Alexis Albrecht est venu avec des beaux produits de son jardin

Alexis Albrecht et Olivier Nasti, la touche finale des cook-show

Vendredi 12 août a sonné le glas de la trilogie des cook-show en duo, qui se sont déroulés à la foire aux vins de Colmar, avec en finale Alexis Albrecht, chef étoilé du Vieux Couvent à Rhinau (67) et Olivier Nasti, chef étoilé du Chambard à Kaysersberg (68), MOF 2007 et parrain de la scène. Alexis Albrecht est arrivé avec deux grands paniers garnis d’herbes et de fleurs de son jardin. “L’Assiette de légumes herbes et fleurs de notre culture, vinaigrette blanche, tranchée à l’huile de tagette” aussi belle qu’aromatique, colorée, diététique, un soupçon bucolique, a ravi le public.

Betterave crapaudine, pâtisson jaune et vert, haricots de toutes sortes, carotte, tagette, courge barbara, Tromboccino d’Albenga, Laitues Chrysanthème, fleur de Monarde, coloquinte, Cyclanthera pedata, l’or du Rhin, betterave tigre, bégonia, Mouron des oiseaux, pimprenelle, bourrache blanche … voici quelques noms plus ou moins connus ou reconnus que le cuisinier-jardinnier nous a présentés.

Discussion avec le botaniste, animateur du cook-show Daniel Zenner, les deux amoureux des herbes et des plantes ont échangé sur les arômes, les textures et la saisonnalité. Alexis Albrecht a bien expliqué la technique d’une cuisson parfaite des légumes verts, où le chef indique qu’une fois cuits, il faut les plonger immédiatement dans l’eau glacée pour que la chlorophylle se fige et qu’ils conservent la couleur.

La salaison est également un fixateur de couleurs. Le problème est que lorsqu’on les refroidit, “on les dessale”, il faut donc généreusement saler.

Fabrication d’une huile de tagette en direct par le chef du Vieux Couvent. “La matière grasse exalte les saveurs et sublime le produit” affirme-t-il. “Elle est indispensable et elle viendra sublimer les légumes.”

“Au Vieux Couvent, les légumes sont rois” sourit le chef étoilé, qui les déclinent à la carte.

“Ils ont un jardin fou ! ” s’exclame Daniel Zenner, qui connaît bien la maison, “ils recherchent même les plantes dans les catalogues de semence anciennes. Si leur jardin fait 20 ares, ils en ont au moins 2000 supplémentaires de plantes sauvages aux alentours. “

L’Assiette de légumes herbes et fleurs de notre culture, vinaigrette blanche, tranchée à l’huile de tagette

Intrigué par cette ressource naturelle à portée de main, mais exigeant énormément de travail, Olivier Nasti l’interroge sur l’histoire de ce jardin.

“Mon grand-père avait une ferme avec un jardin” raconte Alexis, “Il a un peu été abandonné par manque de temps, mais quand j’ai rejoint mon père en cuisine il y a 15 ans, il a pu reprendre sa passion. De fil en aiguilles, on a trouvé des graines et rencontré des gens passionnés comme Daniel Zenner, le “maître des plantes sauvages””.

Pour marier cette assiette très végétale, Pascal Leonetti propose un Pinot blanc “Mise du printemps 2010” de chez Josmeyer. “Un cépage 100% Pinot Blanc” précise le sommelier de l’auberge de l’Ill, rappelant que “2010 a été une année difficile avec des rendements très faibles”.

Alexis Albrecht et Olivier Nasti

Place à la dégustation de cette assiette fleurie, avec des légumes et herbes de saison, “C’est un plat complexe” explique le chef “mais chaque bouchée existe par elle-même”

Cette assiette raconte une histoire, celle de la famille Albrecht, des cuisiniers-jardiniers, passionnés de botanique, intarissables sur le sujet, impressionnants de connaissances, qu’ils ont à coeur de partager et de transmettre.

Olivier Nasti entreprend la recette de la croquette d’oeuf, l’oeuf cuit à 64° et un homard bleu

Olivier Nasti, Meilleur Ouvrier de France, venu en famille comme sur chaque événementiel culinaire, a proposé 3 recettes avec dégustation pour la centaine de personnes, qui a assisté avec intérêt aux démonstrations de cuisine.

Le chef du Chambard, assisté de Laurine Gutleben, Meilleure Apprentie de France 2010, a commencé par un best-seller : La croquette d’œuf. “C’est un amuse-bouche d’exception que l’on fait depuis 4 ou 5 ans à la maison” raconte le chef, “et c’est toujours un succès, alors pourquoi en changer ?”

La Croquette d’oeuf

“Je n’utilise que le jaune des petits oeufs de poussines et je le dépose, avec sa membrane, sur une pâte à pain très fine” explique-t-il, joignant le geste à la parole.

Avec un emporte-pièce, le chef écrase les bords pour les souder, sans les couper, un peu comme on ferme une raviole. La difficulté est de rendre la pâte cuite et croustillante en conservant le jaune cru. La pâte à pain est frite très rapidement dans de l’huile à 220°C. Il est nécessaire que la pâte soit très ferme. Cette croquette d’oeuf est une mouillette inversée, où le pain entoure le jaune.

Olivier Nasti présente les chips de pdt à l’encre de seiche, craquantes et iodées

On peut l’agrémenter avec du jambon Parme, du Parmesan, de la Truffe, du Serpolet sauvage, comme le suggère le gourmet Daniel Zenner, mais le chef qui “sacralise” l’oeuf, le préfère nature, “pur”.

La seconde recette du chef est à base de chips de pommes de terre à l’encre de seiche. Après les avoir taillées finement en rondelles à la mandoline, elles ont été nettoyées de leur amidon, séchées, tremphées dans de l’encre seiche et plongées dans la friture.

L’intérêt culinaire, au-delà d’un rendu esthétique, est d’insuffler un goût iodé à la chips. Voilà de quoi surprendre vos invités avec des chips noires faites maison.

L’oeuf cuit à 64° C pané avec la chapelure de chips à l’encre de seiche

Ensuite, le Meilleur Ouvrier de France va se servir de cette base de recette pour créer de la chapelure noire, iodée et paner l’œuf cuit à 64°C, “ce que Jean-Georges Klein avait nommé l’œuf parfait” précise-t-il à l’intention de ceux qui avaient aussi assisté au cook-show du chef de L’Arnsbourg.

Cet œuf noir, cuit à 64°, était servi à la table étoilée du Chambard avec un homard bleu.

“Le noir est une couleur très difficile à manger et à faire vivre sur une assiette” souligne-t-il. “L’idée est partie sur une utilisation de l’encre de seiche dans la recette des cannellonis du sujet d’un concours MOF .On perd ainsi les repères visuels habituels de l’oeuf. Il est cuit à 64°C. pendant une heure. L’oeuf est cuit, mais donne l’impression, à la dégustation, d’être cru. J’adore le noir ! ” s’exclame le chef qui a consacré un ouvrage culinaire “Noir si noir “.

Olivier Nasti passe les radis au rouet à légumes pour obtenir des bandes fines

Pour sa recette du Homard bleu, radis blanc, pomme verte, champignons de Paris et vinaigrette au miel de l’ami Guy, ( qui vient d’Orbey, située “dans la plus belle vallée du monde” renchérit Daniel Zenner.

Le chef a fait gouter la vinaigrette au miel au public. Laurine Gutleben est passée dans les rangs pour déposer sur les doigts volontaires, une goutte de substance sucrée.

“Je me souviens avoir appris à travailler le homard avec un grand monsieur,Olivier Roellinger à Cancale” raconte Olivier Nasti tout en décortiquant le Homard, commentant ses gestes techniques. Mais une rencontre récente l’a inspiré pour le cuisiner différemment. “C’est Olivier Bellin, chef étoilé de l’Auberge des Glazicks à Plomodiern en Bretagne, qui m’a surpris avec sa recette du homard Bleu/pommes de terre, qu’il cuisine comme sa maman, à l’eau 3mn puis l’enfourne 3-4 mn supplémentaire. J’ai vraiment été bluffé par la texture qui reste craquante et un goût surprenant.

Pour sa recette du Homard bleu, radis blanc, pomme verte, champignons de Paris et vinaigrette au miel de l’ami Guy
Les radis ont été lamelisés finement en passant dans le rouet à légumes et le dressage a été exécuté à l’aide d’un cercle. Le Homard se retrouve en papillote avec sa garniture.
Lire la recette.Pascal Leonneti, Meilleur Sommelier de France 2006 a proposé un Riesling cuvée Frédéric Emile 2005 de chez Trimbach, qui possède le style des grandes années. “Les fruits mûrs se combinent à de fines notes fumées avec une pointe de beurré au nez, la bouche se montre droite, très pure avec du gras et une bonne concentration.”

Vient enfin le moment tant attendu, la dégustation du met, mais aussi la rencontre avec le chef qui devient accessible, pluie de féliciations, admirations, quelques questions et dédicace du livre Mon Alsace.

C’est tout l’intérêt des démonstrations culinaires publiques et gratuites ; rencontrer les chefs et pouvoir découvrir un aperçu de leur cuisine. Deux bonnes raisons de multiplier ces événements gourmands.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©JulienBinz

www.lechambard.fr

www.vieuxcouvent.fr

Le chef en dédicace. A ses cotés, son épouse Patricia Nasti