Il existe des plats et des sauces que l’on dit “Régence” ou “à la Régence”. L’origine de ces grands classiques nous renvoie des siècles en arrière.
La Régence ? Il y en a eu plusieurs. Parmi les plus connues figures, d’abord, la période de l’histoire de la France entre 1610 et 1614, quand la reine Marie de Médicis, veuve d’Henri IV et mère de Louis XIII, assura la direction du pays pour cause de minorité du roi, âgé seulement de 8 ans et 8 mois quand son père mourut. Plus tard, il y eut une autre régence, entre 1715 et 1723, après la mort du roi Louis XIV : cette fois, c’est Philippe d’Orléans qui fut proclamé régent du royaume et détenteur effectif du pouvoir durant la minorité du jeune Louis XV.
À la lumière de ces données, on peut commencer à s’interroger sur les « œufs à la régence » de François Massialot. La recette est la suivante :
« Coupez en petits dés gros comme deux doigts de petit lard ; au défaut de petit lard vous pouvez vous servir de jambon que vous ferez suer dans une casserole : ayant sué & étant attaché, vous y mettrez des petits carrez d’oignons & de champignons de la même grosseur du petit lard coupé ; vous mouillerez cela d’une cuillerée de bon jus pour les faire cuire; étant cuit, vous lierez cette sauce avec un peu d’essence de jambon ; ensuite vous cassez huit œufs frais dans un plat d’argent, dans lequel vous aurez mis du lard fondu froid auparavant ; vous mettrez le plat sur un fourneau avec un peu de feu dessous ; vous ferez chauffer d’autre lard fondu bien chaud que vous jetterez sur vos oeufs; vous réitérerez cela plusieurs fois, jusqu’à ce que vos oeufs soient cuits dessus & des-fous ; étant cuits, vous égoutterez tout le lard fondu, essuierez proprement le plat, jetterez votre sauce dessus, y mettant un petit filet de vinaigre. »
Cela semble appétissant, n’est-ce pas ? En tout cas, on est bien sûr que c’est l’une ou l’autre des régences précédentes qui est concernée, puisque le livre de Massialot fut publié en 1722, soit en pleine Seconde Régence ! Mais quand Marie-Antoine Carême publie des préparations à la régence, en 1828, de laquelle parle-t-il ? D’aucune, comme on va le voir, car, dans son Cuisinier parisien, il écrit, à propos d’un confrère qu’il accuse de plagiat :
« C’est trop plaisant en vérité ! Faire un relevé avec de la morue, et pour comble de maladresse, le placer en parallèle de mon brochet à la régence, qui est une des grosses pièces de cuisine les plus somptueuses et les plus élégantes que j’aie composées étant en Angleterre chez le prince régent. »
Car Carême fut cuisinier en Angleterre, en Russie… Et sa préparation « à la régence » s’imposa chez ses élèves. Par exemple, Jules Gouffé, en 1867, reprend une « sauce à l’essence de volaille, dite régence », qui se prépare à partir de jambon, oignons, échalotes, beurre ; on fait suer avant de mouiller avec de l’essence de volaille et du vin de Bordeaux blanc. Quand les oignons sont cuits, on passe et on ajoute de l’essence de volaille et de l’espagnole, avant de réduire.
L’année d’après, Urbain Dubois parle de « sauce régence », qu’il fait à partir de truffes, vin blanc, glace de viande, échalotes, bouquet garni, espagnole.
En découlent tout une série de préparations dites à la régence, quand il y avait une sauce régence. Par exemple, Joseph Favre propose une « garniture à la régence », qui se compose d’escalopes de foie gras pochées au four, de truffes tournées, de crêtes et de rognons de coqs. Cette garniture s’applique facultativement avec une sauce blanche, ou une sauce brune. Lorsqu’il s’agit de poularde, poulet ou chapon, braisés à blanc ou à brun ; c’est le fond de ces braisières qui sert à faire la sauce.
Et c’est ainsi que l’on a des poulardes à la régence, des perdreaux à la régence, mais aussi des poissons, des écrevisses…
Nous sommes bien loin de nos œufs à la régence (recette ?)… qui me semblent si appétissants que je file à la cuisine pour en préparer !
Par Hervé This