Ce petit poisson aux écailles d’argent, mets de luxe au 19ème siècle puis populaire, voir de 1ère nécessité à partir de 1950, a toujours le vent en poupe, car ce cousin du sprat, du hareng ou de l’anchois regorge dans ses chairs des fameux omégas 3. Riche en protéines, vitamines D et E, sels minéraux, phosphore et fer, la sardine reste un poisson convoité, qui fournit à l’organisme pas moins de 135 calories pour 100 grammes.
Son nom provient de La Sardaigne, où les Grecs la pêchaient déjà en abondance. Pline l’Ancien relate dans ses écrits des scènes de pêche et se plaint déjà de la forte présence des bélugas, appelés aussi dauphins-marsouins. Car l’histoire de la sardine est intimement mêlée à l’abondance de ces derniers. Vous allez bientôt comprendre…
Janvier 1903 : la famine sévit sur toute la côte bretonne, de Camaret à Quiberon.
Les bateaux sardiniers qui quittent les ports de Douarnenez, Concarneau ou Quimper reviennent les cales désespérément vides. Depuis le début du 18ème siècle, les industries liées à la sardine sont presque l’unique revenu des marins pêcheurs et de leurs familles. Car tout le monde s’y met. Pendant que les hommes bravent l’océan, femmes et enfants sont employés dans les centaines d’usines, qui traitent le petit poisson aux écailles d’argent. L’économie de la Bretagne maritime est totalement dépendante de ce clupéidé nommé aussi le pain de la mer. Entre Douarnenez et Saint Gilles Croix de vie, plus de 150 conserveries tournaient à plein pendant cinq mois de l’année. Elles sont maintenant silencieuses. Des révoltes éclatent, la troupe charge quelquefois. Des bateaux sardiniers désarment pour tenter de pêcher langoustes et homards qui se raréfient aussi. Des gens meurent de faim et de froid car ils n’ont plus de quoi acheter le pain et le bois. La dépêche de Brest lance une souscription publique “sans pain ni feu” qui rapportera la somme de 30 000 francs. Un immense élan de solidarité nait en France : les habitants de la capitale viennent au secours des bretons affamés et désespérés en chargeant forces carrioles de vêtements et de victuailles. Cette disette due à la raréfaction de la sardine va durer sept ans.
Les bélugas, voila le responsable désigné de toutes ces misères !
Puis la pêche reprend timidement vers 1914 : les techniques de prise comme les nouvelles technologies des navires permettent d’explorer d’autres façons de ramener le poisson dans les filets. De nouveaux appâts remplacent la traditionnelle rogue (des œufs de poissons salés)
Drôle de poisson
Au printemps et en été, la sardine voyage en eaux réchauffées, elle s’engraisse de planctons. Le reste de l’année, elle vit en banc et en haute mer entre 10 et 50 mètres de fond. Elle se reproduit toute l’année en méditerranée et ses alevins restent près des côtes en été. Elle peut vivre quinze ans, dépassant rarement la taille de 22 cm.
Il existe une saison pour pleinement apprécier la sardine : l’été, car elle est plus grasse. Les Portugais lui louent un véritable culte gastronomique.
Allez flâner dans les ruelles de Lisbonne, vous sentirez la sardine grillée avant de voir les barbecues installés sur les pas de portes. La manière de les préparer là-bas est fort simple. Le poisson n’est ni étêté, ni vidé mais recouvert de gros sel. Une fois cuites sur des braises, la sardine est déposée bien juteuse sur des tranches de pain beurré. Une simple pression de doigt sur la sardine et les écailles partent avec la peau et le sel, mais attention, les sardines se mangent les plus fraiches possible !
Une sardine fraîche et de qualité est luisante et raide, les écailles sont intactes, les ouïes bien rose, la peau est tendue et l’œil est vif. Il ne doit pas y avoir de tâches de sang sur la tête et les ouïes. Ecartez les lots qui paraissent écrasés.
Sardines en boîtes
Je l’avoue sans détours : je suis un amateur de sardine en boîtes ! J’en ai même une petite collection, 250 spécimens environ. Je connais un amateur qui en possède plus de 2500 !
D’abord ces boîtes colorées, toutes différentes me font naviguer. Certaines sont de véritables œuvres d’art. Quand je les regarde, elles me rappellent des souvenirs laissés à la pointe du raz, la vue sur l’océan depuis les hauteurs du phare d’Eckmühl, les balades sur le port de Concarneau, les Kouign-amann de Douarnenez, les embruns pris en pleine face sur la jetée d’Audierne, les odeurs de filets bleus et de vieilles crevettes sur un quai de Lorient, la criée à Quimper, les balades sur les sentiers des douaniers à Saint Malo, des parties de pêches miraculeuses, les huîtres dévorées sur la plage, le vent qui s’engouffre dans le foc, la peau si douce d’une amie bretonne… Mes sardines en boîtes, je les retourne quelquefois pour qu’elles s’imbibent sur chaque face. Je ne prends que celles conservées à l’huile. Elles se bonifient avec le temps et je ne les consomme qu’une fois la DLC passée !
Quand l’envie me prend, j’en ouvre quelques-unes que je déguste avec des pommes de terre en robe des champs (des bonottes de Noirmoutier avec du beurre salé, c’est le bonheur !)
Les sardines en boîtes c’est comme le bon vin. Au départ, et pour bien vieillir, il faut que le produit soit de qualité irréprochable. Les sardines millésimées ont été crées en 1992 par la marque connétable.
Procédé de fabrication de bonnes sardines mise en boîtes
Généralement, elles sont d’abord frites pour rester croustillantes. Par ce procédé, elles s’imbibent moins d’huile et sont donc plus digestes.
- Poisson extra frais préparés à la main.
- 22 à 26 sardines au kilo font le meilleur calibre.
- Placées une à une sur des grilles puis mises à tremper dix minutes à une heure dans une saumure (nettoyage, raffermissement, salage)
- Egouttage et séchage.
- Cinq à six minutes dans de l’huile de tournesol à 120 °
- Séchage 24 heures (évacuation des excédents d’eau et d’huile)
- Queues et collets coupés au couteau, mise en boîte têtes bêches.
- L’emboîtage est dit « Au bleu » si elles sont sur le dos ; « Au blanc » si on voit leur ventre.
- Ajout d’huile d’olive ou autres.
- Sertissage et appertisation.
- Trois mois de stockage minimum pour confisage avant la vente.
Les boîtes sont généralement rectangles mais aussi ovales au Japon ou cylindriques en Asie. Celles à clé ne sont plus commercialisées depuis une quinzaine d’années, ce sont aujourd’hui de véritables objets de collection. La tirette a remplacé la magie de l’ouverture à l’aide de la clé spéciale. Les plus anciennes boîtes ne disposent ni de tirette, ni de languette mais on en vient à bout avec un traditionnel ouvre boîte.
En juillet 2003, un problème bactériologique est relevé sur les Titus : mal serties, elles s’abiment vite.
Le label Rouge :
Il existe un cahier des charges strict comprenant :
- Pêche côtière artisanale.
- Coup de chalut bref pour ne pas comprimer le poisson.
- Débarquement rapide.
- Eviscération et étêtage main.
- Elle est frite debout sur des grilles.
- Le nom du bateau, la date de pêche, de débarquement et de conditionnement est notée sur la boîte.
Attention aux sardines en boîte bas de gamme car elles sont étêtées, vidées et mise en boite mécaniquement ce qui confère souvent au produit des goûts amers. De plus, les qualités d’huile mise en œuvre sont suspectes.
A lire : l’instructif ouvrage d’Yvon Lachèvre “LA SARDINE, toute une histoire” Edition Patrimoine Maritime
Par Daniel Zenner