A propos de sabayon, la question posée concerne les proportions d’œuf et de liquide.
On part d’une recette de Sabayon sucré (La cuisine, Marcelle Auclan, Editions du tambourinaire) : 1 jaune d’oeuf, ½ coquille d’oeuf pleine de sucre, deux ½ coquilles d’oeuf de vin (deux jaunes par personne). Et vous mettez votre futur sabayon à feux très doux, dans une casserole émaillée. Tournez, tournez… Tournez encore. Cela n’est
pas très long, ni très sorcier, mais il faut du coup d’oeil, et je ne sais quelle sensibilité qui vous fait sentir que le sabayon commence à prendre, devient onctueux. A partir de l’instant où, tournant toujours, vous avez le sentiment d’une plus grande densité du liquide, ouvrez l’oeil, soyez toutes antennes au vent, car il est une seconde où tout à coup il devient crémeux, sans avoir bouilli, naturellement.
Pour nos expériences, nous décidons, dans un premier temps, de tester seulement des mélanges foisonnés faits de jaune d’oeuf et d’eau (pas de sucre, pas d’alcool, pas d’acidité…).
1. On mélange 1 jaune et 20 g d’eau (pesée) : on fouette et l’on obtient une mousse abondante, blanchie. La poursuite du foisonnement conduit à un épaississement.
Puis on chauffe en fouettant (plaque à induction réglage 6), et l’on obtient une stabilisation de la mousse.
On poursuit volontairement le chauffage plus que des cuisiniers ne le souhaiteraient, jusqu’à ce que de la fumée apparaisse et que la préparation se mette à bouillir. On observe que cette pratique est recommandée par Madame Saint Ange et d’autres, qui ajoutent parfois une pincée de farine pour éviter la formation de grumeaux :
Madame Saint Ange (La bonne cuisine de Madame Saint Ange, p. 75) : “ Quantité de personnes ignorent qu’une liaison de jaunes d’oeufs peut bouillir sans se décomposer, c’est-à-dire tourner, dès que le liquide comporte de la farine, en proportion même légère ; et qu’en ce cas, si la sauce se décompose, ce n’est pas l’ébullition qu’il faut accuser mais le manque de soin. Une sauce liée au jaune d’oeuf doit bouillir ”.
Finalement, on pousse le chauffage jusqu’à la coagulation de type omelette.
2. On répète toutes ces opérations avec 1 jaune (18 g) pour 40 g d’eau : cette fois, le foisonnement qui précède le chauffage conduit à un foisonnement supérieur, et une couleur plus blanche. La mousse ne semble pas plus épaisse, mais le volume est clairement augmenté. La fermeté finale est analogue. on fouette, ça foisonne un peu plus blanc.
Puis la cuisson (en fouettant) stabilise à nouveau la mousse, que l’on dispose dans un verre. On arrête la cuisson quand on voit l’ébullition. Stockée, la mousse met environ 10 minutes à redescendre (drainage) un peu (couche de 1 cm maximum).
3. On répète en doublant encore la quantité d’eau : 1 jaune pour 80 g d’eau.
Le foisonnement initial donne le même résultat, avec une mousse un peu plus blanche, un peu plus délicate, mais qui tient. A la cuisson, jusqu’à l’ébullition, on obtient environ 2,5 fois le volume précédent (les volumes ne sont appréciés que par remplissage de verres en plastique).
4. Enfin, on double encore la quantité d’eau : 1 jaune et 8 fois le volume d’eau, soit 160 g : cette fois, le foisonnement initial est considérable et la mousse déborde de la casserole quand on chauffe jusqu’à ébullition : on emplit 4 verres de mousse.
Après ce premier jeu d’expériences, on reproduit avec ajout de sucre
Tout d’abord, on teste 1 jaune, 20 g sucre, 20 g d’eau. On commence par faire le ruban avec jaune et sucre, avant d’ajouter l’eau. On cuit plus doucement, conformément aux pratiques décrites par les professionnels (induction : 4). On monte comme une hollandaise : on observe que le foisonnement se fait plus lentement qu’avec l’eau seule ; on obtient une mousse plus compacte, en arrêtant la cuisson quand on voit le fond de la casserole.
Puis on répète la même expérience sans faire le ruban, en mélangeant initialement tous les ingrédients (pour mémoire : 1 jaune, 20 g de sucre, 20 g d’eau). Cette fois, on fouette sur le feu (induction identique). On observe le même type de foisonnement, la couleur qui blanchit. On obtient un résultat un peu plus compact, comme appareil à biscuit. Finalement, le volume est environ le double de 5.1, mais on observe que l’on n’a pas mesuré les temps de foisonnement, et il reste à tester cette hypothèse.
Finalement, on observe que, en cuisine, l’eau peut être remplacée par café, thé, bouillon de carotte, fond de volaille, jus de fruit, vin… Au congélateur, on aurait une consistance de bombe.
Il reste à tester l’influence éventuelle des acides et alcools (prochain séminaire)
Par Hervé This