Fritots, frittots, friteaux ou fritteaux ? On trouve ces quatre orthographes pour le même objet, depuis au moins le 13e siècle. Et l’examen des livres de cuisine ancienne montre que nos « nuggets » ne méritent pas leur snob nom anglais, car ce ne sont que des fritots.
Mais revenons en arrière. Initialement, on trouve le mot pour désigner soit de petits beignets de viande hachée, soit des pièces frites après avoir été entourées de pâte ou saupoudrées de farine.
Pour Jules Gouffé, en 1867, on n’a pas de définition, mais une recette de « fritots » de poulet : « Découpez 2 poulets comme pour fricassée. Marinez-les avec : huile, jus de citron, sel et poivre, persil en branches et oignon en lame. Une demi-heure avant de servir, retirez oignon et persil. Épongez les morceaux de poulets sur un linge, trempez-les dans le lait, puis, roulez-les dans la farine. Faites-les frire à feu modéré et activez la chaleur à mesure que la cuisson s’opère. Lorsque les poulets sont cuits et colorés, égouttez-les. Dressez-les en rocher sur une serviette; garnissez de persil frit ; Servez à part sauce poivrade ou sauce tomate. »
Joseph Favre, lui, retient l’orthographe « friteau » en 1899, : il s’agissait de « fritures de viande enveloppée de pâte. Friteau de poulet, de grenouilles, etc. Aujourd’hui on dit beignet. »
Beignets et friteaux seraient identiques ? Ce n’est pas assuré, car Nicolas de Bonnefons (qui écrit « fritteau ») distingue bien les deux pièces. Notamment, pour lui, les beignets s’obtiennent quand les pièces ont été trempées dans de la pâte à beignets : « La pâte à beignets se fait avec de la farine, de formage mol, de lait, de vin blanc, des œufs, & du sel à discrétion, que l’on détrempe bien ensemble, en consistance de bouillie. » Bref, on ne suivra donc pas Favre dans ses définitions insuffisantes.
Le Guide culinaire, dont on sait qu’il est très médiocre, écrit quatre ans plus tard :
« Beignets. – Terme générique de tout objet ou appareil, enrobé de pâte à frire et frit. La pratique moderne l’a admis sous le nom de fritot, et a identifié les deux termes. Tous les beignets se dressent sur serviette avec bouquet ou bordure de persil frit, et doivent être saisis par la friture, pour éviter le désagrégement de la pâte. Le fritot se différencie pourtant du beignet en ce qu’il est généralement accompagné d’une sauce tomate. »
Étrange texte, qui dit que les fritots sont des beignets, mais, dans le même paragraphe, indique le contraire, en sortant une sauce tomate d’on ne sait où. Il donne la recette :
« Fritot (de) choux-fleurs et brocolis. – Bouquets bien égouttés, assaisonnés, saupoudrés de persil haché, et marinés 20 minutes avec huile et jus de citron.
Tremper en pâte à frire ; frire au moment, et dresser sur serviette avec persil frit. – Sauce tomates à part. »
Mais, ailleurs dans le livre, il identifie les fritots avec des marinades !
« Fritot ou marinade. Escalopes de volaille marinées avec huile, jus de citron et fines herbes hachées. Tremper en pâte à frire légère, frire au moment, dresser avec persil frit, et accompagner invariablement d’une sauce tomates.
NOTA. – La volaille bouillie convient mieux pour cet apprêt que la volaille rôtie, parce que la chair plus poreuse prend mieux la marinade. Ces deux apprêts, confondus aujourd’hui, se différenciaient autrefois en ce sens que le fritot avait pour élément de la volaille cuite, et que la marinade se faisait avec la volaille crue. »
On voit l’incohérence : d’abord, il distingue les fritots des beignets par la sauce tomate, puis il distingue les fritots des marinades par la cuisson des volailles. Décidément, mes amis cuisiniers et gourmands risquent de s’y perdre, à suivre ce très mauvais livre, et nous aurions intérêt à en rester à des livres plus anciens, et plus justes.
Pour moi, je me résous à ceci :
1. les beignets sont des pièces entourées de pâte à beignet
2. les friteaux, fritots, friteaux ou fritteaux (je me réserve le droit d’utiliser les quatre orthographes) sont des pièces frites, souvent de viande (crue ou cuite, peu importe), mais pas exclusivement, soit sans addition, soit farinées.
3. on utilise de la sauce tomate si l’on veut, mais cela ne change rien à la dénomination.
Par Hervé This