Lundi 18 janvier 2021, le Michelin attribue une étoile à Shabour à Paris, seulement seize mois après leur ouverture. “C’est la première fois qu’un Chef israëlien décroche une étoile en France” , souligne Tomer Lanzmann
Assaf Granit, Dan Yosha, Uri Navon et Tomer Lanzman remercient toutes leurs équipes pour le travail accompli ces derniers mois qui concrétisent ce rêve fou qu’était Shabour : un bouleversement, une aventure, une autre idée de la gastronomie
Nous avions fait l’expérience d’un diner quelques semaines après l’ouverture Rencontre avec les associés et diner photographié en janvier 2020.
Ouvert en septembre 2019, dans le quartier du sentier par quatre associés : Assaf Granit, Dan Yosha, Uri Navon et Tomer Lanzmann, qui ont déjà créé Balagan il y a trois ans, rue d’Alger. La table fait sensation proposant un voyage culinaire cosmopolite, un pont entre Israël et la France, Jérusalem et Paris.
Tout comme Balagan signifie en hébreux (chaos, fête), Shabour signifie « brisé/ cassé ». Mais à part les codes, tout se construit dans une ambiance festive, avec des plats à partager. Ouvert le soir, une trentaine de personnes prennent place autour de la cuisine centrale, en 2 services, observant le ballet des équipes jeunes, souriantes et polyglottes. Ici le Français, l’Anglais et l’Hébreux sont couramment parlés, ici tout le monde fait le service. Ici les chefs sont aux premières loges pour dresser, servir les assiettes, annoncer les plats et débarrasser.
Une optimisation du service est structurellement bien pensé faisant référence aux ateliers de Joël Robuchon ou le restaurant Jin à Paris. Les associés possèdent une dizaine d’adresses à Jérusalem (6), dont est natif le chef Assaf Granit, à Londres (3) et maintenant 2 à Paris. Il y a trois chefs et l’homme de salle, le R.P. Tomer Lanzmann.
« Nous avons eu un coup de cœur pour ce lieu qui était un ancien « bar à food », précise-t-il. « Un an de travaux plus tard, avec Cent15 Architecture, des pierres brutes apparaissent, un comptoir en marbre, du béton, du granit, des voûtes, des baies vitrées ouvrant le spectacle culinaire complètement à la vue des passants.
Juchés sur de confortables tabourets en cuir, les convives observent les chefs cuisiner, dresser les assiettes, éclairés par de grosses bougies, qui finalisent une ambiance tamisée.
Chez Shabour, les arts de la table sont de haute volée. Porcelaine de Limoges, superbes assiettes fleuries, dépareillées, argenterie, timbales et verres à eau en argent, verres à vin d’une belle gravure, belles pièces dénichées sur des marchés aux puces, dont celui notamment de St-Ouen. On rajoute une pierre de Jérusalem pour déposer un amuse-bouche, une boite à bijou « Cartier » pour le fromage et des boites à bonbons pour les mignardises. C’est Tomer Lanzmann, qui a pris soin de choisir et chiner les objets.
« Je suis l’homme de l’ombre», sourit-il, associé à trois chefs cuisiniers. « J’ai un parcours professionnel dans la mode et les Arts» précise Tomer, natif de Tel Aviv. Oscillant entre Balagan et Shabour, à l’accueil, aux R.P., aux achats ou à la dégustation des plats, il est omniprésent, à la fois discret et pierre angulaire des tables parisiennes. Les deux adresses cultivent une ambiance festive, tourbillonnante, pleine de vitalité, d’évasion, théâtralisée par une brigade jeune, joyeuse, donnant le ton d’une belle soirée musicale (ambiance opéra) et gastronomique.
Le nouveau restaurant concept propose « le voyage de Shabour » (menu dégustation à 96€) mettant en scène des produits et des saveurs souvent inédits pour une découverte à la fois culturelle et gustative. La méditerranée s’exprime à pleine puissance, et Israël offre une palette de sensations. La carte est relativement courte et évolutive, se partage et se savoure tout aussi bien avec les doigts qu’avec les couverts en argent.
Pour débuter, on choisit le frenavon : le pain cuit avec en son coeur une branche de romarin est à tremper dans une crème de tomate et du Tahini ou le surprenant Shmoulik Msabaha (oursin/pois/chiche/Chanel N°5 coriandre) ou encore le Baby Pita (Mahduma/foie gras/ris de veau).
Le chef met en scène quelques surprises, dont sa polenta au parmesan, jaune d’œuf flambé au chalumeau et truffe râpée.
On débute avec l’inoubliable œuf Mollet, écume de tahini, caviar et relish, où la cérémonie du service fait entrer en scène les œufs (qui évoque les œufs de Fabergé) renforçant la noblesse de ce met. Deux propositions autour des Saint-Jacques se conjuguent, soit avec une bisque de homards/truffe ou avec des crevettes/ chichi et harissa.
Pour suivre, le homard et son gratin de blettes, crème de raifort, l’agneau et ses gnocchis de freekeh/maschi ou encore le plat végétarien nommé Varti Manti mariant le hamoud feta, beurre blanc topinambour et chou rouge pickels.
Coté sucré, tarte au citron perse et meringue, la cuillère chocolatée/ huile d’olive et fleur de sel ou encore la safta à la compote, qui dévoile une soupière de toute beauté dans laquelle pommes, poires et cannelle exultent leurs arômes, servies rafraichies par une glace au yaourt et graines de coriandre.
« Notre cuisine est mobile, sincère, exigeante et baladeuse. Une cuisine d’Israël dans sa touche, son approche et ses saveurs souvent inédites, mais une cuisine de cet Israël que l’on aime et qui est la nôtre. Ouvert au monde, aux autres, aux cultures, aux appétits et, au Shabour, particulièrement à la France. », conclut Tomer.
Un petit cadeau se dissimule sous les mignardises, une main de khamsa très populaire en Israël qui protège contre le mauvais œil.
Par Sandrine Kauffer-Binz
Crédit photos ©Sandrine Kauffer-Binz et DR
Shabour
19, rue Saint Sauveur
75002 Paris
Fermé le dimanche