Gilles Seiler et son épouse devant le restaurant (avant l'incendie) ©B. Selke

Aux Trois poissons, le phoenix renaît de ses cendres

C’est tout sourire que Gilles Seiler nous accueille dans son nouvel établissement Aux trois poissons à Colmar (68) , situé quai de la poissonnerie. En effet, le restaurant familial a été victime d’un incendie qui s’était déclenché accidentellement dans les combles, suite à un court-circuit dans la nuit du 15 au 16 septembre 2012. C’était il y a tout juste un an. Les travaux de rénovation de la demeure familiale acquise par le papa de Gilles Seiler en 1965, classée par les Bâtiments de France, ont pris du temps. Mais aujourd’hui le chef de cuisine est heureux, les deux nouvelles salles du restaurant sont superbes, la facade rénovée, les WC ramenés au rez-de-chaussée répondant aux normes d’accessibilité. “Aujourd’hui tout est positif, le restaurant revit, j’aime la nouvelle décoration, elle nous ressemble”, confie Gilles Seiler.

Cette nuit-là, les riverains du quai de la poissonnerie colmariens s’en souviendront. Les flammes se sont déclarées au dernier étage, léchant précipitamment les toitures avoisinantes. “Nous sommes sortis en urgence, sans rien. Nous avons trouvé refuge au JY’S, où Kathia et Jean-Yves Schillinger ont transformé leur restaurant en QG pour les secours”, se souvient Gilles Seiler. Le chef étoilé, marqué par une tragédie incendiaire, a répondu présent. “Ce drame nous a rapprochés” confie Gilles Seiler. “Cette nuit-là nous avons longuement discuté avec Jean-Yves, il a su trouver les mots pour nous réconforter”.
Le chef pose devant le tableau qui symbolise le nouveau logo du restaurant 
Gilles Seiler a grandi dans cette maison à colombages datant du 16ème siècle. Le feu a anéanti de nombreux souvenirs, irremplaçables. “Il faut faire le deuil des objets disparus et recommencer. Mais, maintenant tout est positif, la maison n’a jamais été aussi belle”, lance-t-il enjoué. Il revit, il réintègre sa cuisine, qui elle, n’a pas été endommagée. Quelle chance, elle avait été refaite en 2012.


A l’arrière se profile la seconde salle des Trois Poissons 
11 mois ont été nécessaires pour rénover, réparer et réhabiliter le restaurant et la façade, la partie privée ne s’avère, quant à elle pas encore achevée. “Plus que le feu en lui-même, ce sont 40 tonnes d’eau qui ont saccagé le restaurant. Il fallait tout refaire du sol au plafond”, détaille Gilles Seiler en observant la nouvelle salle.


La nouvelle salle est plus lumineuse avec le retrait des doubles-rideaux 
Le restaurant a ré-ouvert courant du mois d’août 2013. “Il y avait un monde fou c’était l’effervescence !”, s’exclame Gilles Seiler, “Nous avons voulu remercier tous ceux qui ont été présents à nos cotés et nous ont soutenus pendant cette phase difficile. Leur présence nous a fait chaud au cœur”, livre-t-il.


La décoration est plus épurée et contemporaine
Les clients étaient impatients de découvrir les deux nouvelles salles plus modernes, plus actuelles, lumineuses, mais qui ont su préserver l’authencité des lieux avec son plancher boisé et ses poutres apparentes. La maison traverse le temps. Elle vient de se parer de quelques artifices, qui rendent la belle alsacienne contemporaine. “Dans les deux salles, le plafond et le plancher ont été réhabilités”, précise le patron. “Quant au mobilier, les tables à malice sont en bois massif et les chaises ont été rénovées et teintées en merisier. La salle devient modulable et s’optimise pour les banquets ou les grandes tablées”.
Elle paraît plus spacieuse, mais à bien y compter, ils ont conservé une quarantaine de couverts.


le restaurant est situé sur le quai de la poissonnerie, face au marché couvert
“Nous avons atténué le côté Heimlich avec les doubles-rideaux et les tableaux anciens. Avec mon épouse, nous avons souhaité éclaircir, épurer et moderniser la salle, la rendre plus contemporaine. Le nouveau cadre nous plait beaucoup, il nous ressemble davantage”, s’exclame Gilles Seiler, visiblement ravi. “Nous affichons aussi un nouveau logo sur la carte des mets, exposé en tableau réalisé par le professeur de piano de ma fille Christian Chassard.”


la nouvelle salle parait plus spacieuse DR
Pour les habitués, la découverte fait son effet, mais très vite ils retrouvent leurs repères. Surtout en listant les mets sur la carte. Tel son nom de scène l’indique l’établissement fait la part belle aux poissons d’eau douce et de mer. “Nous avons trouvé d’anciennes cartes et le restaurant portait ce nom depuis le siècle dernier”, précise le chef. “Nous pensons que cela vienne du fait qu’il y avait trois cabanons de pêcheurs sur les quais à l’époque, qui justifiaient le nom du quai et du restaurant, tout simplement”.
Les dénominations s’ancrent dans la tradition et les coutumes culinaires perdurent. Il y a ce que le chef appelle les” intouchables”, les recettes du papa à l’instar de la salade du pêcheur, la matelote au Riesling et nouilles fines d’Alsace, la daurade provençale et sa branche de thym parfumée, la soupe de poissons “maison” , la carpe frites, la bouillabaisse ou encore la sole meunière défaite au guéridon en 40 secondes par le maître d’hôtel Frédéric Tunis. “Il a 22 ans d’expériences et défait 30 soles/semaine”, sourit le chef, “Les clients sont toujours impressionnés par sa dextérité” souligne le membre de la Fédération des chefs de cuisine et restaurateurs d’Alsace.
Gilles Seiler est membre de la Fédération des chefs de cuisine et restaurateurs d’Alsace
Le chef, Maitre-Restaurateur, cuisine en entrée une tarte fine de sardines aux légumes du soleil, un thon aller-retour au sésame et sa petite salade asiatique, le filet de sandre sur choucroute, l’aile de raie à la grenobloise, les médaillons de lotte, le filet de bar rôti sur peau, décline en suggestions le couscous aux poissons et le baeckeoffe de poissons, sans oublier de réserver un coin “côté terre” avec le filet de canette, le tournedos boeuf Angus ou le quasi de veau risotto, pour ceux qui n’auraient pas le pied marin.
Myriam et Gilles Seiler ont repris l’affaire familiale en 1991. “Comme mon père, je me fournis chez Le chalutier, chez Pascal et Didier SIROP à Dinard près de Saint Malo et je fais l’appoint, si besoin avec la belle marée (env. 10%). Le chef est un expert es-poisson avec une prédilection pour cuisiner les poissons de mer et notamment le tronçon de turbot cuit sur l’arête, son préféré.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©JulienBinz et DR