Quand on part en reportage au domaine Régis Frères, la seule chose qui est à peu près certaine, c’est le lieu. Enchassée dans quatre hectares de vignoble, près de Vidauban, dans le Var, la maison-musée patine ses murs à l’ombre de platanes centenaires. Pour le reste, la surprise est de règle, à l’image de la demi-journée vécue avant-hier mardi, sécateur et seau à la main, recruté pour des vendanges ponctuées par la visite d’un grand-duc.
Retour sur des instants aussi surréalistes que conviviaux.
De l’aube à 10 heures….
Car il est bien difficile de définir le domaine en quelques mots. Galerie d’art, vignoble, oliveraie, salon de musique, résidence d’artistes, l’endroit a de multiples usages, de multiples vies. Animés par l’énergie bienveillante du maître, les lieux sont comme des voiles gonflées par un vent de folie contenue et contagieuse.
Je suis venu faire un reportage sur les premières vendanges bio de la propriété. Sac à dos, caméra, appareil photo, je porte mon matériel et me dirige vers la maison silencieuse. Au bout du chemin, je vois apparaître Jean-François Régis , avec sur la tête un chapeau que n’auraient désavoué ni François 1er ni Théodore Rousseau. On s’embrasse.
– Il me manque sept vendangeurs, fait Jean-François. Un décès, la même famille, et voilà.
Au loin, trois jeunes femmes sont affairées près d’un tracteur.
– Et bien, donne-moi un sécateur et en avant…
C’est ainsi que je suis descendu des gradins du journaliste dans l’arène du vendangeur…. Nous grimpons dans un vénérable 4×4, la thermos de café sur la plage avant et, après quelques chaos homériques, nous parvenons devant la parcelle à vendanger. Samantha, Nadège, et Mina sont à l’œuvre dans les rangées. Le sécateur d’une main, le seau de l’autre, je commence à débarrasser les ceps de leurs grappes.
– Attention à ne pas vous couper !
Je découvre très vite qu’il faut prendre en compte plusieurs paramètres. La hauteur toute relative des vignes qui oblige à se courber, les grappes qui se cachent derrière les feuilles en espérant se faire oublier, le soleil qui chauffe la terre et les têtes, le tranchant du sécateur qui vient de m’entailler légèrement l’index gauche.
– Zut !
Et oui, l’amateur qui n’a jamais vendangé vient de recevoir son baptême. La mini plaie est vite cicatrisée par un grain de raisin coupé posé dessus. Je regarde mes gros croquenos de randonnée que j’avais pris la précaution de chausser, cependant qu’une myriade de petites graines de chardon se prennent dans les poils de mes bras.
La coupe, le feulement de la grappe qui atterrit dans le seau, les seaux portés à la benne, le tracteur qui avance par à-coups en accompagnant la progression des ouvriers, c’est comme un ballet de clics sous les rayons de l’astre du jour. Quelques courbatures me signalent l’inconfort relatif de ma position. Je suis assez grand, ce qui m’oblige à me pencher en permanence pour cueillir les grappes.
La pause
Le grand-duc
La gastronomie