Il y a deux semaines, la France s’enorgueillissait de voir son “repas gastronomique” rejoindre le patrimoine culturel immatériel de l’humanité sur décision de l’UNESCO.
Les 23 et 24 novembre 2010 à Illkirch (67), lors des épreuves qualificatives régionales du 24ème Concours “Un des Meilleurs Ouvriers de France”, classe “Cuisine-Gastronomie”, ils étaient 16 prétendants au titre de MOF, ambitionnant de devenir par la même occasion, l’élite, les ambassadeurs de cette excellence culinaire, et d’avoir l’honneur de porter le tour de cou bleu-blanc-rouge ainsi que la médaille emblématique de l’excellence.
C’est sous la responsabilité du Président du Jury, Olivier Nasti, chef étoilé du Chambard à Kaysersberg et du vice-Président Émile Jung, ancien chef étoilé du Crocodile à Strasbourg, que se sont déroulées ces épreuves, avec la particularité que ces deux éminences gastronomiques ne pouvaient pas noter. Il leur restait cette fameuse cuillère, suspendue à la ceinture du tablier, leur permettant à loisir de tout déguster.
Il leur incombait de noter la prise en main du poste, l’hygiène, l’organisation, la relation avec le commis, les techniques de découpes, la maitrise des cuissons, la propreté du poste, la vérification du matériel au préalable et la tenue vestimentaire.
Rien n’est de l’ordre du détail, c’est l’excellence qui est recherchée. Et au-delà d’un beau plat, c’est un savoir-être et un savoir-faire qui sont récompensés.
“Ce candidat a choisi un homard mâle canadien, c’est dommage, il fallait un homard breton femelle” a relevé un des jurés. Ils jugeaient également la propreté du matériel, la bonne utilisation du frigo, et les procédures imposées par les fiches techniques.
De grandes toques sont arrivées, palais aiguisé, pupilles dilatées, odorat affûté et sensibilité exacerbée.
Pascal Bastian (le Cheval Blanc à Lembach), François Paul (le Cygne à Gundershoffen), Cyrille Lohro MOF Fromager (Au vieux Gourmet à Strasbourg), Christine Hart (auteur-gastronome) ont dégusté le Carrelet à 16 reprises.
” C’était les carnets de l’aventure pour dénicher un carrelet conforme”, nous raconte un des candidats. Le 9 novembre dernier, le sujet avait été tiré au sort parmi un choix de 16 plats (8 entrées et/ou dessert et 8 plats), au lycée Henri IV à Paris, lors de la réunion des Présidents et Vice-présidents de centre et des chefs d’établissement, en présence des candidats.
“C’était la course aux carrelets et surtout aux beaux carrelets” soupire un candidat. En effet, sa dorsale et ses gommettes orangées étaient admirées. Tout était mesuré, millimétré avec la plus grande minutie. La présentation, la disposition, le sens du poisson, tête à gauche ou à droite, ventre en haut ou en bas, doivent se faire dans le respect des techniques classiques de dressage.
Puis vint la dégustation proprement dite, le goût, la persistance, le fondant des pommes de terre, la fermeté de la chair, les garnitures soignées. Tout était décortiqué et scrupuleusement noté dans les cases consacrées.
Le Jury était également en quête de produits interdits : “il fut soupçonné la présence de la truffe dans un des plats”.
La chorégraphie est similaire, présentation du “pie” de canard aux navets aux membres du Jury et dépose sur la table à découpe, tenue par Madame Zehner et Monsieur Hubert, tous deux enseignant au lycée hôtelier d’Illkirch.
Le Jury a veillé au respect des consignes : les bandelettes de feuilletage, d’un 1cm de large, devaient être découpées à la roulette à pâte cannelée, en diagonales croisées, de façon à former des losanges. Quant aux navets, on les attendait détaillés en rondelle épaisses et bien colorés des deux côtés.
Seule la présence d’une ou deux cheminées dans le feuilletage du “pie” était laissée à l’appréciation technique du candidat.
D’ores et déjà, chacun s’en retourne à son piano et réalise que pour la finale, c’est 3 plats qui devront être envoyés (2 plats imposés et 1 plat libre à partir de produits proposés et de techniques imposées par le Jury).