Un “permis de publier” pour les manuels de cuisine

Décidément, c’est bien dommage que je sois de ceux qui préconisent que l’on évite de faire des lois qui punissent les bons citoyens quand on cherche à éviter des comportements malhonnêtes ou dangereux des mauvais citoyens, sans quoi je proposerais volontiers que l’on impose un « permis de publier » aux auteurs d’ouvrages, notamment de manuels de cuisine.

Car je viens encore de trouver l’expression « hydrate de carbone » sous la plume d’un enseignant qui ferait mieux de se renseigner un peu avant de vouloir imposer aux autres son ignorance ! Et j’engage tous mes amis qui veulent penser bien à surtout éviter cette terminologie aussi périmée que fautive.

Hydrates de carbone

L’histoire de ce terme remonte aux débuts de la chimie, donc il y a plusieurs siècles, quand les chimistes se sont intéressés aux sucres, et d’abord aux plus courants : le saccharose (dont le sucre de table est composé à plus de 99 pour cent), le D-glucose (pensons au « glucose atomisé »), le D-fructose (présent dans les fruits, dans le miel…). A l’époque, la chimie qui explorait ces composés faisait une « analyse  élémentaire », ce qui signifie que l’on calcinait les composés pour faire réagir les gaz formés et savoir combien les composés contenaient de ces « éléments chimiques » que sont le carbone, l’oxygène, l’hydrogène, l’azote…

Et c’est ainsi que les chimistes du passé ont observé que pour une partie de carbone, il y avait une partie d’oxygène et deux parties d’hydrogène. Oui, mais précisément, dans l’eau, ils voyaient aussi une partie d’oxygène et deux parties d’hydrogène. Et c’est ainsi qu’ils ont introduit « hydrate de carbone », une eau pour un carbone.

Mais la chimie a progressé, et l’on a d’abord compris que les molécules n’étaient pas de simples « assemblages », où l’on aurait mis en vrac de l’eau et du carbone. On a compris que la matière est faite de molécules, très petits objets (en très grand nombre) où des atomes sont attachés les uns aux autres par des « liaisons chimiques ». Et c’est ainsi que l’on a compris que les molécules de D-glucose sont faites de six atomes de carbone, de six atomes d’oxygène et de douze atomes d’hydrogène. Tandis que les atomes des molécules de saccharose sont faites de douze atomes de carbone, douze atomes d’oxygène et vingt-quatre atomes d’hydrogène. Pour d’autres « sucres », il y a d’autres constitutions des molécules, et pas toujours avec la proportion de ces « hydrates de carbone » dont on ne doit plus parler aujourd’hui.

Oui, concluons ainsi : quelqu’un qui parlerait d’hydrate de carbone serait périmé de plusieurs siècles… en plus d’être dans l’erreur !

Par Herve This