Les godiveaux ? Les livres actuels ne sont pas clairs, parce qu’ils hésitent entre la farce, la quenelle, ou des préparations à base de graisse rognons de bœuf. Allons voir de plus près… en commençant en 1546 avec qui rapproche le mot de « gaudebillaux », composé du radical god, qu’on a dans godelureau et qui provient d’une famille de mots répandue dans les parlers populaires, pour désigner divers animaux domestiques, et du poitevin beille, ventre, qui désigne le boyau. Autrement dit, il s’agit d’une andouillette.
Puis, vers 1650, on trouve cette recette de « pâté de gaudiveau » : on dresse une pâte en ovale, on garnit avec les gaudiveaux, et on ajoute champignons, foies de volaille, cardes, jaunes d’oeufs durs, ris de veau ; on assaisonne, on pose de la pâte par dessus, et quand c’est cuit, on sert avec une sauce faite de verjus, jaune d’oeuf et muscade. Intéressant : cela ressemble à un vol-au-vent… dans la recette desquels figurent des quenelles.
Joseph Favre, cette fois, est confus. Il indique que l’on aurait dérivé « godiveau » de « godebillaux », lequel aurait été un ancien pâté chaud fait de hachis de veau qui se mettait en boulettes et de béatilles ; les godebillaux auraient été remplacés par les tourtes et les vol-au-vent, et les godiveaux auraitent alors été des farces faites avec du veau avec lesquelles on aurait fait des quenelles.
Recette du « godiveau à la parisienne »
Ecrivant vers le début du 20e siècle, il donne une recette de « godiveau à la parisienne », qui préconise de :
- – hacher 1 kg de graisse de rognon de bœuf
- – ajouter 50 g de farine
- – hacher 500 grammes de veau, et le piler au mortier
- – mélanger veau et graisse, puis 4 œufs entiers, du sel épicé
- – le lendemain, on pile à nouveau avec 150 g de glace
- – puis on poche les quenelles.
Il ajoute : « On a voulu, ici comme ailleurs, faire une infinité de formules aussi bizarres les unes que les autres, on à même cherché à faire du godiveau de volaille ; expression vide de sens qui ne sert qu’à dérouter le praticien. En effet, pourquoi ne pas appeler farce de volaille, puisque dans sa composition il n’entre que du poulet? Il faudrait s’entendre une fois pour toutes et ce sont ces considérations qui m’empêchent de suivre les différents auteurs, anciens et modernes, dans leurs errements. Néanmoins, pour être éclectique, je décris encore la farce de brochet, ci-après, sous la dénomination impropre de godiveau.
recette « Godiveau à la lyonnaise.
Son vrai nom serait/arce de brochet à la graisse de boeuf. Employer :
- – chair de brochet sans arêtes, grammes 300 g
- – graisse de rognon de boeuf sèche 500 g
- – farine : 30 g
- – sel épicé : 30 g
- – blancs d’oeufs : 6
- – crème pâtissière sans sucre : 0,7 L
Hacher la graisse de boeuf avec la farine; piler au mortier la chair de brochet et ajouter la graisse de boeuf, l’assaisonnement et piler en ajoutant la crème à petites doses; achever la farce en ajoutant les six blancs d’oeufs les uns après les autres en pilant et triturant toujours; essayer la farce et la goûter; la rehausser par de l’assaisonnement si elle était trop fade et ajouter encore un blanc d’oeuf si elle était trop molle. On en fait des quenelles par le procédé ordinaire; elles réussissent très bien pour les pâtés maigres et les vol-au-vent. Elles gonflent admirablement et se racornissent moins vite que les autres. »
Et il ajoute une recette de godiveau de merlan, tout à fait semblable.
Finalement, que penser de la définition donnée par le Trésor de la langue française informatisé, lui, indique qu’un godiveau est un hachis composé de viande, de graisse de rognons de bœuf et d’œufs, ou de poisson, et utilisé comme préparation pour des quenelles ou pour la garniture d’un pâté chaud ; par extension, il désigne les boulettes elles-mêmes cuites dans de l’eau bouillante, ou les quenelles ?
Admettons que ces préparations sont légitimement désignées par le terme godiveau, d’où l’extension du terme à des pâtés chauds, des vol-au vent où figurent des quenelles… mais que ce terme peut très légitimement désigner des farces de toutes sortes, à commencer… parce que nous nommons trop souvent des « chipolatas » : nous avons un mot français ; utilisons-le.
Hervé This