Illkirch : demi-finale MOF cuisine en “Backstage” 2/2

Il y a deux semaines, la France s’enorgueillissait de voir son “repas gastronomique” rejoindre le patrimoine culturel immatériel de l’humanité sur décision de l’UNESCO.
Les 23 et 24 novembre 2010 à Illkirch (67), lors des épreuves qualificatives régionales du 24ème Concours “Un des Meilleurs Ouvriers de France”, classe “Cuisine-Gastronomie”, ils étaient 16 prétendants au titre de MOF, ambitionnant de devenir par la même occasion, l’élite, les ambassadeurs de cette excellence culinaire, et d’avoir l’honneur de porter le tour de cou bleu-blanc-rouge ainsi que la médaille emblématique de l’excellence.

L’épreuve pratique (comptant pour 80% de la note) dure 4h pour envoyer deux plats imposés : le carrelet et le “pie” de canard.

C’est sous la responsabilité du Président du Jury, Olivier Nasti, chef étoilé du Chambard à Kaysersberg et du vice-Président Émile Jung, ancien chef étoilé du Crocodile à Strasbourg, que se sont déroulées ces épreuves, avec la particularité que ces deux éminences gastronomiques ne pouvaient pas noter. Il leur restait cette fameuse cuillère, suspendue à la ceinture du tablier, leur permettant à loisir de tout déguster.
Illkirch : demi-finale MOF cuisine en "Backstage" 2/2
Les représentants du COET (Comité d’Organisation des Expositions et du Travail), Messieurs Meyer, Amara et Gouttefarde-Tanich étaient omniprésents deux jours durant : “Nous avons l’habitude des concours et en Alsace, cela se passe souvent très bien”, s’exprime l’un d’entre eux. “Il y a une culture de la rigueur et de la discipline” poursuit-il, visiblement satisfait du bon déroulement du concours.
Pour les sélectionner, Olivier Nasti, MOF 2007 et Président du Jury Alsace, a choisi ses jurés.
Outre Jean-Louis Steffen, coordinateur et responsable de l’économat, 3 jurés “technique-cuisine” (Éric Girardin, Thony Billon et Julien Binz) ont suivi les candidats dès 5h du matin, et ce, jusqu’au moment de l’envoi des deux plats (14h pour le dernier passage).

Il leur incombait de noter la prise en main du poste, l’hygiène, l’organisation, la relation avec le commis, les techniques de découpes, la maitrise des cuissons, la propreté du poste, la vérification du matériel au préalable et la tenue vestimentaire.
Rien n’est de l’ordre du détail, c’est l’excellence qui est recherchée. Et au-delà d’un beau plat, c’est un savoir-être et un savoir-faire qui sont récompensés.

À eux trois, ils sillonnaient les allées entre les postes pour observer, surveiller, soulever ici ou là un couvercle, vérifier la qualité du produit sélectionné. Les Coques et moules en coquilles devaient être crues et le homard vivant par exemple.

“Ce candidat a choisi un homard mâle canadien, c’est dommage, il fallait un homard breton femelle” a relevé un des jurés. Ils jugeaient également la propreté du matériel, la bonne utilisation du frigo, et les procédures imposées par les fiches techniques.

Puis 8 jurés “dégustation” ont pris le relais dans une salle de restaurant du Lycée Hôtelier Alexandre Dumas à Illkirch (67) pour apprécier et noter les plats envoyés.

De grandes toques sont arrivées, palais aiguisé, pupilles dilatées, odorat affûté et sensibilité exacerbée.
Pascal Bastian (le Cheval Blanc à Lembach), François Paul (le Cygne à Gundershoffen), Cyrille Lohro MOF Fromager (Au vieux Gourmet à Strasbourg), Christine Hart (auteur-gastronome) ont dégusté le Carrelet à 16 reprises.

Le candidat qui avait déposé au passe son plat dans les temps impartis, voyait son oeuvre passer la porte battante et disparaître dans une salle dont il n’avait pas l’accès, pas plus que les membres du Jury technique. Déposé royalement sur un plat ovale, le carrelet était respectueusement présenté à ses juges avant de parvenir entre les mains d’Antoine Woerlé (MOF salle) qui le découpait et le répartissait dans des assiettes.

Ces gestes techniques, exécutés avec une grande maîtrise, laissaient déjà présager de la valeur du plat. Couleur du laquage, cuisson du poisson dont la chair se déchire ou non. Les moindres détails étaient scrutés par le Jury, réuni comme lors d’une cérémonie autour du Carrelet.

” C’était les carnets de l’aventure pour dénicher un carrelet conforme”, nous raconte un des candidats. Le 9 novembre dernier, le sujet avait été tiré au sort parmi un choix de 16 plats (8 entrées et/ou dessert et 8 plats), au lycée Henri IV à Paris, lors de la réunion des Présidents et Vice-présidents de centre et des chefs d’établissement, en présence des candidats.


À Paris, il s’est envolé à plus de 300 €/kg alors que ce n’est pas un produit noble par définition. Le COET a consenti a réviser le poids du carrelet qui devait atteindre une pesée entre 1,4 et 2kg.

“C’était la course aux carrelets et surtout aux beaux carrelets” soupire un candidat. En effet, sa dorsale et ses gommettes orangées étaient admirées. Tout était mesuré, millimétré avec la plus grande minutie. La présentation, la disposition, le sens du poisson, tête à gauche ou à droite, ventre en haut ou en bas, doivent se faire dans le respect des techniques classiques de dressage.

Prise en compte dans la notation du calibre des pommes de terre, du laquage, de la brillance, de la cuisson, de la régularité des brochettes et de leur alignement, en somme le respect du croquis et de la fiche technique.

Puis vint la dégustation proprement dite, le goût, la persistance, le fondant des pommes de terre, la fermeté de la chair, les garnitures soignées. Tout était décortiqué et scrupuleusement noté dans les cases consacrées.
Le Jury était également en quête de produits interdits : “il fut soupçonné la présence de la truffe dans un des plats”.


De l’autre côté de la salle de restaurant, Thierry Schwartz (Le Bistrot des Saveurs à Obernai), Nicolas Stamm (la fourchette des ducs à Obernai), Franck Fresson, MOF Chocolatier (Jarny et Metz) et Laurent Seminel (auteur-éditeur culinaire) se sont chargés d’évaluer le “pie” de canard aux navets.

La chorégraphie est similaire, présentation du “pie” de canard aux navets aux membres du Jury et dépose sur la table à découpe, tenue par Madame Zehner et Monsieur Hubert, tous deux enseignant au lycée hôtelier d’Illkirch.


Une fois le feuilletage, rehaussée de ces bandelettes, démonté, la scénographie des produits (navets, pruneaux, têtes de champignons, effiloché des cuisses de canard) était identique.

Le Jury a veillé au respect des consignes : les bandelettes de feuilletage, d’un 1cm de large, devaient être découpées à la roulette à pâte cannelée, en diagonales croisées, de façon à former des losanges. Quant aux navets, on les attendait détaillés en rondelle épaisses et bien colorés des deux côtés.


Les filets de canard encore saignants étaient servis à part sur une assiettes, dressée avec les garnitures emprises sous le feuilletage et accompagnés d’un jus de canard au cidre réduit. La difficulté réside en la cuisson simultanée du feuilletage et des garnitures.

Seule la présence d’une ou deux cheminées dans le feuilletage du “pie” était laissée à l’appréciation technique du candidat.

Mais au-delà du défi spatial et temporel, des difficultés techniques et organisationnelles, les qualités gustatives des plats présentés devaient être au niveau de l’excellence recherchée. Les candidats se présentent en effet au plus sélectif des concours culinaires. Les épreuves qualificatives régionales sont organisées afin de “détecter les talents qui ont les compétences pour chercher en finale l’excellence” explique un membre du COET.


Les candidats réceptionneront les résultats de l’épreuve qualificative par courrier.

D’ores et déjà, chacun s’en retourne à son piano et réalise que pour la finale, c’est 3 plats qui devront être envoyés (2 plats imposés et 1 plat libre à partir de produits proposés et de techniques imposées par le Jury).