Quand nos ancêtres n’avaient pas de réfrigérateurs ni de chambre froide, ils devaient prendre garde aux produits stockés… et c’est pour cette raison que sont nées les confitures, les saumures, les fumages, mais aussi les fromages (qui sont des conserves de lait), les saucissons, les produits séchés…
Par Hervé This
Au détour du livre publié par François Massialot en 1705, je trouve une amusante « Sauce nouvelle et toujours prête, ou sauce à tous mets ». Je propose d’en donner la recette (retranscrite en français moderne), avant de l’interpréter :
« Ayez du verjus, du vinaigre et du vin, à savoir un poisson de verjus, un verre de vinaigre et un demi septier de vin ; mettez le tout ensemble dans un vaisseau de terre neuf que vous puissiez boucher ; jetez-y une demie livre de sel auparavant séché sur de la cendre chaude, deux onces de poivre noir, deux gros de muscade en poudre, autant de clous de girofle, un demi gros de gingembre, un morceau d’écorce d’orange sèche, une once de graine de moutarde un peu broyée, une demi douzaine d’échalotes, un peu froissées, dix feuilles de laurier, une pincée de basilic, un petit rameau de thym, & un peu de cannelle. Ayant bien bouché votre vaisseau, vous laisserez infuser le tout sur cendre chaude pendant vingt-quatre heures, après lesquelles vous passerez votre composition dans un linge serré ; elle se garde à la cheminée dans une bouteille de grès bien bouchée, plus d’un an dans sa bonté, et se peut porter en campagne, ou à l’armée, où on est bien aise de la trouver pour en assaisonner en un moment toutes sortes de ragoûts & de viandes. Ceux qui aiment l’ail et l’oignon y en pourront mettre ; et ceux au contraire, qui n’aiment pas ces sortes de choses, les retrancheront. Vous la pouvez faire avec de l’eau seule, ou avec le verjus ou le vin, ou du jus d’orange ou de citron. »
Le verjus ? Chacun sait que c’est le liquide que l’on obtient quand on broie des raisins qui n’ont pas mûri.
Un « poisson de verjus » ? Le poisson est une ancienne mesure de liquide, valant la moitié du demi-sétier, c’est-à-dire le quart de la chopine ; la chopine est un demi-litre. Soit finalement un huitième de livre. Un demi septier ? Environ un quart de litre. Et là, déjà, on admire que le Système international d’unité ait été introduit en France dès la Révolution !
Le « vaisseau de terre » sera remplacé par une bouteille ou un bocal de verre. Sécher le sel ? Inutile : nous savons que l’eau qui mouille le sel n’est que de l’eau. Une livre ? Un demi-kilogramme. Une once ? Disons 25 grammes, puisque cela variait selon les régions. Un gros ? Un peu moins de 4 grammes.
Et vous voilà paré pour faire l’essai… En observant que c’est un aromatisant, un jus plutôt qu’une sauce. Restera à lier, soit avec un roux, soit avec de l’œuf, soit avec de la matière grasse qui sera émulsionnée, par exemple.
Par Hervé This