire connaître et rayonner ce met typique, de faire en sorte que l’image de la flammekueche soit celle d’un produit de qualité, notamment pour les visiteurs de notre région», explique le Grand Maître. « Cela passe par des rencontres, notamment avec les membres de la Fédération des Confréries du Grand Est à laquelle nous sommes affiliés, la diffusion de dépliants, etc. Parmi nos temps forts : l’Assemblée Générale en février et le Grand Chapitre le 1er lundi de juin. Cet événement fédère 250 personnes, dont des membres d’autres Confréries, et voit introniser nos membres d’honneur, restaurateurs ou non, qui œuvrent en faveur du flammekueche ».
Si devenir membre de la Confrérie du véritable Flammekueche d’Alsace n’est pas réservé qu’aux restaurateurs, l’adhésion implique de respecter quelques conditions : cuisson au feu de bois, ingrédients frais de la région et pâte maison ou provenant d’un fabricant produisant des fonds de tarte dans le respect de la tradition (non surgelé). Le respect de ces règles étant contrôlé par la Confrérie, alors, attention aux clients mystères !
Dans son restaurant, Daniel Vierling a appris à confectionner la véritable Flammekueche avec l’aide des paysans des fermes alentours. Aujourd’hui, il continue de perpétuer la tradition : « Aucun élément ne doit prédominer sur les autres. Les goûts de tous les ingrédients doivent être perceptibles à la dégustation de la tarte ».
Le saviez-vous ? La Confrérie du véritable Flammkueche d’Alsace compte 60 membres, essentiellement Bas-Rhinois. L’Autriche, les États-Unis et Berlin, comptent aussi des membres ravis de faire découvrir ce mets typique au-delà de nos frontières.
www.confrerieduveritableflammekueche.fr
Par Isabelle Oche et Sandrine Kauffer-Binz
Crédit photos ©Aline Gerard/ Good’Alsace