Dans un billet précédent, nous avions considéré le « coulis à la reine », mais la relecture de L’art de bien traiter, publié en 1643 par un auteur qui n’a signé que par ses initiales LSR, me fait trouver un « coulis universel ». De quoi s’agit-il ? Et, au fond, qu’est-ce qu’un coulis ?
Commençons par ce coulis universel, que LSR destinait aussi bien au « mitonnades » qu’aux sauces, aux potages, aux « entrées brunes », aux viandes : il suffisait de les arroser avec « en le versant par dessus fort proprement et le plus chaudement que l’on pourra ».
Il s’agit de partir de bouillon, d’y ajouter des amandes douces pilées, des queues de champignon, de la mie de pain, des tranches de citron pelé, des oignons blancs, des clous de girofles, du lard, du thym : on fait bouillir pendant une demi-heure, puis on passe à l’étamine. Par rapport à nos pratiques actuelles, on notera l’emploi d’amandes, la liaison au pain, l’emploi de citron pour donner de la vivacité.
Mais LSR ajoute que l’on peut « augmenter la bonté » du coulis, en y introduisant du bon boeuf à moitié rôti, coupé en tranches qui sont cuites longuement, écrasées à la cuiller.
Voilà pour le coulis universel, mais le coulis ?
Joseph Favre, dans son Dictionnaire universel de cuisine pratique (qui ne disposait toutefois pas des textes anciens), indique que « les anciens grimoires de la cuisine appelaient coulis les sauces que Carême a dénommées espagnole, allemande, velouté, ce qui a complètement dérouté la classification de la cuisine française. En effet, « les coulis;[dit Favre] ne contiennent ni fécule, ni farine et ne sont que la purée de la substance passée à l’étamine avec sa propre coction ». Et Favre ajoute que « les coulis sont des purées ».
On voit que Favre a tort, car l’examen de notre coulis universel a montré la présence de mie de pain pour la liaison. Et le mot « coulis » vient de « couler ».
Par Hervé This