Tous aux herbes! par Daniel Zenner (1/2)

Le soleil perce enfin les brumes d’altitude qui s’évanouissent en langues vaporeuses. A l’orée du petit bois bordant le pré du bas, une plaque de neige subsiste. Les oiseaux ne se pressent plus pour fréquenter la mangeoire, trouvant probablement déjà dans la nature les insectes, vermisseaux et autres larves émergeant de leur sommeil hivernal. J’ai entendu ce matin le premier croassement d’une grenouille verte. Elle allait surement rejoindre comme ses congénères la mare d’eau la plus proche. Tôt le matin, mon faisan doré courtise ses deux dames en poussant des cris stridents.

Je viens de croquer les premières violettes odorantes au parfum envoutant.

Juste à côté, les jacinthes ne vont pas tarder à ériger leur robuste fleur, croquante et délicatement parfumée. En contrebas de l’étang débordant d’eau glacée de la fonte des neiges, le cresson de fontaine tient causette au caltha des marais et à la ficaire. Je goûte quelques feuilles de ces deux dernières espèces, sans pour autant en abuser car elles peuvent êtres toxiques à forte dose. Sur une butte de terre laissée sauvage, le tussilage dresse ses fleurs d’or en compagnie du chénopode bon henri, un excellent épinard.

Côté jardin, je récolte les premières pousses d’orties et déterre sans états d’âme à l’aide d’un pic, les racines profondes et solides du rumex aggloméré. Les tiges de ciboulette émergent à peine, je les laisse tranquilles…

Caltha des marais
Timidement, la cardamine hérissée montre ses minuscules fleurs blanches qui agrémentent mes salades de pissenlit et de mâche des vignes. Les fleurs de mon unique hellébore émergent d’un tapis de nivéoles. Les rosettes basales de l’angélique et de la rhubarbe grossissent rapidement de jour en jour. Je peste contre les mulots et autres rongeurs qui aèrent un peu trop souvent la terre noire de mon jardin. Je verse dans les trous, du pistou d’ail des ours de l’an dernier mêlé à de l’eau: voilà mon meilleur répulsif!
Le printemps s’annonce bien, même si cette nuit (15 mars), le thermomètre est descendu en dessous de zéro. Les bourgeons des sureaux rouges – espèce typique de montagne plus précoce que son cousin le sureau noir – sont prêts à s’ouvrir comme ceux des lilas et de la glycine. Bientôt, les parfums de millions de fleurs de centaines d’espèces viendront rappeler aux polinisateurs de tous poils et de toutes plumes, qu’il est temps de perpétuer son espèce, animale ou végétale, le tout dans un formidable orgasme olfactif. Les milliards d’hormones sexuelles transportées par les courants d’air, vont encore affoler des myriades de coléoptères et de papillons.

J’ai oublié de vous dire, hier j’ai vu ma première abeille. J’étais vraiment heureux. L’an dernier, je les aies longuement attendues. Je regardais désespérément les fleurs épanouies de mes vénérables mirabelliers, visitées quelquefois par de rares bourdons bouffis ivres de nectar.

Tous aux herbes! Prenez vos paniers d’osier! Allez parcourir plaines, champs, prairies et sous-bois: les jeunes pousses sont là.

Pensez aux jeunes orties aux innombrables vertus. Elles contiennent deux fois plus de protéines que le soja et vous offrent les huit acides aminés essentiels que l’homme ne peut synthétiser. La recette de la soupe est connue de tous. Essayez d’accompagner un filet de poisson rôti sur sa peau avec un coulis d’ortie: mixez simplement les jeunes pousses blanchies avec un peu de sel et d’eau de cuisson puis ajoutez progressivement de l’huile d’olive ou un beurre noisette.

Par Daniel Zenner


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