Que mes amis qui me lisent reçoivent mes excuses, car je leur ai donné une information incomplète : depuis des décennies, j’étais émerveillé par le « bâton royal » d’Edouard Nignon, ce cuisiniers né en 1865 et mort en 1934, auteur de merveilleux Plaisirs de la table, Heptaméron des gourmets, et qui, dit-on, créa le homard à l’armoricaine ou les huîtres au camembert.
Dans un de ses livres, il décrit un bâton royal qu’il fait à partir de beurre qu’il taille en bâton, lequel est mis au grand froid, puis passé dans l’oeuf battu et la chapelure, et frit. On vide alors le beurre fondu et l’on emplit la coque croustillante par une farce de foie gras.
L’évocation de ce « bâton royal » me fait saliver… mais je viens de voir, dans un livre bien antérieur (1722), de François Massialot, des bâtons royaux bien différents : Nignon a donc usurpé le nom, puisqu’il a changé la recette, que voici maintenant :
« Faites une farce de ce que vous jugerez à propos, mais qu’elle soit fine ; vous étendrez plusieurs petites abaisses de pâte fine sur la table ; ensuite vous prendrez des morceaux de ladite farce que vous figurerez comme des fuseaux ; vous les envelopperez dans les petites abaisses de pâte que vous avez préparées ; vous les moulez bien en les formant de la figure des fuseaux ; vous les garnissez de petites fleurs de lis partout ; observez qu’elles soient bien soudées & les faites frire comme des rissoles. Il servent à garnir une piece de boeuf ou pour Hors-d’oeuvres ».
C’est cette recette, antérieure, qui dont donc garder le nom de « bâton royal ». Comment désigner, alors, ceux de Nignon ? La question est récurrente, et je propose que nous discutions la chose une fois pour toute. Nous pourrions dire « bâton royal de Nignon », ou « bâton royal à la Nignon », ou encore « bâton royal façon Nignon ». Nous pourrions aussi, pour Nignon, ne pas conserver le terme usurpé de bâton royal, et chercher une terminologie plus juste : croquette de foie gras ? Ou foie gras à l’anglaise ?
En tout cas, le bâton royal de Nignon n’est pas un bâton royal !
Par Hervé This