Avec fulgurance, Stéphane Manigold est passé de l’ombre à la lumière. De l’ouverture en 2018 de Substance avec Matthias Marc, son premier restaurant, à la médiatisation internationale de sa victoire contre l’assurance AXA, que de chemin parcouru pour cet homme pressé d’avancer, de se réaliser, d’éclore et de faire Éclore.
En 4 ans, il rachète la maison Rostang, ouvre le Flaubert, puis Liquide avec Matthias Marc et Jarvis Scott, Granite avec Tom Meyer, rachète Loiseau Rive Gauche au groupe Bernard Loiseau (ouverture fin 2022 avec la cheffe Victoria Boller), tout comme le petit dernier Braise la même année (cuisine grill). En 2021, il signe son premier consulting Braise par Substance à Oberhausbergen-Strasbourg en Alsace, sa région natale.
En 2022, ECLORE additionne déjà 5 étoiles au guide Michelin, 8 restaurants, 150 collaborateurs et 6 millions€ de CA
Stéphane Manigold publie son premier livre “Vivre ses rêve et rêver sa vie” ed. Cherche Midi avec une préface de Pierre Arditi.
“Vivre ses rêves afin de rêver de sa vie”
“Vivre ses rêves afin de rêver de sa vie” est un ouvrage biographique qui s’accompagne d’un « livre blanc », adressé aux députés. Ses nombreuses prises de paroles sur TPMP (entre autres), le conduisent à devenir chroniqueur officiel aux Grandes Gueules. Cette nouvelle tribune d’expression, pour le président de la branche restauration Umih Paris et Île-de-France est une aubaine. Il a des combats politiques à mener. Il prend position pour fédérer la profession et augmenter les prix de 10 %. “C’est ni plus ni moins l’impact des matières premières”, explique-t-il, précisant que 90 % des restaurants en France cuisinent au gaz. Ses participations médiatiques sont de formidables tremplins pour convaincre, des moyens pertinents d’atteindre sa cible : les politiques. ” J’y vais clairement pour faire passer des messages”.
De commercial chez AUDI à Eclore
Tout semble s’accélérer pour Stéphane Manigold quasi-inconnu en 2017.
Croire qu’il ait pu bénéficier de circonstances favorables serait sous-estimer le chef d’entreprise. À l’écoute et observateur, le stratège (au sens noble du terme) porte sa réflexion sur l’anticipation et les hommes qu’il sait recruter et manager en « bon père de famille ». Commercial chez AUDI, il a gravité dans l’univers de la restauration, avant de quitter son poste à l’aube du Covid pour diriger la SAS ECLORE. La société porte bien son nom et a pour ambition de « donner une chance » à des jeunes chefs talentueux de s’exprimer, et progressivement d’acquérir leur affaire. « Tous les chefs sont associés, c’est la règle, ils mettent les mains dans les travaux, et appréhendent l’entreprise dans sa globalité. J’ai des liens particuliers avec eux, surtout avec Matthias Marc, le premier de cette belle aventure humaine, c’est mon petit frère », confie-t-il.
Offrir aux autres ce qu’il a reçu, partager sa chance et donner de l’espoir en étant un modèle de réussite, positif et visionnaire, voilà le message qu’il porte dans son livre et chaque jour dans son entreprise.
Pourquoi ce livre ?
L’ouvrage, accouché au mythique café Flore, met en exergue des enfants de la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) « les oubliés de la République » avec une prise de conscience de l’urgence d’agir. La finalité est de témoigner sur l’enfance en difficulté, et surtout donner de l’espoir. Ce livre raconte son enfance, son parcours, invite à ne pas se fier aux apparences pour justifier sa réussite. Le président d’ECLORE scande, tel un cadeau de naissance « ce qui ne me tue pas, me rend plus fort (Nietzsche)”. À travers ses pages, il exulte que “la vie est belle” et “chaque jeune peut réussir”. Rien ne sera facile, mais c’est son message positif. Il n’y a pas de fatalité, ni de destin brisé. “C’est un livre pour dire merci à tous ceux qui m’ont tendu la main. Faire le bien peut changer la vie d’une personne et inversement. Dans ce monde violent, les mots, les encouragements, le management ont un pouvoir, dont il ne faut pas user à mauvais escient”.
Placé dans un foyer pour enfants
Stéphane Manigold pourrait se targuer d’être un exemple de réussite pour les jeunes issus de la DDASS, à l’exemple de son modèle, Bernard Tapie. “Bernard Tapie disait : “on a trois secondes pour plaire, peu importe d’où tu viens, l’important c’est où tu es capable d’aller”, c’est son implication dans les quartiers qui m’a amené à m’intéresser à la politique. Comme il boxe dans la cour des grands”.
Il démontre que la naissance ne prédétermine pas la trajectoire, mais que la volonté et la détermination sont des moteurs et des leviers pour élever sa condition. S’additionnent des capacités intellectuelles, la révélation avec le poème de Jacques Prévert, le plaisir d’apprendre, de comprendre, l’instinct de survie, de « bouffer la vie » de saisir des opportunités, la synchronicité, les belles rencontres comme celle de Pierre Arditi « son grand frère », qui lui préface son livre.
Invité sur de nombreux plateaux télévisés, sa carrière chez Audi lui a ouvert un beau carnet d’adresses, de personnalités et de journalistes. Il cite les rencontres avec Cyril Lignac, Jean-François Piège, Yves Camdeborde, Bernard Denisot, Pascal Praud.
L’enfant de la DDASS s’est intégré dans cet univers socio-économique privilégié, intégrant la culture, les codes et leur identité avec facilité. Les cours de théâtre lui ont apporté une confiance en soi, l’éloquence et la capacité de s’exprimer… à libérer ses émotions. Loin d’être revanchard, mais meurtri par les débuts de sa vie, l’enfant né à Mulhouse (Alsace), a grandi au numéro 60 de la rue Albert Camus dans une ZUP. Au 10e étage, ils seront 7 à la maison. Il confie avec émotion l’abandon par sa mère un soir d’hiver, son placement dans un foyer à Rimbach, la nécessité de voler “l’escobarderie”, l’expulsion de l’appartement et la saisie de ses affaires, et enfin, deux viols… et la peur de mourir. Il s’est (re) construit seul, sans figure parentale jusqu’à sa rencontre avec son éducateur “son second père” Christian Meyer, à qui il rend un hommage vibrant.
“Il fut la première personne à me témoigner de l’attention et de la chaleur humaine. Il m’a donner l’envie de me réaliser. Il disait :”On est plus heureux à donner sans prendre, qu’à prendre sans donner”. Cette sentence, je l’ai inscrite sur le marbre de ma vie”.
L’homme politique
“Je veux être le Phoenix qui renaît de ses cendres, voilà ma nouvelle trajectoire de vie” !
La valeur travail lui est chevillée au corps, “À 11 ans déjà, je travaillais sur les foires à Mulhouse et au Luxembourg”. Né sous une “mauvaise étoile”, sa destinée s’éclaircit, mais surtout, il a la faculté de saisir la chance quand elle se présente. L’enfant est malin, perspicace et pertinent. Il rejoint le programme “Jeunes de Banlieues”, sous le mandat de Jacques Chirac et intègre une délégation invitée aux J.O. d’Atlanta en 1996. 16 ans, premier vol en avion, premier voyage, il échappe à un attentat aux USA, est interrogé par le FBI, rencontre le sportif Khalid El Quandili, est invité à la Garden Party le 14 juillet à l’Élysée, qui le conduit dans le bureau du président. Il va convertir ce que la vie lui offre, cultive d’ores et déjà, un précieux carnet d’adresses. La chose politique le passionne et pour cause, elle seule a les moyens, de venir en aide aux défavorisés. En 1999, il est sur la liste de Jean-Marie Bockel lors des élections municipales et apparaît dans les spots de campagne de Nicolas Sarkozy.
De son expérience, il puise des solutions qu’il a rassemblées dans un livre blanc. “Des enfants des foyers de la DDASS, véritables oubliés de la République, ne faisant parler d’eux qu’au moment de faits divers criminels”, introduit Stéphane Manigold. “Aujourd’hui nous assistons à la forme la plus tenace de ghettoïsation de la “banlieue”. Les 14 propositions qui suivent n’ont pas pour prétention de régler ce qui ne l’a pas été depuis plus de 40 ans, mais d’aider nos enfants à mieux vivre. Elles sont nourries de mon expérience personnelle”.
Des voitures à la restauration
Avant de fonder ECLORE, Stéphane Manigold a exercé plusieurs activités. À 18 ans, il travaillait dans une pizzeria pour évoluer à tous les postes ; cuisine, commande, livraison et management. Dj, animateur radio, il sera même journaliste (pigiste) à l’Alsace. Mais tout commence vraiment, lorsqu’il devient commercial d’abord chez le concessionnaire Seat avant de rejoindre le groupe Audi en Alsace, puis à Paris. C’est par le biais de ses activités, qu’il rencontre des personnes de qualité, et s’intéresse aux bonnes tables pour les y emmener. Il se passionne pour la gastronomie et les bons vins. “Je me suis fait un palais”, dit-il. Il a surtout testé pléthore de tables lui permettant de déployer une palette d’expériences clients comparative. Sa rencontre avec Anselme Selosse fut décisive et se concrétise par Substance. Il baptise son premier restaurant comme la cuvée emblématique, un blanc de blanc grand cru, produit en de très faibles quantités. Avec le concours d’Anselme Selosse, il propose une carte des champagnes.
Faire Eclore les talents
“La philosophie du groupe est le partage, je ne m’entoure que de belles personnes, sérieuses. Matthias Marc l’a bien compris et il sait être généreux et il transmet”.
” Les chefs sont souvent de bons artistes, mais de mauvais gestionnaires”, voilà ce qu’il retient de certaines de ses rencontres. L’idée est de fédérer les talents de chacun, celui du gestionnaire chef d’entreprise et de l’artiste/artisan cuisinier. “Mais je n’ai rien inventé, Guy Savoy le fait déjà. Les chefs sont associés minoritaires, mais je leur apporte des garanties. Ils ont les avantages du dirigeant sans en avoir les inconvénients. Avec mon équipe, dans les bureaux, nous absorbons ce que j’appelle, l’absurde et le toxique, tout ce qui nuit à la créativité du chef. Nous surveillons les chiffres et gérons l’administratif, le social et le juridique.”
“Tous les artistes n’ont pas la fibre du chef d’entreprise, j’aime l’idée de lancer des talents culinaires et de les accompagner », conclut Stéphane Manigold, loin de s’arrêter en si bon chemin. Lui, qui s’angoisse d’ennui, se nourrit de nouveaux projets avec toujours pour finalité de faire éclore des talents et participer à l’escalier social (plus fort que l’ascenseur car il nécessite plus d’effort) par la valeur travail de tous ces collaborateurs.
Ouverture de Braise par Substance
C’est au cœur de l’hôtel Citadines Eurométropole à Oberhausbergen-Strasbourg que le Groupe Eclore installe son premier restaurant “Braise par Substance” avec la complicité de Tom Meyer, chef de Granite à Paris. En cuisine, on retrouve Valerian Privat passé par la Tour d’argent à Paris, l’Auberge de L’Ill, la Chenaudière, Lenôtre puis en 1996 il devient chef du restaurant la Pommeraie à Sélestat. Dernière étape avant Braise par Substance, le Beau Rivage à Gérardmer. Au menu : cuisson de viande à l’aide d’un brasero et une carte avec 250 références de vin.
Par Sandrine Kauffer-Binz
Dates et chiffres
1980 : naissance à Mulhouse
2018 : ouverture de Substance 1* Michelin
2019 : Ouverture de Contraste 1* Michelin avec Kévin de Porre et Erwan Ledru
2019 : Achat de la maison Rostang 2* Michelin avec Nicolas Beaumann
2019 : Ouverture du bistrot Flaubert
2020 : Démission de chez Audi. Il préside la holding ECLORE
2020 : Victoire contre l’assureur AXA
2020 : Ouverture de Granite 1* Michelin avec Tom Myer
2021 : Liquide avec Mathias Marc et Jarvis Scott
2021 : Acquisition de Loiseau Rive Gauche (B. Loiseau) qui va rouvrir sous une nouvelle identité
2021 : Ouverture de Braise par Substance à Oberhausbergen-Strasbourg avec le chef Valerian Privat
2022 : Ouverture de Braise à Paris avec Sylvain Courivaud
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