Retour sur le 4ème marché alsacien du foie gras, qui a eu lieu 12 et 13 novembre 2011 au Centre Culturel et Festif “Les Tanzmatten” à Sélestat organisé par l’association des producteurs de foie gras d’Alsace fermiers, réunit sous la marque de production “Gänzeliesel”. Daniel Zenner y était pour animer des démonstrations culinaires et cours de cuisine.
“Je vous fais grâce cher lecteur, de l’historique du foie gras que vous retrouvez sur une centaine de sites et autant de livres. Tapez le mot « foie gras » sur un moteur de recherches, vous saurez tout. Même que vous pourriez écrire un livre “Copier-coller” Pour ma part, j’ai choisi aujourd’hui de vous raconter des histoires.
Au marché des producteurs de foie gras d’Alsace, événement qui a eu lieu la semaine dernière à Sélestat, une vendeuse demande à une dame son avis sur le foie gras qu’elle vient de lui donner à goûter ” Comment trouvez-vous ce foie gras ?” La dame hésitante lui répond : “Gras ! ”
Les producteurs alsaciens d’oies et de canards gras ont fondé une association en 2001 : GANZELIESEL. Celle-ci regroupe 14 éleveurs. Ils sont avant tout des agriculteurs. La plupart d’entres eux cultivent les céréales, qui serviront à nourrir et à engraisser leur cheptel. Leur métier est complexe car il demande des compétences variées. Il faut connaitre le travail de la terre et des machines, savoir gaver dans les règles de l’art, transformer les produits et enfin les commercialiser en jouant du marketing et en maitrisant l’outil informatique…
Tous possèdent des ateliers aux normes et un magasin de vente directe. Quelques-uns vendent aussi sur les marchés des grandes agglomérations : ils viennent à la rencontre des citadins. Pour les restaurateurs d’Alsace, il est souvent difficile de s’approvisionner en foie gras locaux car les quantités produites ne sont pas énormes et ne suffisent de toute façon pas à fournir les transformateurs alsaciens. L’IGP “Foie Gras d’Alsace” est dans les cartons, mais d’après ma petite enquête elle a peu de chance d’aboutir…
Moins de la moitié des adhérents gavent des oies. Pourtant, l’Alsace est connue pour son foie gras d’oie issu d’une espèce bien particulière, que l’on retrouve sur les dessins de Hansi. Plus fin que le canard, la production du foie gras tant convoité demande plus de soins et d’attention. Son prix se justifie aussi par une durée d’élevage plus longue.
Battes de base-ball et foie gras
Tu me gaves
Mais revenons au gavage. Si celui-ci existe, c’est bien la faute aux oies et aux canards, car les Romains, il y a plus de deux mille ans s’étaient aperçus que les foies de ces doux volatiles étaient nettement meilleurs à la fin de l’automne, juste avant que ces oiseaux ne partent pour leur migration annuelle. Pas étonnant, car nos anatidés possèdent un pouvoir extraordinaire : celui de pouvoir stocker l’énergie nécessaire aux longs vols pour franchir terres et océans, sous forme de graisse accumulée dans le foie. Cet organe abdominal à la faculté de doubler de volume, puis de revenir à un état normal sans préjudice pour l’oiseau. Canards et oies ont donc honorablement gagné les palmes de l’invention du foie gras.
Les Romains n’ont fait que reproduire le phénomène en faisant il est vrai, ingurgiter énormément de figues et de miel aux oies. Ceci dit, je n’aimerai pas être à leur place. Un peu comme si vous deviez bouffer quinze hamburgers, sachant qu’un seul, c’est déjà une prouesse. Je dis bouffer et non manger ou apprécier pour ce type d’aliment standard représenté dans plus de cent pays.
En tant que gastronome convaincu, je vis un cruel dilemme : je suis contre, le gavage mais pour le foie gras ! Mon appétit pour ce met rare, unique et succulent l’emporte : je ne suis qu’un homme !
Alors je me console, et pour me déculpabiliser, j’ai quelques arguments.
1) Certains observateurs rapportent que quand la manœuvre est bien conduite, l’animal vient de lui-même vers la personne préposée au gavage. Mythe ou réalité ? Je ne sais.
2) Pour qu’un canard accepte d’être gavé, il faut qu’il ait eu avant une vie saine et heureuse : liberté, exercice physique, nourriture de premier choix, lecture du guide Michelin.
3) Le foie n’est pas malade, car si l’oiseau gavé au bout de six jours est remis en liberté, son organe reprend peu à peu un aspect normal. Au bout de dix jours, il est vrai, les lésions sont irréversibles…
4) Ce mets est une particularité bien Française que les autres nations nous envient.
5) Le foie gras est un aliment magique : il s’accorde avec presque tout.
Les derniers jours de vie de nos palmipèdes sont donc offerts à Comus, Dieu de la cuisine, un peu comme les jeunes vierges que les anciennes civilisations immolaient pour plaire aux Dieux. Oui, ces oiseaux, à travers leurs derniers jours, sont sacrifiés sur l’autel de la gastronomie en nous offrant une nourriture divine. Je ne cesserai donc de les remercier et inviterai sur ma table de Noël, une oie grasse farcie de châtaignes et de son noble foie.
Par Daniel Zenner