Gâteaux au chocolat

Les “indulgents”

Ce matin, je trouve dans un livre de cuisine moderne, une recette d’« indulgents ». De quoi s’agit-il ? Je ne trouve aucune recette avec une telle préparation dans le manuel de pâtisserie de Pierre Lacam en 1934, rien chez Georges Dumont, en 1911, rien chez Émile Darenne et Émile Duval en 1909, et, pire, rien dans le dictionnaire universel de cuisine de Joseph Favre, en 1905. Rien chez Urbain Dubois, rien chez Marie-Antoine Carême, rien chez André Viard en 1805, rien dans le dictionnaire de Lottin en 1772, et ainsi de suite.

Rien, donc, rien et encore rien ! Alors pourquoi ce billet ?

Parce que, lors de mes recherches, j’ai souvent vu le mot « indulgent » à côté celui de « cake », ou de « dessert », mais en anglais. Et, en anglais, indulgent signifie gourmand. Cela étant, un gâteau n’est pas gourmand, et c’est celui qui le mange qui est gourmand.

Et voici l’occasion de rappeler la différence entre gourmet, gourmand et goinfre, en rappelant aussi que le boulanger parisien Lionel Poilâne avait fait signer à quelques amis une « Supplique » au Pape pour que l’on reconnaisse que la gourmandise n’est pas un péché. Le Pape avait répondu que la gourmandise n’était pas un péché, mais que c’était l’excès, la goinfrerie, qui était condamnable.

Donc aimer manger des bonnes choses, c’est être gourmand, mais tomber dans l’excès alimentaire, c’est être goinfre. D’ailleurs, le juriste gastronome (cela signifie : qui étudie la cuisine) Jean-Anthelme Brillat-Savarin disait justement que quelqu’un qui s’enivre ou s’indigère ne sait ni boire ni manger.

Et le mot gourmet, dans tout cela ? Ce sont ceux qui aiment le vin, car le mot dérive du nom d’une profession, les « gourmets jurés piqueurs », qui sont des professionnels assermentés pour acheter les vins. Un gourmet n’est donc pas plus raffiné qu’un gourmand, et, d’ailleurs, on a le droit d’être à la fois gourmet et gourmand !

Et nos indulgents, alors ? Ce ne sont pas des gâteaux traditionnels français, mais bien plutôt des pâtisseries mal nommées, à partir d’un anglais fautif de surcroît. Soyons… indulgents avec celles et ceux qui utiliseraient le terme, mais conseillons-leur de ne pas utiliser ce mot en français. Et faisons des gâteaux qui invitent à la gourmandise.

Par Hervé This