Nous sommes bien d’accord : la cuisine mérite le meilleur. Les meilleurs ingrédients, les meilleures techniques, les plus grands soins… et les meilleurs mots. Rien de pire que le « rata », la « tambouille » faite par des « cuistots »… Non, il faut offrir à nos convives la plus grande netteté, dans les assiettes comme dans les mots.
Et voilà pourquoi le mot « écume » est à proscrire : bien sûr, il y a les convives ignorants de la langue, qui verront là une nouveauté, mais il y a aussi ce qui savent ce que signifient les mots, et, quand le maître d’hôtel leur annoncera une « écume », ils sursauteront… car l’écume désigne en réalité un amas de mousse d’apparence blanchâtre, plus ou moins impur, qui se forme à la surface d’un liquide agité, chauffé ou en fermentation. La cuisine sait bien, d’ailleurs, l’importance d’écumer les bouillons, de dépouiller les veloutés…
Pourrait-on imaginer que le mot « écume » prenne une vie moderne méliorative, au lieu d’une acception péjorative ? Il faut souvent se rapporter à l’étymologie pour savoir si cet espoir peut avoir quelque chose d’être exaucé. Or dès 1160, le mot « escume » désigne la bave mousseuse de certains animaux irrités ; on parle d’un cheval furieux dont la bouche est pleine d’écume, on dit justement « écumant de rage ». Et l’on n’évitera pas que la France entière, parlant de pollution des rivières, utilise justement le mot « écume » pour désigner cette mousse terrible de pollution.
Décidément, nos convives méritent mieux que ce mot… pour désigner une mousse de cuisine délicieuse. Si l’on veut éviter le mot « mousse » (pourquoi ?), il faudra donc trouver autre chose.
Par Hervé This