On dit trop souvent que Guide culinaire est l’ouvrage de référence qui a codifié la cuisine… mais ce livre cette codification est d’abord incohérence, et, surtout, ignorante de bien des usages anciens ! C’est ainsi qu’il confond le « velouté » et la « sauce blanche » grasse. Il prescrit un roux délayé avec un fonds de veau.
Cherchons plus avant, notamment dans le dictionnaire de Joseph Favre : on y trouve plusieurs possibilités. Ainsi, pour des asperges ou des cardons, il s’agit d’un roux léger mouillé avec la cuisson d’asperges ou des cardons et lié avec beurre et jaunes d’œufs. Pour des choux-fleurs, il y a l’ajout de noix muscade et de jus de citron. On pressent déjà que c’est meilleur !
La sauce existait-elle avant ? Oui, puisque Pierre de Lune, en 1656, fait une sauce blanche avec jaunes d’oeufs et vinaigre ou verjus. Bien sûr, on peut toujours se demander si ce n’est pas une dénomination un peu hasardeuse, de sorte que l’on est invité à remonter encore plus loin… et l’on trouve, en 1643, dans L’art de bien traiter, L.S.R qui nous donne la recette suivante :
Mettez dans un moüillon d’estaim, ou casserolle, beurre frais, une cuillerée ou deux de son courboüillon, peu de sel & de poivre blanc, capres, quelques tranches de citron, ou d’orange, muscade si on l’aime, & un anchois préparé, dessalé, haché menu : remuez le tout ensemble avec une cuillere de bois, ou d’argent sans discontinuer afin que la saulce se lie, & devienne bien épaisse, aussi tôt vous verserez sur vostre brochet, & le servirés promptement, de crainte que la faisant rechauffer elle ne tourne en huille, ce qui est incommode & fort dégoutant en matière de saulce liées..
Pour des « aumars » (de homards, bien sûr), la recette est un peu différente, mais du même type : beurre, persil haché, verjus ou vinaigre, jaunes d’oeufs, muscade.
Décidément, je propose de codifier correctement, en conservant la plus ancienne des recettes, et je vais de ce pas corriger le Glossaire des métiers du goût que je vous invite à consulter sans modération via ce lien.
Par Hervé This