Le 10 janvier 2017 à la Maison de l’Alsace, sera annoncé le « pôle science & culture alimentaire d’Alsace ». De quoi s’agit-il ? A quoi cela sert-il ? Observons tout d’abord que les régions qui réussissent sont les régions actives, qui font et qui font savoir qu’elles font. En matière d’alimentation, l’inscription du « repas gastronomique des Français » au patrimoine mondial de l’humanité, par l’UNESCO, a eu l’intérêt de redire au monde que la France était un pays de gastronomie, c’est-à-dire un pays où l’on ne se contente pas de manger, mais où, de surcroît, la culture fait une belle part à l’alimentation. L’art culinaire n’y est pas un mot creux.
Pour autant, cette inscription a eu deux inconvénients : d’une part, elle a un peu « muséifié » une culture alimentaire française, laissant penser que l’innovation culinaire pouvait se faire ailleurs ; d’autre part, comme le dépôt de dossier s’assortissait de la création de « cité de la gastronomie », de nombreuses régions ont voulu être « la » cité de la gastronomie : Tours, Lyon, Versailles, Rungis… Une fois de plus, nos villages gaulois se sont battus… et c’était bien naturel : comment Strasbourg supporterait-il que Lyon se pare du titre de cité de la gastronomie ? Et Bordeaux ?
En réalité, l’idée était mauvaise ; il vaut mieux « des » pôles gastronomiques. C’est plus ou moins ce qui avait d’ailleurs conduit l’Académie des Sciences, par le biais de sa Fondation Science & Culture Alimentaire, dès 2004, à créer des pôles science & culture alimentaire pour les régions : il s’agissait de favoriser, d’encourager, de soutenir des actions régionales, en vue de faire grandir les régions, de réconcilier les citoyens autour du fait alimentaire, et avec encore d’autres objectifs.
Des publics à réunir
Car c’est un fait que nous avons souvent peur de ce que nous mangeons : la presse et les réseaux sociaux nous disent tant que nous sommes empoisonnés par nos aliments… que nous finissons par être empoisonnés par ces informations fausses. On en vient à oublier que nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine, à oublier que le vrai problème de nos sociétés est leur vieillissement, d’où des difficultés prévues à payer les retraites- , dû à l’allongement de la vie.
Il faut rassurer et rassembler, autour de projets. Rassurer en faisant connaître, en expliquant : à l’école, à l’université, dans les rues, sur les marchés… Rassembler ? Quel meilleur programme que de contribuer à faire grandir la culture alimentaire, la culture gourmande ?
On gagnera à ajouter, d’ailleurs, que le mot « gastronomie », en français, ne signifie pas « haute cuisine », mais « connaissance raisonnée de l’alimentation ». Faire une géographie des recettes alsacienne, c’est faire de la gastronomie. Faire une histoire de la cuisine alsacienne, c’est faire de la gastronomie. Et ainsi de suite, pour toutes les sciences, pour tous les savoirs.
Le chantier est donc clair : il s’agit de faire se rencontrer les divers publics qui sont concernés par l’alimentation, c’est-à-dire tous ; mais, dans le Pôle science & culture alimentaire, on utilise la typologie suivante ; (ordre alphabétique pour ne froisser personne) : agriculture, artisanat, grand public, industrie, milieux éducatifs, recherche.
A quoi bon ?
Qu’il s’agisse de cuisine traditionnelle ou de cuisine moderne, ce sont des travaux qui permettront à la fois d’améliorer l’alimentation et de faire savoir que l’Alsace est en chantier. Ce double objectif est bien celui du Pôle Science & Culture Alimentaire. Et il n’est donc pas étonnant que toutes les entités intéressées par la question soient réunies, dans un « comité de pilotage » du pôle : la région, les établissements dont l’objet est l’enseignement ou la recherche (dont l’Inra), les cuisiniers et les métiers de bouche en général… et j’arrête là la liste pour ne pas oublier quelqu’un.
Tout le monde est bienvenu, quand il s’agit de travailler à faire grandir l’Alsace du point de vue alimentaire. On notera d’ailleurs que si j’agis en l’occurrence en directeur scientifique de la Fondation Science & Culture Alimentaire, ce n’est pas pour promouvoir la cuisine moléculaire ou la cuisine note à note : tous les courants gastronomiques ont leur place dans ce merveilleux chantier que nous lançons.
Par Hervé This