Rissoler ? Nous avons tous le sentiment de bien savoir ce dont il s’agit, mais quand même, consultons le dictionnaire de l’Académie française : « Faire revenir à feu vif de la viande, des légumes dans de la matière grasse de manière qu’ils prennent une couleur dorée et deviennent croustillants. » Pourquoi pas… mais cela est-il juste ? Et d’où cela sort-il ?
Il existe, en ligne, un autre dictionnaire officiel, fait par le CNRS et qui donne plus d’informations. Il confirme le feu vif, l’intention de croustillance, mais il ajoute que le mot date de 1549, pour dire « rôtir de manière que le mets prenne une couleur dorée ». Et, surtout, il ajoute que le verbe « rissoler » vient de « rissole », ces pâtisseries déjà présentes en France au 12e siècle, aujourd’hui souvent faite de pâte feuilletée contenant une farce de viande, de poisson, cuite en friture profonde. Et le mot « rissole » vient de roux, rouge, puisque la surface brunit un peu.
Bon, mais tout cela n’est que du dictionnaire commun. Que disent les ouvrages professionnels ? En 1934, le pâtissier Pierre Lacam désigne sous le nom de « rissoles à l’anglaise » de la pâte feuilletée accompagnée de confiture d’abricot, mais c’est un pâtissier. En 1906, le Guide culinaire est plus explicite :
« Rissoles. — Nom générique d’un Hors-d’œuvre chaud qui comporte essentiellement :
1° un salpicon, lié exactement comme un appareil à croquettes et bien refroidi, dont l’élément principal, soit : volaille, gibier, foie gras, etc., détermine la dénomination;
2° Une enveloppe de pâte, soit pâte à foncer fine, demi-feuilletage ou rognures, ou pâte à brioche commune sans sucre.
Les rissoles se traitent invariablement par la friture et se dressent sur serviette, avec persil frit bien vert, sans accompagnement. Chaque genre de rissoles prend une forme différente. » Pourquoi pas, mais on sait que ce livre est souvent pris en défaut. Mieux vaut le Dictionnaire universel de cuisine de Joseph Favre, antérieur de quelques années. Et là, on trouve que le mot viendrait de roussoler, même sens que brésole, brésoler, faire prendre une couleur dorée : ce qui est juste !
La définition ? De la viande hachée et saucée, enveloppée dans de la pâte et frite. Favre ajoute même que « La différence qui existe entre les ravioles et les rissoles consiste dans l’enveloppe, la forme et la cuisson : les ravioles se distinguent par une enveloppe à pâte ferme (nouilles) par sa forme carrée et par sa cuisson à l’eau, tandis que les rissoles comportent une enveloppe de pâte délicate, le plus souvent de feuilletage de forme ovale ou demi-cercle, panées et frites. Quant à la garniture, elle est absolument facultative et c’est elle qui en détermine le nom. Les rissoles diffèrent des cromesquis en ce sens que l’enveloppe de ces derniers est du pannequet ou de l’hostie, de forme carré-long, également panés et frits. »
C’est donc bien mieux, mais la mention (1889) reste récente. Pour Urbain Dubois, en 1876, il y a des rissoles de pâte fine (pas nécessairement feuilletée), et une panure à l’anglaise (œuf, farine, friture). Pour André Viard, au début du 19e siècle, c’est à nouveau du feuilletage, et une forme de chausson, avec une simple friture. Encore avant, le Dictionnaire des aliments et des boissons, en 1750, est réputé pour avoir colligé des informations anciennes, antérieures à lui. Et l’on y trouve finalement :
« Sorte de pâtisserie faite de viande hachée & épicée, enveloppée dans de la pâte & frite dans du sain-doux ; on fait d’abord de petites abaisses en forme de petite pâte ovale, on les remplit d’un godiveau fait de blanc de chapon, moëlle de boeuf, sel & poivre, le tout bien haché ; les rissoles faites, on les confit dans le sain-doux. On peut en faire en maigre avec de la farce de poisson bien hachée, & même des mousserons ; on les fait cuire auparavant avec beurre, fines herbes & épices, si c’est aux épinards ; si c’est aux mousserons on les fait cuire à l’ordinaire, on les hache bien menu, on les assaisonne d’un peu de sel, sucre, écorce de citron pilée ou râpée, & on les sert cuites au four avec sucre & eau de fleur d’oranger en servant. On appelle aussi les rissoles “oreilles de Parisien”, parce qu’elles sont faites en forme d’oreille. »
Ici, on voit que la cuisson n’est pas nécessairement la friture ; le four est possible. En revanche, la forme semble bien déterminée. Et, en tout cas, de bonnes rissoles sont un régal !
Par Hervé This