Un poupeton ? On en voit des recettes modernes, mais sont-elles proprement nommées ? Les dictionnaires généraux -dont il faut se méfier, parce qu’ils sont le plus souvent très insuffisant du point de vue culinaire- disque que le mot vient de l’ancien français « poupette », qui aurait désigné une bouillie. Toutefois Emile Littré, qui n’est pas tellement plus juste de ce point de vue, dit qu’il s’agit plutôt d’un ragoût composé de viande hachée, couverte de tranches de veau. Et il cite le Dictionnaire de l’Académie de 1718… mais ce dictionnaire, également, est sujet à caution. Allons plutôt regarder les textex anciens.
Chez Nicolas de Bonnefons, cuisinier de Louis XIV, je trouve ce texte : « Du même hachis, on fait aussi un espèce de pâté que l’on appelle POURPETON , tout semblable à la tourte de béatilles, réservé que le hachis se paitrit avec œufs cassés & se dresse dans une terrine, au lieu que la pâte se met dans la tourtière, puis ayant mis toutes vos béatilles dedans, on le recouvre du même hachis, le fermant, comme un pâté & luy faisant un trou pour l’évent, avec le jus du gigot. On le tirera souvent du four pour égoutter la graisse de dedans la terrine afin qu’il prenne une couleur rissolée. Quand il sera bien cuit & que l’on le voudra dresser, on bouchera la cheminée avec de la pâte, puis on le renversera dans un plat. On l’ouvrira par dessus, ainsi qu’un pâté de venaison & le couvercle sera tranché par bandes pour garnir le bord du plat, ôtant les tranches de lard de dessus les béatilles pour les faire voir à découvert. »
Bref, c’est bien différent de ces poupetons de nos dictionnaires ! Mais est-ce une particularité, ou bien est-ce partagé ? En 1656, Pierre de Lune donne exactement la même recette que Bonnefons, signe que le pourpeton était le même pour tous.
Et un siècle plus tard, je trouve chez François Marin, dans les Dons de Comus, un « poupeton de veau », dont la recette est la suivante :
« Hachez deux livres de rouelle de veau avec de la graisse de bœuf, un morceau de lard, persil, ciboule, échalottes, sel, poivre & basilic en poudre, une mie de pain mollet, mitonnée & desséchée dans la crème, le tout haché. Foncez une poupetonniere de bardes de lard. Mettez de votre farce l’épaisseur d’un pouce, & tel ragoût que vous voudrez. Recouvrez avec de la farce & dorez avec un oeuf battu. Faites cuire au four à petit feu. Quand il est cuit, renversez & dégraissez. Faites un trou au milieu. Versez dedans du blond de veau, le jus d’un citron. Servez chaud. On fait des poupetons de toutes fortes de volaille gibier & autres. Toute la différence ne vient que de la viande que vous mettez dedans. Il faut toujours se servir du même godiveau, & dresser de même. »
Apparaît ici la « poupetonnière », dont le livre de 1763 intitulé La cuisinière bourgeoise indique qu’il s’agit d’une espèce de daubière ou de four de campagne en cuivre, dont le couvercle peut recevoir des braises, d’un « vaisseau de cuivre étamé, fait en forme de cul de chapeau, où il y a un couvercle avec un rebord pour mettre du feu dessus ». D’ailleurs, je trouve aussi qu’il s’agit d’une marmite avec un couvercle à rebords, sur lequel on peut placer des charbons ardents. Ce vase était ainsi nommé parce qu’on y faisait cuire le « poulpeton ».
Par Hervé This