Je sais : je vous ai déjà parlé des « ramequins », que nous croyons souvent être des moules, et que le dictionnaire moderne dit être une rôtie ou une petite pâtisserie chaude à base de fromage. Et j’ai déjà discuté la chose… mais je viens de trouver, chez Pierre François La Varenne, de nouvelles recettes étonnantes.
D’abord un « ramequin de rognon », qui ne comprend pas de fromage :
« Tirez le rognon d’une longe de veau cuite ; hachez-le avec persil ou ail, & un jaune d’oeuf ; puis étendez votre appareil bien assaisonné sur du pain que vous ferez rôtir dans la poêle, & servirez le tout sec ou sucré. »
Là, il y a un « rôtissage » à la poêle, ce que nous nommerions un sauté, mais le dictionnaire nous rappelle justement que, depuis 1155 ( ce n’est pas neuf!), rôtir, c’est en réalité cuire à feu vif, à la broche ou sur le gril. D’ailleurs, l’ingénieur français Babinet, qui signa un gros livre de cuisine du pseudonyme Alibab, écrivait justement : « On prépare les rôtis à la broche ou dans un vase quelconque non clos, et la cuisson s’opère à l’air libre ou au four ».
Mais revenons à La Varenne : après le premier ramequin, l’auteur donne un « ramequin de chair » :
« Prenez telle viande que vous voudrez, hachez la bien menue, & étant hachée, délayez la avec un oeuf, & l’assaisonnez comme il faut ; faites-les rôtir dans la poêle & servez avec un jus de citron. »
Là, il faut observer que, à nouveau, il y a de la viande hachée, additionnée d’un jaune d’oeuf, mais, surtout, on observe l’emploi du jus de citron, qui relève le goût.
Vient alors – enfin – un « ramequin de fromage » :
« Prenez du fromage ; faites-le fondre avec du beurre, oignon entier, ou pilé, sel & beaucoup de poivre ; étendez le tout sur du pain ; passez la pelle du feu par dessus, & servez chaud. »
Là, on a donc une préparation de fromage, oignon, beurre, sur du pain, le tout étant gratiné : n’est-ce pas ce que nos amis suisses nomment une « croûte au fromage » ?
Vient alors le plus extraordinaire : un « ramequin de suie de cheminée » !
Oui, on faisait feu de tout bois, à l’époque : « Votre pain étant passé peu plus de moitié par le beurre ou huile, poudrez-le de suie, avec sel & force poivre par dessus, & servez chaud ».
Il n’est pas certain que cela soit très sain : les suies sont pleines de composés cancérogènes ! Passons donc rapidement au ramequin d’oignon : « Prenez vos oignons, & les faites piler dans un mortier, avec sel & poivre à force ; vous y pouvez mettre anchois bien fondus avec peu de beurre, vos oignons étant sur le pain passé dans l’huile ou dans le beurre ; passez la pelle du feu bien rouge par dessus, & servez. » D’ailleurs, il donne la même recette avec des aulx (de l’ail, donc).
Un peu après, Massialot ne donne, lui, que la recette des ramequins au fromage : « Pour faire des ramequins au fromage, on fait une farce [fromage blanc pilé avec œuf, poivre, farine, lait, œufs, persil] ; & y ajouter, si l’on veut, de la levure de bière pour les faire mieux enfler. Pour former les ramequins, il faut trancher de la mie de pain en petits carrés, avec la pointe du couteau, & à chaque tranche de pain vous mettez un peu de votre farce dessus. Il faut avoir quelque œuf fouetté, où vous tremperez votre couteau, afin que la farce ne s’y attache pas. Vos ramequins seront formés d’une hauteur ronde ou carrée. Vous les ferez cuire dans une tourtière, ayant mis un peu de beurre au-dessous ; prenez garde qu’ils ne prennent trop de couleur. Ils vous serviront pour garnir des pois à la crème, & toute autre chose que vous jugerez à propos. »
C’est bon, bien sûr, mais n’oublions pas les autres possibilités !
Par Hervé This
Pour la première partie de l’histoire des ramequins : Terminologie “les ramequins”