Les dictionnaires généraux sont bien insuffisants. On ne trouve pas l’entrée « matignon », sauf par raccroc, et on nous dit qu’il s’agirait d’une fondue de « racines » émincées (carottes, oignons, céleri) que l’on utiliserait pour faire des braisages. Mais d’où sortent-ils cela ?
Soyons plus professionnels, et consultons le Guide culinaire (en nous en méfiant) : cette fois, il s’agirait d’émincer en « fine paysanne » de la carotte, de l’oignon, du céleri, du jambon cru ; on ferait étuver avec beurre, madère.
Pourquoi pas, à nouveau, mais pourquoi ferions-nous confiance à ce livre où j’ai dépisté tant d’erreurs ? Décidément, il faut chercher plus loin, et c’est chez Urbain Dubois que l’on trouve mieux. Il propose d’émincer des oignons, des carottes, des racines de persil (ou, les racines !) et de céleri, de les faire revenir dans une casserole avec du lard haché ; quelques minutes après, on additionne du jambon émincé, quelques parures de champignons, thym, laurier, feuilles de persil, grains de poivre ; on mouille ces ingrédients, juste à couvert, avec du vin blanc et on fait tomber le mouillement à glace. C’est précis, au point même qu’il fait la différence entre les racines de persil et les feuilles de persil. Et il précise que « ce fonds s’emploie à masquer certaines pièces d’entrée ou de relevés qu’on veut à la broche ou à cuisson sèche ». Et là, il emploie le mot « fond », ce qui montre que cette catégorie n’est pas réduite à des liquides, tels les fonds blancs ou les fonds bruns. D’ailleurs, l’Académie des gastronomes définissait justement « Éléments premiers des sauces et du mouillement des apprêts culinaires ». Urbain Dubois précise que si on veut utiliser une matignon avec des poissons cuits en maigre, on supprime le lard et le jambon pour leur substituer le beurre ou l’huile. Pourquoi pas, mais pourrait-on trouver l’origine du mot matignon ?
Marie Antoine Carême évoque des préparations « à la Matignon », mais il n’en donne pas la recette… et, dans les livres antérieurs, je ne trouve rien. Qui m’aidera ?
En attendant, je propose de conserver l’idée donnée par Dubois, qui est donc la plus ancienne : une garniture aromatique et du lard revenus, mouillés au vin blanc et réduits à glace.
Par Hervé This