Passionnée par son métier, exerçant depuis treize années à l’Hostellerie de l’Abbaye de la Pommeraie à Sélestat chez Christiane et Pascale Funaro, Audrey Meyer, 39 ans s’épanouit pleinement en sommellerie, une profession pourtant exercée habituellement par la gente masculine. Pas timide, mais discrète, voire secrète, réservée, droite comme les vins qu’elle aime et qu’elle défend, portant bien haut ses valeurs et ses principes, elle obtient des responsabilités au sein de l’Association des Sommeliers d’Alsace. Elle entre dans le bureau, avec une mission bien définie ; le recrutement des jeunes sommeliers. Plus qu’une carrière convoitée et planifiée, Audrey Meyer place l’humain au carrefour de son parcours, des rencontres d’hommes et de femmes qui l’ont encouragée avec bienveillance dans cette voie royale et vinique, qui est sienne.
Le jeu du hasard
Née à Strasbourg, Audrey Meyer a grandi dans les environs d’Obernai. Quand elle évoque son parcours elle sourit : «Je ne me souviens plus de ce qui m’a donné envie de m’inscrire au lycée professionnel Charles Foucault à Strasbourg ?», s’interroge-t-elle. «Mon père était marchand de bestiaux et maman à la maison. D’aussi loin que je m’en souvienne, personne dans notre entourage n’exerçait dans l’hôtellerie-restauration».
La rencontre avec Madame Francine Roos, son professeur de restaurant fut décisive, impactant sa trajectoire dans les vignes. «J’aimais faire les dégustations, mais j’hésitais avec la Mention Barman. Francine Roos a soutenu mon dossier quand j’ai postulé au lycée hôtelier d’Illkirch parce qu’à l’époque», se souvient-elle, «l’accès à la Mention Sommellerie était stricte. Il y avait des listes d’attente et je ne pensais pas avoir ma chance. Ensuite, Antoine Woerlé, Meilleur Ouvrier de France des Arts de la table, passionné et passionnant, a pris le relais. Il lui a transmis à la fois des connaissances et la quête de la perfection dans l’exercice d’un métier.
Des parrains formateurs
«Si Antoine Woerlé m’a formée, Frédéric Voné m’a intégrée dans la profession et m’a ouvert son carnet d’adresses. C’est tout aussi important dans notre métier que de pouvoir faire inscrire sur sa carte des vins quelques domaines prisés», reconnaît-elle. « Je me souviens à quel point j’étais fière la première fois que j’ai pu avoir des Bourgognes Blancs de chez Tollot-Beaut sur ma carte des vins». «Frédéric Voné m’a beaucoup aidée», martèle-t-elle, reconnaissante. «Il a été mon parrain pour rejoindre l’Association des Sommeliers d’Alsace (ASA) il m’a souvent emmenée déguster, visiter des domaines et partir à la rencontre des vignerons».
Force est de constater qu’il y a peu de femme sommelière. «Sur mes premiers postes, quand on me proposait de descendre les cartons de vins à la cave, je refusais cette aide, voire je m’indignais», constate-t-elle. «A tort ou à raison, mais je ne parvenais pas à distinguer si il s’agissait d’une aide réelle ou d’une déconsidération. Je refusais qu’il y ait la moindre différence parce que j’étais une femme, je voulais exercer mon métier pleinement, avec toutes les difficultés qu’il comportait».
Mme et Mr Funaro ; Une famille en or
Le soutien des parrains est le socle de sa formation, mais Christiane et Pascale Funaro lui offrent une salle d’expression. «Je leur suis très reconnaissante, ils m’ont donnée ma chance, ils m’ont fait confiance et m’ont permis d’élaborer une carte des vins personnelle. C’est une grande chance pour un sommelier ».
Se remémorant sa rencontre avec Pascale Funaro, lors d’une dégustation à Colmar, elle s’exclame : «C’est de nouveau par hasard ! Nous avons longuement discuté, et après plusieurs entretiens, le poste de sommelier a été créé à la Pommeraie pour mon arrivée. En 2003, avec le chef Jocelyn Destouches la table était étoilée Michelin. Ma mission était d’abord d’écouler le stock pour générer du financement et une capacité d’investissement pour renouveler la carte des vins, avec des références choisies par mes soins. J’avais carte blanche. J’ai sélectionné minutieusement des vins en accord avec le style et la cuisine du chef, mais aussi des vins dont j’aime parler et déguster. Mes préférés sont -sans conteste- des vins secs, des vins droits, des vins vifs. A l’époque, j’avais inscrit 2000 nouvelles références et la cave contenait environ 15 000 bouteilles ».
En 4 ans, Audrey Meyer avait relevé le défi de personnaliser la carte et de créer une nouvelle cave à vins. En 2007, elle avait mis en place son outil de travail. «Mon objectif était atteint et c’est une des raisons pour laquelle, je suis restée si longtemps dans cette maison. La seconde tient à la personnalité de Mme et Mr Funaro. Je suis plus qu’une collaboratrice, je suis leur bras droit. Ils sont très respectueux et ont toujours la volonté de nous mettre en avant. Nous avons connu ensemble des temps forts et des périodes plus difficiles, mais je me suis toujours dit : tant qu’ils seront là, je resterai». Une parole donnée ne peut être reprise, telle est sa devise.
« A la Pommeraie, la priorité est de faire plaisir à la clientèle. Très vite, j’ai appris à connaître ses goûts. Pour la satisfaire, je m’interroge sans cesse; à ses yeux, qu’est-ce qu’un grand vin ? Est-ce un vin cher ? Un vieux millésime ? Un vin rare ? Un domaine réputé ? Un vigneron dans l’air du temps ? Ou tout simplement une belle découverte, qui plaise à son palais, conjuguée avec un excellent rapport qualité-prix ?
La formation par la transmission
Enthousiasmée par son métier, Audrey Meyer évoque une autre façon d’appréhender le monde du vin, pour collaborer avec un caviste, un vigneron ou faire du consulting. Sa trajectoire professionnelle pourrait évoluer, sans altérer le goût pour son métier, ni son intérêt pour le travail de la vigne. Les rencontres circonstancielles vont suggérer sa destinée. Une bonne étoile semble guider ses pas.
Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©Sandrine Kauffer