Les historiens semblent enfin s’être mis d’accord sur la réapparition du foie gras en France au 18 ème siècle, plus précisément en 1780 dans la bonne ville de Strasbourg. Ce fût le cuisinier du Maréchal de Contades – alors gouverneur de l’Alsace – qui mis en œuvre le foie gras d’oie dans un magnifique pâté en croûte complété par de la farce de veau et de lard finement hachés.
Les conditions de transport s’améliorèrent, l’acheminement par voie ferrée prenant de l’essor. Les systèmes de refroidissement commençaient à apparaître: ils devenaient garants d’une qualité, d’une hygiène des produits et d’une plus longue conservation.
Les premières terrines en conserve furent créées vers 1850. Elles cuisaient en pot de terre cuite puis étaient recouvertes de graisse d’oie ou de saindoux. Ainsi, elles pouvaient se conserver entre deux et trois semaines, suivant la saison.
Un des premiers gros coup médiatique de l’histoire
Ce pâté a bien créé à Strasbourg en l’an 1780, par un Lorrain et pour un Maréchal et un roi de France qui n’étaient pas Alsaciens! Mais le foie gras, à n’en point douter, était bien alsacien. Les cuisiniers et surtout les pâtissiers devaient sûrement déjà l’employer depuis quelques décennies.
Au grand désespoir des producteurs de foie gras du Sud-ouest, l’Alsace a raflé la mise jusqu’à être nommée en cette fin du XVIII siècle: “Capitale mondiale du foie gras”. Mais soyons honnêtes. Dans le livre “Le Cuisinier Gascon” paru en 1747, une recette de “foie gras en croûte” est donnée. Dans “le Dictionnaire portatif de Cuisine” édité en 1767, la formule du “pâté de Périgueux” contient: “Douze foie gras, deux livres de truffes, des champignons et de la ciboulette”. Les romains sont allés loin vers l’ouest de la France, laissant au passage quelques beaux monuments. Des communautés juives prospéraient aussi en Béarn, en Périgord, dans les Landes et dans le Gers pendant tout le Moyen-Âge.
Un peu plus tard, en 1674, un cuisinier officiant dans divers châteaux de la région parisienne, “L.S.R., donne une recette de “foie gras frits” dans son livre: “L’Art de bien traiter”. Mais de quel foie gras s’agit-il?
J’ai poursuivi mes investigations en cherchant systématiquement dans ces ouvrages le mot foie gras. Je ne l’ai identifié que lié à l’oie. D’ailleurs, il est bien improbable d’imaginer un foie gras de poulet, de porc ou de veau. Il est certain qu’à Paris, au milieu du XVII ème siècle, on pouvait se procurer du foie gras d’oie.
Et la truffe dans cette histoire?
Ce fut un autre cuisinier, chassé de Paris en ces temps troubles de la Révolution française, qui vint chercher fortune à Strasbourg. Nicolas François Doyen arriva donc en 1792. Il fit rapidement connaissance de Clause et eut l’idée de marier la truffe au foie gras pour sublimer l’œuvre gourmande. Ce dernier ouvrit comme Clause une boutique, sans cependant le concurrencer ou lui porter tort, car la réputation du pâté de foie de Strasbourg était scellée et la demande ne cessait de croître.
Aujourd’hui, à cause de l’usage intensif des intrants chimiques en agriculture conventionnelle, la truffe semble bien avoir disparue sur les quelques collines calcaires en Alsace. Elle provient aujourd’hui du Périgord, plus généralement du Sud- ouest, de l’arrière pays Niçois ou de la Drôme provençale.
Elle n’est pas ajoutée systématiquement dans les pâtés ou les terrines de foie gras d’Alsace.