Comment ne pas succomber au charisme solaire d’Alessandra Montagne ?
Générosité et bienveillance s’inscrivent dans son ADN, tandis que le végétal-locavore s’exprime avec féminité sur sa carte des mets. Le 29 novembre 2021, elle est récompensée du Trophée de Jeune talent décerné par le Gault & Millau. « Mon parcours a été semé d’embûches, mais surtout pavé de rencontres inoubliables. Je dois ce prix à mon équipe, sans qui je ne serais pas montée sur scène. »
Dans ses bras, le magazine Gault & Millau de mai 2014, -dont elle fait la Une- et dans son cœur, sa maman, près d’elle, où qu’elle soit dans l’univers. Entre les deux, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille, mais Alessandra tire toujours le meilleur parti des aléas de sa vie, inconditionnellement positive.
Cela fait 7 années que Marc Esquerré, directeur des guides l’a repérée et suit son parcours de cheffe. D’abord à Tempura, puis Nosso qu’elle ouvre en 2021, marqué par le contexte préjudiciable du covid. Pas la meilleure période pour lancer son affaire, mais ce qui ne tue pas, rends plus fort. Distribuant à bras ouvert ses larges sourires, sa joie de vivre communicative, sa positive attitude, son empathie à fleur de peau, elle embarque toute son équipe dans une aventure collégiale, quasi familiale. « Nosso » signifie « Nous » en portugais.
L’humain au cœur du projet
Alessandra incarne cette nouvelle génération de cheffe décomplexée, en quête d’un bien-être, d’un épanouissement dans le respect des uns et des autres ; des équipes, des clients et des producteurs, mais aussi du produit, de la saison, et de l’environnement. Un cercle vertueux d’amour gastronomique. Elle valorise les plantes, les légumineuses, les fleurs s’engage farouchement dans une lutte contre le gaspillage alimentaire. Elle se nourrit l’esprit de cette satisfaction, et le corps, du végétal et du locavore. Tel un symbole, elle fait la démonstration (avec une impression de facilité) qu’une femme cheffe de cuisine et cheffe d’entreprise, peut se conjuguer au féminin.
Elle instaure pour Nosso, une fermeture les samedis et les dimanches pour offrir aux équipes une vie de famille épanouie, garant d’un équilibre. Elle avait accepté, cet été, de mettre en scène son quotidien dans l’émission de télé-réalité sur TMC « Chefs en cuisine, en famille ».
Sa personnalité crève l’écran et se révèle.
Nosso est situé 22 Promenade Claude Lévi-Strauss, dans un immeuble contemporain, façade en baie vitrée offrant une vue dégagée, à quelques centaines de mètres de la BNF et du MK2 Bibliothèque.
La disposition en “L” du restaurant, offre deux espaces. Le premier se dégage par la droite, avec vue sur la cuisine ouverte. Confortablement installé sur des bancs en bois, on observe la brigade d’Alessandra, escortée par ses deux « lieutenants » : son bras droit et associé Juan Solano, qui a débuté il y a 6 ans comme son apprenti et Gustavo Galvão, son second de cuisine.
Empruntant la seconde allée, grimpant les quelques marches d’escaliers, pour se diriger vers cette élégante vinothèque, dans laquelle vient puiser Aurélien Gil-Artagnan, l’ancien chef sommelier de La Réserve-Paris, également brésilien. À ses côtés, un second transfuge de l’équipe de Jérôme Banctel, Florent Le Notre, nouveau directeur de salle de Nosso.
Un parcours atypique
Le parcours atypique d’Alessandra autorise toutes les libertés. Elle sait rebondir, s’adapter, elle a la volonté de construire avec les autres. Arrivée en France à 21 ans avec un enfant et sans parler le français, sa trajectoire impressionne. D’institutrice à pâtissière, de cheffe de cuisine à restauratrice, en passant par le poste de directrice d’un laboratoire, spécialisé dans la phytothérapie; elle se forme en naturopathie. Combattive, elle va de l’avant, elle convertit la « honte de son passé » (milieu modeste, maman à 17 ans) en l’acceptant avec bienveillance, préfère se réjouir de ce qu’elle a, plutôt de ce qu’elle n’a pas. Alessandra a trouvé sa vocation : nourrir « les autres » dans son entière globalité : le corps, le cœur et l’esprit.
Formée par Benoit Castel, William Ledeuil, et Yannick Alleno, sa cuisine colorée, goûteuse et généreuse, ensoleille ses assiettes. Née dans une favela à Rio de Janeiro au Brésil, les saveurs de ses origines se dégustent dans ce petit pain au fromage (pao de queijo) qu’elle agrémente de caviar. C’est une recette de sa grand-mère « sa Madeleine de Proust » qu’elle elle partage volontiers ICI.
Une cuisine engagée et responsable
Sa cuisine fait la part belle aux légumes de saison, rehaussés de raifort, graines de moutarde, poutargue, pickles, miso, misant sur les saveurs et le goût. « C’est souvent en voyant des couleurs que me viennent des idées de recettes. Celle de la poutargue, ingrédient que j’adore, et de la carotte sont tellement proches qu’il était évident pour moi de les associer dans cette focaccia que l’on sert depuis plusieurs semaines. J’y remplace l’eau par le jus de carotte, pour lui donner une couleur chaude et une texture encore plus moelleuse », explique Alessandra. Voir la recette ICI
« Quand j’utilise de la viande, en ayant conscience de son impact environnemental, j’ai d’autant plus à cœur de ne pas en gâcher un morceau. Avec les parures de notre échine de cochon des Yvelines, on fait un jus délicieux, qui sert de base pour nos sauces, et on valorise les restes de viande dans un nouveau plat à la carte du midi : une brick de porc croustillante, crème et pickles de panais, brocolis et graines moutarde ».
Le midi, un tarif doux à 27 € (deux plats) et 34 € pour la trilogie (entrée, plat, dessert), attire l’attention du Bibendum sur l’excellent rapport qualité prix. Alessandra incarne cette nouvelle génération récompensée par les guides, autant pour sa politique sociale, ses valeurs environnementales et durables, et sa personnalité culinaire.
Dans cette nouvelle sélection, le guide jaune vient de l’acter : les « plats signatures » sont surannés, vive les « personnalités culinaires » et dans cette “voie lactée”, Alessandra a déjà une belle longueur d’avance.
Par Sandrine Kauffer-Binz
Crédit photos et vidéos © Sandrine Kauffer-Binz
