Marseille, retour sur la finale du concours MOF cuisine 2011
Le 5 mai 2011, dans la soirée, Alain Ducasse a proclamé le nom de 10 nouveaux promus au titre de l’”Un des Meilleurs Ouvriers de France” au lycée et CFA hôtelier de Marseille.
Ils étaient 464 à se présenter en novembre 2010, 36 ont été retenus pour la finale, dont une femme, Anne Ernwein et 10 candidats ont été promus dans la 24ème édition de ce concours culinaire si prestigieux.
Florent BOIVIN, Jean-Paul BOSTOEN, Fabrice BRUNET, Pierre CAILLET, Eric FINON, Christophe HATON, Philippe MILLE, Jérôme NUTILE, Christophe PACHECO, Eric TROCHON se sont vus remettre la veste rehaussée du col bleu-blanc-rouge
Créée en 1936 et organisé tous les trois ou quatre ans, ce concours récompense une promotion d’un nombre de candidats variable, méritants, appréciés pour l’excellence de leur travail.
Les 36 prétendants au titre ont été accueillis la veille par Alain DUCASSE, chef triplement trois-étoilés au guide Michelin à Paris, Monaco et Londres est président “option cuisine” du concours, Michel ROTH, Bocuse d’Or 1991, Meilleur Ouvrier de France 1991, chef au Ritz à Paris, président délégué “option cuisine”, Jacques MAXIMIN, MOF 1979, chef étoilé, consultant pour le Groupe Alain Ducasse, président du “jury national”, Christophe Quantin, MOF 1993, Chef des travaux au Lycée hôtelier de Blois, responsable des organisations du Jury, et Jean-Marie Panazol, Inspecteur général de l’Éducation nationale et Président du Jury Général du 24e concours,
Le lendemain matin, 5h30, la tension et la concentration étaient perceptibles. Les mines défaites, les traits tirés, le regard crispé, les candidats ne perdaient jamais de vue les enjeux incommensurables de la journée.
4 années de préparation soldées ou non en 5h30 d’épreuves.
Après le rappel nécessaire des règles du concours, le tirage au sort de l’ordre de passage, l’attribution de deux commis, la vérification des marchandises, les candidats se rendent en cuisine pour une prise en main du poste de travail.
C’est ensuite parti pour le marathon culinaire de 5h30 d’épreuves harassantes, pénibles et endurantes, qui aura a déplorer un seul abandon et un candidat qui s’est blessé la main avec un couteau.
On s’active, on court, on se presse, on gère le stress, on mesure ses mouvements, on relativise ses déplacements.
Le ballet des toques peut commencer. Elles s’activent, courent, s’entrecroisent, s’entrechoquent. Ca vibre, ça coupe, ça tranche, ça rôtit. On sent la tension, l’intense concentration des chefs. Les fronts sont plissés, la sueur perle, les commis sont briefés pour apporter une aide optimisée. Deux des sujets avaient été annoncés deux semaines auparavant. Les finalistes se sont entrainés durement, certains se sont même rendus à Marseille, prendre en photo et appréhender le matériel, la disposition de la cuisine pour la reproduire chez eux “en salle d’entrainement”.
Partout en province des professionnels se sont mobilisés autour des 36 prétendants au titre, pour les soutenir, les encourager, les tester, les éprouver et les conforter dans leurs choix stratégiques.
Des coaches ont été choisis, des jury de dégustations se sont formés et les entrainements se sont succédés sans rechigner. Difficile de réaliser la recette parfaite, puis de s’y tenir. On doute, on réajuste, on refait des essais, validés ou rejetés.
Quant au 3ème, le plat semi-libre, le sujet a été révélé sur l’instant. “Pour devenir Un des Meilleurs Ouvriers de France, il faut à la fois maitriser parfaitement les techniques et savoir travailler de façon spontanée” avait déclaré le président du Jury Alain Ducasse.
“Une des grande difficulté technique de cette finale réside dans l’intégration de cette épreuve semi-libre dans l’organisation des candidats” a expliqué Christophe Quantin. En 1 quart d’heure, ils doivent lire le sujet, découvrir les ingrédients du panier et réaliser un dessert qui mettent en oeuvre 5 techniques culinaires”
Sous la constante observation du Jury cuisine, les candidats s’affairent. Autour d’eux ont évolué, outre le comité organisateur
François ADAMSKY, Christophe BACQUIE, Alain BERNARD, Serge CHENET, Jacques DECORET, Jean-Marc DELACOURT, Jacques DELETOMBE, Philippe GIRARDON, Patrick HENRIROUX, Philippe JOUSSE, Antoine LABORDE, Guy LASSAUSAIE, Claude LEGRAS, Jean-François LEMERCIER, Régis MARCON, Joël ROY et Christian TETEDOIE ont observé, surveillé, noté et jugé les candidats. Comment ne pas être déstabilisé par la présence de telles sommités réunies pour vous scruter ? Des chefs multi-étoilés, des Meilleurs Ouvriers de France, Médaillé du Bocuse d’or, ont déambuler, se sont penchés pour humer, vérifier, l’exécution des recettes, mais aussi juger l’organisation, la proprété du poste de travail et la communication et le management des deux commis.
Le plat est déposé au pas de course sur le passe, prêt à être photographié pendant que le candidat note l’heure d’envoi face à un juré, qui ne lâche pas des yeux le chronomètre.
Pas le temps de souffler, retour sur ses pas de manière empressé, il s’agit de terminer le gigot de lait en 30mn.
Pendant ce temps, le plat est présenté devant le jury dégustation, à nouveau soumis à une séance photo stricte avant d’être découpé et distribué au jury “poisson”
Il s’agissait pour le candidat de mettre en scène “un turban de haddock soufflé pour 6 personnes cuit dans un moule à savarin de 18 cm de Ø (savarin uni ouvert), non chemisé, rempli d’appareil à soufflé de haddock et garni en son centre d’un fin “ragoût printanier” de légumes frais (artichauts, carottes, navets, butternuts, pommes de terre, courgettes, petits pois frais, pointes d’asperges vertes, févettes, haricots verts). Le turban soufflé sera légèrement nappé d’une sauce aïoli chaude et onctueuse et entouré de 6 oeufs frits posés chacun sur un “écrasé” de chou-fleur cuit. Le turban soufflé sera dressé au centre d’un plat rond (40 cm de Ø). Une saucière (20 cl) de sauce aïoli chaude et onctueuse sera servie à part en même temps que le turban soufflé.
Deuxième sujet d’épreuve le Gigot d’agneau de lait rôti pour 6 personnes, entier, non désossé, piqué à l’ail, rôti uniquement au four. Une saucière (20 cl) de jus d’agneau de lait issu uniquement de la cuisson du gigot, et servie à part en même temps. Réaliser 6 subrics de cervelle d’agneau de lait ronds de 6 cm de Ø et 1 cm d’épaisseur, l’appareil à subrics est libre mais devra comporter une brunoise d’aubergine cuite. Les subrics seront sautés et surmontés chacun d’une pomme Dauphine bien ronde et blonde de la grosseur d’une “balle de ping-pong” une fois cuite (4 cm de Ø). Réaliser 6 petites laitues farcies de coeur, foie et rognon d’agneau de lait (appareil libre). Chaque laitue sera glacée blonde et en forme de poire (la taille de chaque laitue ne devra pas excéder 8 cm dans sa partie la plus longue et 4 cm dans sa partie la plus large. Une fois glacée, chaque laitue sera surmontée de 3 “pastilles” de ris d’agneau cuit, lustrées au beurre clarifié et dressées chevauchées. Le dressage se fera en plat rectangulaire (60X47 cm), le gigot rôti au centre du plat, les garnitures de chaque côté du gigot rôti dans la longueur du plat en alternant les garnitures. Et voilà le résultat !
Après l’envoi des deux sujets imposés, il reste à présenter le sujet semi-libre, le dessert à base de fruits rouges. Deux jours d’épreuves comportent nécessairement une variante des sujets. Si mercredi 4 mai 2011, il s’est articulé autour des fruits rouges et un agrume, les candidtas ont du intégrer à leur recette impérativement certaines techniques culinaires : une pâte sablée, un dérivé de crème pâtissière, rôtir un fruit, cuire du sucre au caramel, et réaliser un élément de décor comestible. Le 5 mai, l’agrume a été remplacé par des pommes ou des poires, associées à une pâte sucrée, un dérivé de crème anglaise, un fruit poché, du sucre au gros boulé et toujours un élément de décor comestible. Un plat réalisé pour 6 personne et présenté sur un document comportant la rédaction d’un court descriptif et son intitulé.
Un dessert est bien souvent une difficulté supplémentaire pour le cuisinier. “On a voulu mettre un peu de piment avec cette improvisation d’expression libre”, a expliqué à l’AFP Alain Ducasse, président du jury, reconnaissant que la pâtisserie n’est pas nécessairement l’atout force d’un cuisinier.
Pendant ce temps, les jurés de dégustation, répartis en 3 jury distincts, “poisson”, “viande” et “dessert ou plat semi-libre” ont été installés dans la salle de restaurant attenante.
Armand BARATTO, Jean BARDET, Jérôme DUBOIS, Christophe FELDER, Jean FLEURY, Jean-Paul LACOMBE, Jacques LAMELOISE, Guy LEGAY, Jean-Michel LORAIN, Jacques LE DIVELLEC, Christian LE SQUER, Marc MENEAU, Gérard MULOT, Pascal NIAU, Pierre ORSI, Gérard PASSADAT, Emmanuel RENAUT, et Michel TRAMA ont observé longuement les chefs-d’œuvre qui leur ont été présentés pour vérifier la présence de tous les ingrédients imposés, la disposition conforme à la fiche technique, avant de procéder à la dégustation proprement dite.
Cuisson, gout, assaisonnement, exécution, température, saveurs, technicité, tout a été apprécié et jugé puis relevé dans une grille de notation.
“On tient à rappeler qu’il n’y a pas d’interprétation possible des plats” a souligné Christophe Quantin, les candidats devaient s’en tenir scrupuleusement à l’énoncé du sujet, sans aucun signe distinctif qui viendrait mettre en péril l’équité des candidats. Cette démarche explique aussi l’insertion de techniques précises dans le plat semi-libre pour que le jury ait des éléments de comparaison pour noter le savoir-faire culinaire des 36 candidats.”
Aux termes de 5h d’endurance, les candidats se sont tous retrouvés en loge pour attendre la fin des épreuves, échangeant leur impression, leur interrogation ou leur déception. Ils auraient souhaité avoir le temps des finitions, parfaire le dressage avant l’envoi, pestant contre le four “qui ne fonctionnait pas correctement” ou tout autre incident technique imprévu. Ils réfléchissent, se remettent en question, repassent le film de leur exécution et finissent par relâcher la pression. Ils vont tous être réunis face à l’ensemble du jury, pour être appelés, un à un, à gravir les marches sous les applaudissements nourris. Ils sont 10 à recevoir en ce jour sacré, “les insignes” d’honneur; la médaille et le col “bleu blanc rouge” par l’un de leurs pairs (ou pères), telle une intronisation, une invitation à rejoindre le cercle très fermé et si convoité des “Meilleurs Ouvriers de France”.
Jean-Paul Bostoen, second de Marc Haeberlin à l’auberge de l’Ill fait partie de cette nouvelle promotion, rejoignant pour la région Alsace Olivier Nasti, promu en 2007. “Bienvenue au Club” a-t-il lancé à Jean-Paul, avant de le féliciter chaleureusement. “Je me souviens très bien de cet instant de la proclamation des résultats; de fortes émotions vous envahissent. Elles sont indescriptibles. J’ai une grande pensée pour mon ami Bernard Leray et la courageuse Anne Ernwein, qui n’ont pas démérité”, a déclaré le chef du Chambard. “Je les encourage à recommencer, à persévérer, à cultiver ce travail d’excellence au quotidien dans leur cuisine, en rappelant que c’est un concours vraiment difficile, que j’ai passé trois fois, mais je n’ai jamais renoncé à mes objectifs”
Par Sandrine Kauffer
A noter dans vos agendas.
Début du mois de juin, France 3 a prévu de diffuser un documentaire sur les coulisses du concours d’un des “Meilleurs Ouvriers de France” sur les métiers de pâtissier, présidé par Philippe Urraca, et de cuisinier, présidé par Alain Ducasse.