Vendanges au domaine

Vendanges au domaine

Quand on part en reportage au domaine Régis Frères, la seule chose qui est à peu près certaine, c’est le lieu. Enchassée dans quatre hectares de vignoble, près de Vidauban, dans le Var, la maison-musée patine ses murs à l’ombre de platanes centenaires. Pour le reste, la surprise est de règle, à l’image de la demi-journée vécue avant-hier mardi, sécateur et seau à la main, recruté pour des vendanges ponctuées par la visite d’un grand-duc.
Retour sur des instants aussi surréalistes que conviviaux.

 

De l’aube à 10 heures….

Sept heures du matin. Les lueurs de l’aube irisent les collines qui entourent le domaine Régis Frères. Je gare la voiture après avoir emprunté un chemin ponctué de quelques ornières. Les odeurs du petit matin sont portées par une brise légère. Un matou noir et blanc pointe le bout de son museau et se frotte à mon pantalon. La bâtisse me fait face, avec ses murs ocres et ses persiennes de bois. Je connais cet endroit, pour y venir de temps en temps à l’invitation de Jean-François Régis qui me fait l’amitié de m’y accueillir et de m’en faire partager les secrets.
Car il est bien difficile de définir le domaine en quelques mots. Galerie d’art, vignoble, oliveraie, salon de musique, résidence d’artistes, l’endroit a de multiples usages, de multiples vies. Animés par l’énergie bienveillante du maître, les lieux sont comme des voiles gonflées par un vent de folie contenue et contagieuse.

 

Avec Jean-François Régis. © Fabrice Roy

Avec Jean-François Régis. © Fabrice Roy

Je suis venu faire un reportage sur les premières vendanges bio de la propriété. Sac à dos, caméra, appareil photo, je porte mon matériel et me dirige vers la maison silencieuse. Au bout du chemin, je vois apparaître Jean-François Régis , avec sur la tête un chapeau que n’auraient désavoué ni François 1er ni Théodore Rousseau. On s’embrasse.

– Il me manque sept vendangeurs, fait Jean-François. Un décès, la même famille, et voilà.

Au loin, trois jeunes femmes sont affairées près d’un tracteur.

– Et bien, donne-moi un sécateur et en avant…

C’est ainsi que je suis descendu des gradins du journaliste dans l’arène du vendangeur…. Nous grimpons dans un vénérable 4×4, la thermos de café sur la plage avant et, après quelques chaos homériques, nous parvenons devant la parcelle à vendanger. Samantha, Nadège, et Mina sont à l’œuvre dans les rangées. Le sécateur d’une main, le seau de l’autre, je commence à débarrasser les ceps de leurs grappes.

– Attention à ne pas vous couper !

Je découvre très vite qu’il faut prendre en compte plusieurs paramètres. La hauteur toute relative des vignes qui oblige à se courber, les grappes qui se cachent derrière les feuilles en espérant se faire oublier, le soleil qui chauffe la terre et les têtes, le tranchant du sécateur qui vient de m’entailler légèrement l’index gauche.

– Zut !

Et oui, l’amateur qui n’a jamais vendangé vient de recevoir son baptême. La mini plaie est vite cicatrisée par un grain de raisin coupé posé dessus. Je regarde mes gros croquenos de randonnée que j’avais pris la précaution de chausser, cependant qu’une myriade de petites graines de chardon se prennent dans les poils de mes bras.
La coupe, le feulement de la grappe qui atterrit dans le seau, les seaux portés à la benne, le tracteur qui avance par à-coups en accompagnant la progression des ouvriers, c’est comme un ballet de clics sous les rayons de l’astre du jour. Quelques courbatures me signalent l’inconfort relatif de ma position. Je suis assez grand, ce qui m’oblige à me pencher en permanence pour cueillir les grappes.

 

Grappe et sécateur © Fabrice Roy

Grappe et sécateur © Fabrice Roy

 

La benne vers 11h30. © Fabrice Roy

La benne vers 11h30. © Fabrice Roy

 

La pause

Le casse-croûte de 10 heures. © Fabrice Roy

Le casse-croûte de 10 heures. © Fabrice Roy
Vers dix heures, Jean-François disparait pour revenir quelques instants plus tard avec le casse croûte de la pose. Saucisson, chorizo, tomates cerise, le tout accompagné au choix d’une bonne rasade d’eau ou d’un petit verre de rosé bien frais. Le pain est juste exceptionnel, qui accompagne ces agapes improvisées et bienvenues. On contemple le raisin qui a maintenant bien rempli la benne. Les sécateurs se reposent autant que les mains qui les tiennent.

 

Le grand-duc

Le grand-duc et Jean-François Régis. © Fabrice Roy

Le grand-duc et Jean-François Régis. © Fabrice Roy
S’il est une vertu à cultiver au moins autant que la vigne, c’est la folie légère, celle qui relativise les problèmes de notre temps… A peine le casse-croûte terminé, nous avons reçu la visite inopinée du grand-duc Olivier Hilarion 1er du grand-duché d’Ibiscus. Cette seigneurie, à la localisation duveteuse et secrète protège avec bienveillance ses sujets des turpitudes modernes… Le grand-duc Olivier, en habit d’apparat, fait sur le domaine quelques apparitions remarquées, quitte à écorner quelque peu son incognito.

 

Le grand-duc dans les vignes... © Fabrice Roy

Le grand-duc dans les vignes… © Fabrice Roy

 

La gastronomie

Vendanges au domaine
Les choses les meilleures étant souvent les plus simples, un excellent déjeuner a clôturé une matinée riche en surprises avec un sauté de légumes du soleil à la plancha, suivi d’un camembert à point accompagné de sa confiture de raisin et d’un sorbet au raisin aussi gouteux que rafraichissant.

 

Le camembert et sa confiture de raisin. © Fabrice Roy

Le camembert et sa confiture de raisin. © Fabrice Roy

 

Sorbet au raisin et chantilly. © Fabrice Roy

Sorbet au raisin et chantilly. © Fabrice Roy