La semaine dernière, nous avons considéré les entremets, mais cela doit nous rappeler que l’organisation des repas n’a pas toujours été telle qu’aujourd’hui. De fait, nous avons presque commencé par la fin, alors que nous aurions dû évidemment commencer par le commencement.
Les entrées ?
Pour le cuisinier suisse Joseph Favre, l’entrée est le « cinquième mets d’un dîner: hors-d’oeuvre; potage; poisson; relevé; entrée. Ainsi appelé parce que, avec elle, commence l’art culinaire, la science du cuisinier ». Pour Favre, les entrées se divisent en entrées chaudes et entrées froides. Les entrées chaudes se subdivisent en trois classes :
- – les entrées en sauces : fricassée, salmis, sauté;
- -les entrées frites : beignets, cromesquis, croquettes;
- -les entrées de farce: pains, soufflés, quenelles, pâtés.
Pour Favre, lorsqu’il y a plusieurs entrées, elles doivent varier et de qualités et de propriétés, et comme on l’a dit, il faut mêler bon goût, parfum, couleur, soigner les liaisons, ne pas commettre des « cuirs » indigestes.
Mais Favre est déjà récent, et cela vaut la peine de le confronter à un dictionnaire du 18e siècle, celui de François Alexandre Aubert de la Chesnaye des bois , pour qui l’entrée est « une sorte de mers qui se sert immédiatement après le potage ». Et oui, Favre nous avait fait oublier que le repas commençait souvent par un potage, un consommé, voire une soupe. Aubert rappelle aussi que l’on servait rarement du rôti pour entrée, mais assez souvent des pièces de four chaudes.
En deux services
Et avant ? Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, parle plutôt de « services ». Par exemple, pour le premier service : « A l’entrée de table, on servira trente bassins dans lesquels il n’y aura que des potages, hachis & panades. Qu’il en ait quinze où les chairs paraissent entières & aux autres quinze, les hachis sur le pain mitonné. Qu’on les serve alternativement, mettant au haut bout d’un côté un bon potage de santé & de l’autre côté un potage à la Reine fait de quelque hachis de perdrix ou faisan. Après le potage de santé, un autre hachis sur les champignons, artichauts ou autres déguisements & vis à vis une bisque. Sous l’autre hachis, un potage garni, sous la bisque une jacobine ou autre, & ainsi alternativement jusqu’au bas bout, mettant toujours après un fort, un autre faible. »
Puis, il aura le deuxième service, qui « sera composé de toutes sortes de ragoûts comme les fricassées, les courts-bouillons, les venaisons rôties &, en pâte, les pâtés en croûte feuilletée, les tourtes d’entrée, les jambons, langues, andouilles, saucisses & boudins, melons & fruits d’entrée selon la saison, avec quelques petits ragoûts & salades dans le milieu sur les salières & porte-assiettes. Le maître d’hôtel observera plusieurs sujétions nécessaires. En premier lieu, il servira toujours du côté droit, s’il se peut, à cause de la commodité de la main qui porte les plats. En second lieu, il lui faut un aide pour desservir l’autre côté, lequel ne lèvera qu’à mesure qu’il servira & ne lui laissera que quatre places de vides. En troisième, il ne portera jamais un bassin chargé de grosse viande devant les personnes plus considérables à cause qu’il leur boucherait la vue du service & que cette personne serait obligée de dépecer pour présenter aux autres. En quatrième lieu, que les plats soient si bien disposés qu’il y en ait des forts & des faibles, d’un côté & de l’autre, distance égale, autant qu’il se pourra, mélangeant si bien son service qu’il n’y ait point de plats doubles par l’éloignement de l’un à l’autre & le changement de côté. »
Et c’est ensuite, dans le troisième service, que viendront les rôtis (qui seront également dans le quatrième service).
Bien sûr, tout le monde ne mangeait pas chaque jour en huit services, comme le roi, mais on comprend mieux, ainsi, ce qu’est une « entrée », n’est-ce pas ?