La question des pâtes à choux a été déjà discutée plusieurs fois, dans les Séminaires Inra-AgroParisTech de gastronomie moléculaire, mais le sujet est loin d’être épuisé. Nous avions exploré le séchage, l’ajout de la farine, le type de farine, la cuisson… mais il nous restait notamment la question suivante : pourquoi les choux ratent-ils parfois ?
Lors du séminaire de novembre 2015, nous avons exploré cette question en testant une hypothèse : l’ajout des œufs dans une panade trop chaude pourrait conduire à cuire les œufs, de sorte qu’ils bloqueraient le gonflement, d’une part (une omelette ne souffle pas), et que, d’autre part, ils ne seraient plus disponibles pour figer une structure gonflée.
Pourquoi les choux peuvent-ils rater?
En pâtisserie, aussi, la précisions se rencontre : le livre de Pâtisserie Moderne, de Darenne et Duval, indique qu’on “peut différemment, si l’opération est bien conduite, mettre les oeufs tous à la fois ou successivement ; si le travail est fait par un débutant, n’opérer que oeuf par oeuf, ou deux par deux, mais jamais par moitié, c’est-à-dire 8 oeufs d’abord et 8 oeufs ensuite, non plus que par autres fractions ; la pratique nous a démontré l’avantage de cette façon de procéder.”
Finalement, que faire ? L’ajout des œufs est-il important ? Pour la pâte à choux, cela est essentiel, parce que l’on cherche à obtenir une pâte qui ne s’étale pas trop, qui ne doit pas être trop liquide, de sorte qu’il faut pouvoir savoir ne pas mettre un œuf de plus ou de moins, mais pour d’autres préparations, la question est secondaire, et l’on peut se demander pourquoi la précision a été transmise.
Une hypothèse était donc que les œufs soient ajoutés dans une préparation trop chaude, qui cuirait les œufs. Et c’est donc ce que nous avons testé expérimentalement.
Comme chaque fois, ce sont deux cuisiniers qui ont opéré, devant l’ensemble des participants, qui discutaient les gestes, les choix de recettes, les pratiques.
Pour nos expériences avec la pâte à choux, la discussion a conduit au choix suivant :
– 1 litre d’eau ou de lait
– 500 g de beurre
– 500 g de farine
– 12 œufs au litre (la quantité dépend de la farine, du séchage, etc.).
La panade étant faite, avec eau, beurre, farine dans le mélange bouillant, nous avons ensuite ajouté les œufs immédiatement, sans attendre, puis les choux ont été cuits à 200°C, sur des plaques graissées.
Les résultats sont sans appel :
– les choux dont les protéines ont été coagulées avant la cuisson au four ne gonflent pas ; l’intérieur est comme une sorte d’omelette, très peu alvéolée
– les choux pour lesquels les œufs ont été ajoutés dans la panade refroidie (on pouvait mettre la main sur le bord de la casserole) gonflent parfaitement.
Autrement dit, l’hypothèse était vérifiée : une cause de ratage des choux tient dans l’ajout des œufs dans une panade trop chaude.
Or l’ajout des jaunes un par un permet de refroidir la panade, de sorte que les œufs ajoutés en dernier demeurent non coagulés : c’est évidemment un pis aller, et autant s’assurer que tous les œufs sont non coagulés ! Pour cela, il suffit de savoir que, pour les œufs la coagulation commence vers 60 degrés (en réalité, 61,8°C).
Ce serait donc un bon conseil que de proposer aux praticiens de mettre la paume de la main sur le bord de la casserole : si c’est intenable, attendre avant d’ajouter les œufs, afin que la panade refroidisse un peu !
Par Hervé This