Mercredi 24 mai 2017, un dernier hommage a été rendu à Jean Marc Kieny, chef étoilé Michelin du restaurant La Poste Kieny à Riedisheim. Les obsèques ont eu lieu à l’Eglise Sainte-Afre, à quelques pas du restaurant. “Son église Sainte-Afre” était bien trop petite pour accueillir les nombreux, parents, amis, proches et professionnels venus faire leurs adieux à Jean-Marc Kieny. Olivier Nasti a pris la parole pour revenir sur son parcours, souligner ses engagements pour la profession, sa récente élection à la présidence des étoiles d’Alsace avec toujours un mot d’ordre : “dans la vie, il faut jouer collectif”.
“Il a joué le dernier match de sa vie”, conclut Jean-Marie Jud, son « coach » de basket de l’équipe 3 de l’ASCA de Riedisheim. “Cette fois l’adversaire était trop fort. Salut Chef …comme on l’appelait “….
Chef engagé, respectueux des valeurs, du savoir-faire, et grand défenseur du terroir alsacien, Jean-Marc Kieny venait également d’être élu Président des Etoiles d’Alsace il y a quelques semaines. Il se dégageait de Jean-Marc Kieny une force tranquille indéfectible, bien dans ses baskets de sportif, bienveillant, généreux, serein, et toujours de bons conseils.
Au premier rang, d’un coté la famille; Liliane Kieny, la maman de Jean-Marc, Mariella, son épouse, ses fils, Matthieu et Thomas, Laurent, son frère, et Martine, sa belle-sœur, la famille Kieny, les proches amis et les collègues.
De l’autre, plusieurs rangées de vestes blanches. Olivier Nasti, du Chambard à Kaysersberg a pris la parole au nom de l’association des Etoiles d’Alsace, dont Jean-Marc venait d’être élu président, , mais surtout en tant qu’ami.
“C’est à la demande de la famille Kieny que je m’adresse à vous, au nom de toute la profession de la restauration et de ce métier de cuisinier que Jean-Marc avait choisi de faire dans le sillage de son grand-père, Marcel, et de son père, André.”, débute Olivier Nasti. “Outre sa famille avec laquelle Jean-Marc partageait un quotidien de bonheur et de labeur, vous êtes nombreux dans cette église à l’avoir vu, entendu ou côtoyé ces temps derniers sans que rien ne laisse présager de l’issue fatale qui nous réunit aujourd’hui.
Retour sur son parcours
“Initié à la cuisine dès l’enfance, la Poste est son terrain de jeu favori, il se forme aux côtés d’André, son père, aussi fin pédagogue que cuisinier et conseiller estimé à l’enseignement technologique.
Son parcours professionnel, semé d’étoiles, débute chez Pierre Gaertner aux Armes de France à Ammerschwihr, puis il entreprend ce compagnonnage auquel doit s’astreindre tous ceux qui rêvent d’exciper un jour du titre de chef. D’abord chez Jacques Lameloise, le triple étoilé de Chagny en Bourgogne, puis retour en Alsace au Crocodile d’Emile Jung où il s’initie à l’alchimie des sauces, que l’hôte de la célèbre enseigne de la rue de l’Outre sait si bien magnifier. Il quitte Strasbourg pour La Napoule et le fameux Oasis de Louis Outhier, pour se familiariser avec la cuisine du soleil. A l’opposé, il effectue une saison d’hiver à Val d’Isère, haut lieu de la diaspora alsacienne et enfin il achève son parcours initiatique au Bruderholz de Hans Stucky à Bâle.
Les distinctions
Est venu ensuite le temps du retour à la Poste et, sous sa férule et la collaboration précieuse de Mariella, l’établissement s’enrichit d’une nouvelle notoriété. Elu meilleur espoir de la cuisine française au niveau national, il obtient en 1990 la première étoile au Guide Michelin. En 1992, il rejoint les Jeunes Restaurateurs d’Europe, alors animés par Patrick Fulgraff et, en 1999, il est reçu aux Etoiles d’Alsace que présidait Fernand Mischler.
Depuis, Jean-Marc n’a pas cessé de glaner les distinctions. Invité dans l’émission télévisée de Joël Robuchon « Bon appétit bien sûr », intronisé chez les Maîtres Cuisiniers de France et élu « chef de l’année » dans le guide Pudlowski.
“Comme André, son père, il milite depuis toujours dans l’association des chefs d’Alsace, chère à Joseph Leiser, dont le slogan « cuisinier, c’est un métier » résonnait si justement à ses oreilles. Mais son engagement le plus prégnant, il l’a consacré aux Etoiles d’Alsace, nous étions lui et moi de la même promotion et il m’a succédé à la présidence de la section haut-rhinoise, avec le souci constant de rassembler et de développer une image, encore une fois inscrite dans l’excellence. Au mois de mars dernier, après bien des hésitations liées à sa crainte injustifiée de ne pas être à la hauteur de la fonction, il postule à la présidence des Etoiles d’Alsace et gagne la confiance de ses pairs pour succéder à Hubert Maetz, qui ne souhaitait pas briguer un autre mandat.
Grand sportif, Jean-Marc n’a jamais lâché ses baskets, ni au sens figuré, ni au sens propre. C’est dans la pratique sportive qu’il a forgé une de ses expressions favorites, « dans le travail comme dans la vie, il faut jouer collectif ». A l’heure où l’égoïsme, l’individualisme et le repli sur soi font office de règle morale, cette affirmation est riche de sens. Cet esprit de groupe, il l’insuffle aux Etoiles d’Alsace et les idées qu’il développe ne se conçoivent que dans le partage, comme cette « Alsace Recuisinée », une manière originale de célébrer simultanément la tradition et l’innovation, dont il est à la fois l’instigateur et le chantre et qui sera dès demain le slogan et la bannière des Etoiles d’Alsace.
L’amitié et la famille
L’homme, j’ai le bonheur d’être son ami, comme beaucoup d’entre vous, avec nos épouses et nos enfants, la table nous réunit, avec l’enthousiasme toujours intact de se retrouver, d’échanger, de confronter des idées et de vibrer au rythme de cette convivialité, qui relève de la philosophie, celle de la vie au jour le jour, sans fioritures, sans chiqué, comme tu l’aimais cette vie Jean-Marc.
Et puis il y a le cuisinier. Rigoureux, précis, soucieux du moindre détail, impitoyable dans l’élaboration d’une recette. Ta cuisine est à la fois masculine et féminine, brute et délicate, mais quand on la déguste, c’est le cœur de l’Alsace qu’on savoure. Le terroir est ton credo et je ne suis pas prêt d’oublier notre dernière rencontre au Chambard, où deux heures durant la discussion a porté sur l’avenir de notre métier, l’engagement de nos familles, nul mieux que toi n’a compris et défendu cette dénomination d’entreprise familiale.
Adieu Jean-Marc.” conclut Olivier Nasti.
Le mot de la fin revient au curé : “Si l’amour rend plus fort, et que pleurer rend encore plus fort. Alors imaginer la force que l’on puise quand on pleure d’amour. ”
Mariella Kieny poursuit l’histoire du restaurant LA POSTE KIENY. “La cuisine de Jean-Marc va perdurer à travers Guillaume son Chef et Arnaud, son second, qu’il a formé pendant plus de 16 ans “Nous allons nous BATTRE tous ENSEMBLE pour cette maison, comme Jean-Marc s’est battu à mes côtés pendant plus de 27 ans”, confie-t-elle.
Le restaurant est ouvert. Jean-Marc Kieny n’est plus en cuisine, mais l’âme de la maison reste intacte.
Restaurant La Poste Kieny
7 rue du Général de Gaulle
68400 Riedisheim
03 89 44 07 71
www.restaurant-kieny.com