Monique Jung attablée à la Table d'Emile Jung, contemple son portrait ©Sandrine Kauffer-Binz

Emile Jung était un cuisinier heureux

Deux ans après sa disparition, le 27 janvier 2020, l’ancien chef du mythique Crocodile, Émile Jung, se voit honoré d’un trophée éponyme. C’est l’association des Chefs d’Alsace, qui organise ce concours sur la scène culinaire d’Egast à Strasbourg le lundi 28 février 2022.

« Je suis très touchée par cette initiative », confie Monique Jung. « Il ne peut être qu’heureux là-haut s’il nous regarde, murmure-t-elle avec émotion. Elle se fera une joie d’être présente pour encourager et féliciter les candidats et leur remettre les prix. « Je remercie les Chefs d’Alsace de faire revivre la cuisine et l’esprit d’Emile ».

La présidence du jury sera assurée par Romuald Fassenet, vice-président de la team France du Bocuse d’or, Meilleur Ouvrier de France, chef étoilé du château du Mont-Joly et consultant aux Explorateurs à Val-Thorens (1* Michelin en 2017) . A ses côtés, Yohann Chapuis,  coach officiel de Davy Tissot, vainqueur du Bocuse d’or 2021 et chef étoilé à l’Ecrin à Tournus.

Dans le jury, Marc Haeberlin de l’Auberge de l’Ill, son chef Jean-Paul Bostoen (MOF), Jean-Georges Klein (Lalique), Laurent Huguet (consultant et ancien chef d’Émile Jung) et Matthieu Koenig (L’arbre vert à Berrwiller) sont  déjà annoncés.

Yohann Chapuis et Romuald Fassenet

Du consulting au crocodile à la présidence du Trophée Émile Jung

« C’est un honneur de co-présider le premier trophée en l’honneur d’Émile Jung », s’exclame Romuald Fassenet. «Je me donne pour mission de le pérenniser ». L’ancien consultant du crocodile du temps de Ludovic Kientz, avait aussi été le coach de la team du Crocodile (chef Antoine Kuster), qui s’est présentée au Trophée Haeberlin en 2016 et s’est hissée à la seconde place.

Romuald Fassenet souligne volontiers son attachement à l’Alsace, ses amitiés, et son lien avec Joël Philipps, qui l’avait secondé pendant 2 ans au château du Mont Joly. Joël Philipps, vice-président des chefs d’Alsace, est très engagé dans l’organisation du concours. C’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers « son papa du métier », comme il aime à l’appeler pour présider ce jury.

Romuald viendra avec son ami et complice Yohann Chapuis. C’est dire si le trophée prend déjà de l’allure avec un tel jury. Les deux membres de la Team France sont des habitués du salon Egast, puisqu’on les retrouvera également dans le jury du trophée Henri Huck. « Je viens avec mon compère et mon complice », mentionne Romuald, « il n’y a pas de beau concours sans un beau jury et de belles récompenses ! Et dans les récompenses, autres que financières (1500€) ou les cadeaux des partenaires, il y a aussi les belles rencontres humaines et professionnelles. A nous deux, avec Yohan, nous avons un regard sur les concours qui commence à peser. »

Monique et Emile Jung - Crocodile
Monique et Emile Jung – Crocodile -archives

Émile Jung est de ces chefs qui marquent l’histoire de la cuisine, qui a formé de nombreux cuisiniers, sans doute, retrouvera-t-on l’un ou l’autre de ses anciens chefs dans le jury. Ils sont les gardiens de sa mémoire culinaire.

« Je me souviens des visites d’Émile Jung dans les cuisines du Crocodile», se souvient Romuald Fassenet. «Il goûtait avec intérêt les préparations et avec bienveillance, conseillait la brigade. C’était un grand saucier ! Quand nous préparions le baron d’agneau, -sujet du trophée Haeberlin-, il a suggéré de rajouter un trait de vin rouge et deux tours de moulin à poivre au dernier moment, pour donner du peps à la sauce. Parfois, je pense à lui et ses conseils, il avait toujours raison ».

«Le sujet valorise le travail technique d’un ouvrier, c’est en quelque sorte une  bouchée à la reine de poissons », mentionne Romuald Fassenet. «Le candidat sera attendu sur sa créativité, l’originalité de sa présentation, la complexité et l’équilibre de sa sauce. Il n’y rien de plus moderne que la tradition. Il y a une grande liberté d’expression dans le sujet. La seule difficulté est de pouvoir travailler devant un public.»

 

Émile Jung avait le métier dans la peau (du crocodile)

« Je suis très touchée par cette initiative, qui me ravit » confie Monique Jung. Emile aimait tellement son métier : la transmission et la formation des jeunes. C’était un passionné, sa curiosité gustative était sans limite. Il n’hésitait pas à transmettre avec générosité son savoir-faire aux débutants, aux cuisiniers confirmés, à ses paires, sans oublier les gourmets. Il ne comptait pas son temps, son métier c’était sa vie. Tous les matins, il était content de retrouver sa brigade, sa cuisine et les produits», se souvient-elle.

Emile Jung avec ses collaborateurs le chef Laurent Huguet, le patissier Alfred Georg, et Alain Beller

Le trophée Emile Jung transmet les valeurs du métier

«Ce métier n’est pas sédentaire et il permet, par les voyages, de développer l’art gastronomique en échangeant, en comparant les produits, le savoir-faire, et un certain savoir-être pour en choisir le meilleur.

Je déplore le manque d’enthousiasme et d’intérêt des jeunes générations pour notre métier. Comment peuvent-ils ne pas tomber amoureux des métiers de bouche ? Ils offrent tant de variété, tant d’opportunités, dès que l’on pousse la porte d’un restaurant, d’un centre d’apprentissage ou d’un lycée hôtelier. Ce trophée permettra, je le souhaite, d’éveiller des vocations. Au Crocodile, nous étions heureux dans notre maison, avec nos collaborateurs nous ne comptions pas nos heures : elles étaient destinées à notre personnel et à nos chers clients. C’était leur maison, celle des Strasbourgeois et ouverte à tous ceux du monde entier qui aspirent à la sérénité, à la qualité et à la sincérité.

J’espère que ma présence, mon expérience et ma passion éternelle inciteront les jeunes à avoir le courage de s’engager dans ce merveilleux métier. Car ce métier donne du bonheur, à soi et aux autres. Émile était un homme et un cuisinier heureux », conclut-elle.

Monique et Emile Jung

Ma première rencontre avec Emile Jung

«Ma première rencontre avec Émile Jung est mémorable », confie Joël Philipps. J’étais en Brevet Professionnel et nous avons fait une sortie de classe avec notre professeur au Crocodile. C’était mon premier repas dans un restaurant gastronomique et quand Emile est venu à notre table avec sa grande toque blanche, il m’a fait forte impression. J’étais émerveillé et je garde en mémoire le plat emblématique de la royale de cresson aux cuisses de grenouilles.

Royale de cresson aux cuisses de grenouilles d'Emile Jung
Royale de cresson aux cuisses de grenouilles d’Emile Jung

« Quelques années plus tard, avec Monique Jung, ils sont venus à Esprit Terroir mon premier restaurant à Strasbourg. Le chef est venu me voir en cuisine pour me féliciter pour ma sauce, encore un grand moment à ses cotés. »

« Nous allons tout entreprendre pour que ce concours soit à l’image d’Émile Jung », précise Joël Philipps. «Nous avons envie de faire plaisir à tous ceux qui l’aimaient et l’admiraient. Il a tellement compté pour tous les cuisiniers.»

 

Joel Philipps, Romuald Fassenet et Pascal Schmitt ©Le Cerf

« C’est le premier concours que j’organise et le premier règlement que je rédige », mentionne le Vice-président des Chefs d’Alsace, qui s’investit pleinement dans ce trophée. « Le trophée Émile Jung est notre premier grand concours organisé par les chefs d’Alsace sur la scène d’Egast. Nous avons aussi le concours du meilleur foie gras d’Alsace, de la meilleure bouchée à la reine et du poisson en croûte. Pour les prochains sujets et jury du trophée Emile Jung, nous nous inspirerons des plats emblématiques d’Émile Jung et le jury accueillera ses anciens collaborateurs, fil conducteur et garants de sa cuisine.»

Michel Husser, Romuald Fassenet et Joel Philipps ©S.Kauffer

« Je suis heureux que Romuald Fassenet ait accepté de le présider », rajoute-t-il, « c’est mon papa de concours, j’ai tout le temps besoin de lui, je l’appelle souvent, je l’aime de tout cœur, c’était logique de lui demander. Romuald était venu lors de ma prise de fonction officielle au Cerf et il est présent dans tous les temps forts de ma vie professionnelle. Avec les chefs d’Alsace, nous avons réalisé un banquet pour 500 personnes à Dôle pour la manifestation « chats perchés », c’est dire les liens qui unissent l’Alsace à Romuald Fassenet, et réciproquement.»

Emile Jung à EGAST

Ce trophée Émile Jung mettra en scène et en perspective la mémoire d’un grand chef de cuisine, d’une renommée internationale. C’est EGAST qui porte ce concours, un salon que le chef ne manquait jamais. Sa présence était toujours attendue et remarquée, dans le jury de nombreux concours, il se prêtait avec délice à toutes les dégustations et prodiguait de généreux conseils avisés. On se souvient de l’année où il fit venir Joël Robuchon avec son neveu Philippe Braun, un grand moment !

Et d’autres sont en perspective !

 

Par Sandrine Kauffer-Binz

Joel Robuchon et Emile Jung en 2016 ©EGAST
Philippe Braun, le neveu d’Emile Jung lui a rendu hommage
Monique et Emile Jung avec l”équipe de la Casserole, qui a remporté le Trophée Haeberlin. Cédric Kuster est un ancien du crocodile ©SandrineKauffer
Émile Jung, président-fondateur de l’Association des Sommeliers d’Alsace (ASA).
Émile Jung était un passionné du vin. Avec Jean-Marie Stoeckel, ils avaient créé l’Association des Sommeliers d’Alsace. archive EGAST en 2018
Monique et Emile Jung – Crocodile
Emile Jung ©Marcel Ehrardt