Jeanne Satori et David Degoursy deja ©Sandrine Kauffer

De:ja ;une étoile verte, une étoile Michelin pour deux chefs en cuisine

Jeanne Satori et David Degoursy ont décroché une étoile Michelin le 6 mars 2023. Une distinction fulgurante compte tenu de leur parcours. Il y a 4 ans, David Degoursy postule à la plonge du restaurant Maïence à Strasbourg (Gilles Goujon) et évolue rapidement d’aide de cuisine à commis. L’expérience lui plait, il transmet son intéret à sa compagne Jeanne Satory, diplômée d’une licence en écologie. Ils sont engagés tous les deux chez Yannick Germain au Boeuf à Sessenheim, se rapprochant de leur village natal. Ils y passent leur CAP cuisine évoluent pendant quatre ans à (presque) à tous les postes et Jeanne expérimentera quelques mois la salle, car très rapidement ils envisagent d’ouvrir leur adresse.

Ils lisent énormément, échangent beaucoup avec des chefs, dont ils se sentent proches dans la philosophie culinaire. Ils citent volontiers René Redzepi (Noma), Magnus Nielson, Thierry Schwartz, Loïc Villemin ou encore Jérôme Jaegle. 

la salle de de:ja ©Sandrine Kauffer

Deux chefs en cuisine et en salle

Si jeunes et « déjà » étoilé Michelin, peut-on parler de jeunes prodiges ? « non, nous préférons « jeunes acharnés » », sourit David.

«Avant l’ouverture, tous les jours, nous nous sommes entrainés, nous avons répété les gestes, les recettes, pour essayer de les comprendre, réussir les techniques, pour ensuite se libérer de certains codes », confient-ils. Rien n’est facile, leur travail fut récompensés.

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le poids des années » (Corneille, le Cid).

les deux chefs : Jeanne Satori et David Degoursy -de:ja ©Sandrine Kauffer

Après le confinement, ils ont racheté le petit fond de commerce de l’ancien restaurant L’hédoniste qui avait fermé. Locataires des murs, bénéficiant du soutien familial pour confectionner les belles tables en bois conçues par le beau-père, les tableaux par la maman de Jeanne, ils épurent la décoration, plaçant les projecteurs dans l’assiette.

« Nous revendiquons une cuisine nature, dans laquelle nous avons foi et nous allons continuer d’en être des porte-paroles », mentionnent-ils distingués d’une étoile Verte au guide Michelin 2023. « Mais, nous sommes aussi inspirés par la cuisine bourgeoise, classique et française, scandinave ou japonaise. C’est un mixte d’influences, créateur d’une cuisine identitaire, personnelle, épurée.

Une table près de la cuisine -de:ja ©Sandrine Kauffer

Lumière très intimiste, service personnalisé car dès les convives (et non les clients) arrivés, Jeanne et David prennent la salle en main, s’inspirant du fonctionnement des pays nordiques.  « Nous avons à cœur d’expliquer notre démarche et notre cuisine, les cueillettes,  les fermentations. Il y a un vrai échange possible car nous n’avons que 16 couverts », mentionnent-ils.

Pour les deux jeunes entrepreneurs, c’est l’envie de sublimer les produits issus de la terre nourricière, avec éthique, durabilité et responsabilité́. Pour David, « la gastronomie s’imposait comme une suite logique dans nos vies, nous avons toujours été animés par la volonté de bien s’alimenter et intéressés par les rencontres avec celles et ceux qui produisent ».

L’échalote de:ja ©Sandrine Kauffer

Ils se sont rencontrés dans le bus scolaire du lycée et depuis ils ne se sont plus quittés. Ils construisent leurs recettes ensemble en tout complémentarité.. David donne l’impulsion de la création (les 80 %) et avec Jeanne ils finalisent, poussent la réflexion dans un fil conducteur chargé de sens et de cohérence. . Ce sont les 20% qui sont le plus important »,  dit-il..

Video L’ Échalote

Au restaurant déjà à Strasbourg Jeanne et David aiment particulièrement travailler les légumes et les mettre à l’honneur. L’échalotte rôtie et confite, est déposée au centre de l’assiette. David la badigeonne d’huile. Puis il dépose une quenelle de crème glacée noisette, café du Piemont et échalotes. Elle relie à elle seule, tous les ingrédients de la recette. Jeanne verse dans un crémier en poterie de Betschdorf une sauce sabayon au vinaigre de miel de la ferme Kalbin à Freland. Le sabayon apporte de la gourmandise du gras et de l’acidité. Une composition très pure dans l’assiette.

Video L’oignon 

Un plat devenu amuse-bouche au restaurant Déjà à Strasbourg, fraichement étoilé Michelin en mars 2023
Au fond du bol, David Degoursy dépose une purée d’oignons, puis une compotée d’églantine. Jeanne Satory va positionner les pétales d’oignons une par une, délicatement à la pince à épiler, puis elle ajoute un à un des pickles d’oignons, délicatement glissés et répartis pour apporter de l’acidité. Elle dresse une fleur d’oignons, puis verse une huile de caméline pour renforcer le coté floral et apporter un gras élégant.Les œufs de brochets séchés et salés comme une poutargue, sont réduits en poudre transporte un coté salin et iodé.
Enfin, pour la touche finale, le bouillon d’oignon légèrement fumé est versé, reliant tous les éléments dans un sucré et acidulé de toute beauté.

Video Le Pain de Nos Fourneaux « Le responsable”

Pain déshydraté puis réhydraté en crème glacée cannelle, caramel de Pain réhydraté, pâtissière marc de café, Kombucha marc de café, Compote Poire Vincent Helbringer, et tuile.

“Le repas débute avec une boisson d’accueil  : un kvas, qui est une boisson à base de pain fermenté. Il se termine avec le goût du pain au levain dans ce dessert céréalier, travaillé en compotée de pain, la confiture de poire amène de la gourmandise”, explique Jeanne Satori. Elle dépose par dessus une crème glacée au pain avec un peu de cannelle pour le coté alsacien. L’émulsion est au kombucha avec du marc de café récupéré, apporte de l’acidité et de la longueur.

Un lien fort avec la terre nourricière

Ils ont choisi le métier de cuisinier pour travailler la matière vivante, de la terre à l’assiette et partir à la rencontre des producteurs et des agriculteurs. La connexion a la nature, ses cueillettes, la forêt, le potager font partie des motivations qui ont opéré cette reconversion professionnelle.  « Les techniques de conservation, telle la fermentation, révèlent de nouvelles saveurs pour les mets comme pour les boissons. Le salage à cru, est parfait pour préserver la chair d’un poisson », explique Jeanne. Des pratiques qui s’inscrivent totalement dans leur vision d’une gastronomie éthique, éco-responsable et valorisant les produits dans leur intégralité.

Le lien avec cette terre et le vivant se fait ressentir dès l’évocation du nom des menus, « Moisson » (6 plats) et « Vendange » (8 plats), imaginés comme une expérience à vivre et partager.

l’oignon deja ©Sandrine Kauffer

À la rencontre des producteurs vertueux

85 % des partenaires de de:ja pratiquent une agriculture certifiée biologique ou en biodynamie. « Nous aimons passer du temps à la campagne, d’où nous sommes originaires. Voir les mains qui travaillent, regarder les personnes œuvrer et créer, c’est extraordinaire. Conter les histoires des producteurs, respecter et valoriser dans leur intégralité les produits qu’ils nous offrent, est d’autant plus important. Aujourd’hui, nous sommes à près de 140 rencontres et nous visitons toujours un fournisseur par semaine environ. Des Jardins d’Altaïr pour les légumes à Omnino pour le café, en passant par Mille et une coquilles pour les escargots ou la Pisciculture de Sparsbach pour le poisson », relatent Jeanne et David. Magnifiés par leurs créations culinaires, ces éléments s’exposent dans une vaisselle unique imaginée pour de:ja par Lisa Debat, une céramiste locale.

Par Sandrine Kauffer

Crédit photos et vidéos ©Sandrine Kauffer

deja-restaurant.com

dessert “Le Pain de Nos Fourneaux “Le responsable” ©Sandrine Kauffer