Les rôties ? Quiconque lit des livres de cuisine en a une notion vague, d’autant que certaines cuisines régionales en parlent encore. Mais qu’est-ce au juste ?
Le Trésor de la langue française informatisé nous livre une définition : Tranche de pain rôtie sur le gril ou devant le feu, frite au beurre ou à l’huile dans la poêle, que l’on consommait nature ou garnie pour accompagner le petit déjeuner ou le goûter, les coupes de vin servies au début du repas, les soupes et ragoûts ou les volailles sous forme de canapé.
Et de citer des rôties beurrées, au jambon, à la confiture…
C’est vraiment une vieille pratique, puisqu’on la trouve déjà en 1604 dans une recette de « Tetin de vache », dans l’Ouverture de cuisine de Lancelot de Castelnau :
“Pour le tetin de vache qu’il soit bien nettoyé estant cuit, & le mettez en une toille de veau qu’il soit bien lié, & le mettez en broche. Pour la saulse du tetin, prennez deux ou trois rosties de pain blanc, qu’il ne soit point bruslé, & prennez du bouillon avec verju pour tremper le pain, & le passez avec quatre ou cinq iaunes d’oeufs, & mettez dedans noix-muscade, canelle, gingembre, saffran, & succre, & le faictes bien bouillir ensemble, & mettez le sur le tetin rosty.”
Quant à Nicolas de Bonnefons, en 1654, il donne par exemple une recette pour du petit gibier
“On les plume à sec & on leur écorche la tête, leur passant le bec à travers le corps par les côtés sans les vider. Puis on larde & met en broche, la passant en biaisant de la cuisse au gros de l’aile. On met dans la lèchefrite deux tranches de pain rôties afin que le dégoût de la bécasse tombe dessus. Puis on fait une petite sauce au verjus, sel & un peu d’épices, dans laquelle on fait renfler les rôties auparavant que de dresser les bécasses dessus.”
C’est ici l’occasion d’observer que nous rôtissons souvent mal : mettre la viande au-dessus du feu, c’est inévitablement s’exposer à ce que la graisse et les jus soient perdus, réenflammant les braises, qui font alors charbonner le tout. Surtout, ce qui est invisible mais très dangereux, c’est que cette pratique dépose sur la viande des benzopyrènes cancérogènes en abondance. Non, il faut mettre la viande devant le feu, et non dessous, ce qui permet donc de mettre sous la viande une lèchefrite où les jus tombent, éventuellement sur les rôties. Mieux encore, on vendait dans le temps des « coquilles », sorte de demi-cylindres métalliques que l’on mettait dans l’enfilade feu, viande, mais derrière la viande : ces systèmes agissaient comme réflecteurs, de sorte que la viande cuisait plus vide.
Mais il faut terminer surtout sur une note gourmande : ah, les rôties tirées de la lèchefrite sur lesquelles on a écrasé un foie de volaille et ajouté un salpicon de champignon !
Par Hervé This