Michel Bettane, René et Maxime Meilleur ©Cyril Gervais

La dégustation de mets et de vins, est-elle influencée par l’altitude ?

Depuis 2004, René et Maxime Meilleur, chef triplement étoilé à la Bouitte, réunissent des vignerons, des scientifiques et des critiques vins pour analyser l’influence de l’altitude sur le vieillissement et la dégustation des vins et des mets. 

Avec une moindre pression atmosphérique, les repères de l’art de cuisiner sont remis en question. Par exemple, comme le taux d’oxygène est plus faible, que l’air est léger, froid et sec, les chefs doivent ajuster leurs méthodes de cuisson. L’eau bout à 95° à La Bouitte au lieu de 100° : ainsi, il faut une bonne minute supplémentaire pour cuire un œuf mollet. Ou encore, le temps pour faire lever la pâte à pain, est réduit de moitié, sous l’action amplifiée du gaz carbonique.

Mais les effets les plus déroutants concernent l’œnologie. Les vins conservés en altitude semblent se révéler plus denses, plus longs, plus purs et harmonieux qu’en plaine. La pression atmosphérique étant moindre (moins de gaz carbonique dissous), elle génère un vieillissement des vins qui semble plus lent. Jusqu’à présent, le comparatif se faisait sur des vins déjà mis en bouteille. 

Michel Bettane, René et Maxime Meilleur et Fabien Brotons ©Yves Bontoux

Avec le critique Michel Bettane, les chefs Meilleur orchestrent de nouvelles expériences

Ils décident d’analyser l’influence de l’altitude durant la phase d’élevage du vin jusqu’à sa mise en bouteille. C’est en chenillette qu’ils ont transporté en janvier 2020 une barrique en chêne de 225 litres jusqu’à leur restaurant d’altitude Le Bouche à Oreille – à 2 700 m d’altitude – dans une cave semi-enterrée bénéficiant d’une température constante et d’une hygrométrie adéquate.

L’objectif ? Voir si la haute altitude a une évolution gustative sur l’une des cuvées des vignerons Brotons (Var), en la comparant 2 ans plus tard au même vin élevé dans d’autres barriques comparables au domaine viticole à 230 m d’altitude, ces bouteilles sont à déguster au restaurant gastronomique des chefs Meilleur. Le vin vient d’être mis en bouteilles manuellement au Bouche à Oreille avec dégustation à la clé. Michel Bettane, fondateur et coauteur du guide Bettane et Desseauve a comparé les deux.

Clos de l’ours – expérience des chefs Meilleur ©Yves Bontoux

Le vin originel du Domaine est remarquable par sa typicité, sa densité, sa longueur en bouche. Il a la concentration, la richesse des grands vins Sudistes, avec une belle tension et de la fraicheur en finale, explique Michel Bettane. Quant au vin vieilli en altitude, il confirme nos conclusions précédentes sur l’impact de la pression atmosphérique et de la raréfaction de l’oxygène. Il offre une plénitude supplémentaire par rapport au vieillissement en plaine. Le vin est sphérique avec un grain de tanin tout en sensualité et en harmonie. La profondeur est accentuée avec une pureté remarquable, de la précision et un caractère ciselé. La polymérisation des tanins est optimisée, conduisant à la complexité du vin et à un effet « umami » de l’altitude.

Prochaine étape ? Le vieillissement de la cuvée « Cœur d’Apremont » 2019 de Jean-Claude Masson, expérimenté cette fois sur 4 sites : à 400 m d’altitude et à 50 m de profondeur sous l’eau dans le lac d’Annecy au large de Sévrier, en plaine au Domaine à 320 m, à La Bouitte à 1502 m et au Bouche à Oreille à 2700 m.

labouitte.com

René Meilleur et Michel Bettane ©Yves Bontoux