Gérard Goetz, cuisinier-aubergiste à Fouday, propose une découverte des produits typiques et des mets emblématiques de notre région, à travers 110 recettes, conjuguée avec de nombreuses rencontres de producteurs. « C’est important de les mettre à l’honneur, nous ne sommes que des techniciens. Sans eux, nous ne ferions rien », précise le chef.
Pour son troisième livre de recettes, édité à 20.000 exemplaires par les éditions de la Martinière, Gérard Goetz explore les recettes qui rythment les saisons, et le calendrier des fêtes et traditions. Le fil conducteur repose sur la dimension humaine, chaleureuse et festive de notre gastronomie, mais aussi sur le savoir-faire des artisans-producteurs qui mettent en exergue ce que la nature offre de meilleur.
« C’est grâce à Christophe Felder »
« J’ai été contacté par l’éditeur qui voulait faire un livre sur l’Alsace, ses recettes et ses produits. C’est Christophe, – qui sort quasiment un livre par an chez eux -, qui a parlé de notre maison. Il est à l’origine du projet. Les textes sont de Jean-Paul Frétillet, qui était la plume de Jean-Pierre Coffe. Les photos ont été réalisées par Louis Laurent Grandadam. Les plats sont plongés dans un univers rustique, épuré, pour mettre en avant le côté brut du terroir et des produits. Les photos sont sublimes ».
La plume est légère, parfois canaille, le tout truffé d’anecdotes. Si vous pensiez connaître la famille, vous aurez encore de l’inédit, comme par exemple sa rencontre avec Marylène son épouse, sur une piste de ski. Chaque recette est enrichie d’un conseil du chef ou d’une anecdote. « Vous savez pourquoi on appelle le schneckekueche, un chinois ? », interroge Gérard Goetz. « C’est un commerçant à Paris qui les vendait sous ce nom. En les commandant au boulanger Alsacien, il lui aurait rétorqué, c’est imprononçable ce nom, c’est du chinois ! ».
Les célèbres cochonnailles chez Julien
« Un jour sans charcuterie est comme un hiver sans neige, une bière sans mousse, une choucroute sans knack, un avril sans asperge, un munster sans odeur, un été sans tarte aux quetsches, une fin de repas sans schnaps, un Noël sans bredele, l’Alsace sans l’Alsace ».
« Saviez-vous que la palette à la diable a été inventée à Fouday ? », questionne Gérard Goetz. « Michel Streckdenfinger, à La Broque, est notre fournisseur officiel pour les cochonnailles », mentionne Gérard Goetz. « À l’époque, nous faisions encore le boudin nous-même. Je me souviens d’une explosion de boyau dans toute la cuisine. J’ai mis 24 heures à la nettoyer », s’amuse-t-il.
Au-delà d’évoquer le mois de novembre pantagruélique, où soupe de boudins, terrine de cochon, rillettes et pieds de porc, choucroute, lard, munster et vacherin seront servis à foison, le lecteur appréhende la vie du cochon à la ferme, son élevage, sa nourriture, et sa préparation, dans une narration légère, voire poétique, mais culturelle et historique. Un livre de recettes didactique pour chaque chapitre.
« Il y a aussi des recettes anciennes, de mon père, ou certaines qui accompagnent les fêtes traditionnelles. Il y a un hommage à mes amis, Denis Boulanger et Marco Arbeit, qui vient de nous quitter. J’ai choisi sa recette de la truite en papillote. À chaque fois que j’allais à l’auberge Saint-Laurent à Sierentz ou chez Anne et Marco en privé, il me la préparait au beurre citronné. Il savait que j’adorais ce plat », confie-t-il avec une certaine émotion. « J’aime la cuisine gourmande et généreuse », se reprend-t-il. « Le mardi, je cuisine pour la famille. Je fais mijoter un bon civet de marcassin ou un bœuf bourguignon avec des pieds de porc braisés et un écrasé de pommes de terre avec de la crème : les enfants adorent ».
En 2020, 65 ans de succès…
C’est l’histoire pas banale d’un bistrot de copains, d’un restaurant pour routiers, situé sur les bords de la nationale. Un restaurant qui a l’âge de Gérard Goetz, 65 ans en 2020 ! « Mes parents ont créé cette affaire quand j’avais deux mois en juin 1955 ».
Julien, son père, né en 1909, était aux fourneaux. Yvette, sa maman, était ouvrière chez Dieterlé avant de se consacrer à « Julien », infatigablement et passionnément, jusqu’à son décès en 2000, à l’âge de 75 ans. Gérard rejoint l’entreprise familiale prématurément, lors du décès de son père, en 1973. Il était alors en apprentissage « Au Romain » à Strasbourg, chez Charles Sengel. En quatre ans, en survolant l’apprentissage et la formation, il devient chef et patron. À 22 ans, en 1977, il reprend l’affaire avec son épouse Marylène. C’est en quatuor, avec leurs filles Hélène et Éléonore, qu’ils construisent, rénovent, agrandissent l’Hôtel-Restaurant Julien à Fouday. Polyvalents, omniprésents, ils sont les locomotives de l’entreprise et dynamisent plus de 40 collaborateurs, leur Dream Team.
Jean-Pierre Haeberlin, disait : « Gérard a créé le plus bel ensemble hôtelier du massif vosgien. C’est un travailleur acharné, un défenseur de l’esprit de famille, qui caractérise ce haut lieu de la Bruche, dont toute l’Alsace est fière ».
Par Sandrine Kauffer-Binz