La sauce à la Poulette : pas de volaille !

Qu’est-ce qu’une sauce à la poulette ? Dans le Cuisinier impérial d’André Viard, en 1808, on trouve une recette d’« Anguille à la Poulette » : aurait-on fait du terre et mer ?

La recette propose de dépouiller l’anguille, de la couper en tronçons et de la cuire avec sel, poivre, laurier, persil, ciboule, vin blanc, puis de cuire la sauce récupérée avec beurre, oignons, farine, champignons, avec une liaison éventuelle par des jaunes d’œufs. Où est la volaille, dans cette affaire ? La préparation « à la poulette » aurait-elle évolué comme le blanc manger, que l’on faisait jadis avec de la chair de volaille et des amandes, avant que la volaille ne soit supprimée ?

Dans le même livre de Viard, il y a une tête de veau à la poulette, on voit encore des fines herbes, du beurre, de la farine, du bouillon, et une liaison par des jaunes d’œufs, en finissant par du jus de citron ou du vinaigre : apparemment, c’est clair, et il faut un liquide, de la farine, des herbes. Pour des pieds d’agneau à la poulette ? Idem : un liquide avec un peu de farine, une liaison par des jaunes, sel, poivre, jus de citron.

Changeons donc d’auteur, et examinons ce qu’en dit Urbain Dubois, élève de Marie-Antoine Carême, et dont le Guide culinaire s’inspire souvent. Là, c’est à propos de « sauce allemande » que l’on trouve la sauce à la poulette : Dubois propose de cuire velouter de volaille (ah, la volaille !) avec champignons, puis de lier avec des jaunes d’œufs, jus de citron, et finalement monter au beurre. Mais, surtout, il écrit : « En additionnant une cuillerée de persil haché et blanchi, on obtient une sauce poulette ».

Allons, continuons à examiner l’histoire de la chose, en consultant François Marin, avec ses Dons de Comus, publiés en 1739. La sauce poulette qu’il donne se fait ainsi : « Passez dans une casserole un petit morceau de veau & quelques champignons, avec un pain de beurre, singez un peu & mouillez avec d’excellent bouillon. Mettez-y un bouquet de persil & une ciboule, & un clou de girofle. Laissez bouillir la sauce jusqu’à la parfaite cuisson du veau, ensuite passez-la dans une casserole. Pour la finir faites une liaison d’un jaune d’œuf avec la moitié d’un pain de beurre, le jus d’un citron & du persil haché bien menu. Il faut que cette sauce ait un peu de consistance ».

C’est donc bien clair : depuis toujours, une sauce poulette contient un bouillon de viande, des champignons, des herbes, une liaison aux jaunes d’œuf, une acidité (citron, vinaigre) et du beurre monté.

Par Hervé This