Sébastien Brun, chef cuisinier au collège Le Réflessoir, « Eduquer les enfants à bien manger »

Sébastien Brun est, depuis 2012, le chef cuisinier du collège Le Réflessoir à Bléré. Voilà vingt ans, il a choisi la restauration collective en milieu scolaire pour exercer son métier et poursuit depuis, un seul objectif : contribuer à éduquer les enfants au bon goût et aux bons produits. Rencontre.

 


Sébastien Brun, chef cuisinier au collège Le Réflessoir, « Eduquer les enfants à bien manger »
Né à Vouvray, le chef Sébastien Brun, 45 ans, a très tôt été éduqué au bon goût des produits du terroir Tourangeau.
Son BEP en poche (Lycée Bayet, Tours) il part en Suisse Allemande, près de Bern, où il apprend durant deux ans, l’allemand mais aussi la rigueur, l’autonomie et une autre façon de cuisiner et de s’alimenter. « Pendant deux ans j’ai travaillé dans une très grosse structure, qui accueillait à la fois un restaurant, une unité de production fermière mais aussi un complexe de loisirs. Côté cuisine, à la carte il n’y avait souvent qu’une assiette de crudités par exemple avec un morceau de viande, mais en petite quantité. Les Allemands au restaurant peuvent venir dès 9h pour consommer uniquement du fromage et revenir à midi, le soir… ». Après son retour en France, Sébastien Brun entre au bistrot Le Singe Vert, à Tours (aujourd’hui O Petit Paris) mais très vite perd sa motivation, « les horaires étaient trop aléatoires et le salaire moins intéressant bien sûr qu’en Suisse. » Alors pour retrouver une certain « confort » de vie il choisit la restauration collective : «  je voulais retrouver des horaires normaux et préserver une vie de famille » . Sébastien Brun passe quelques concours, dont celui de Maître Ouvrier, pour lequel il arrive 2e sur 300 candidats. Après un premier poste dans les cantines du lycée Grandmont, il part à Langeais au collège Choiseul, un des plus gros de la région, et y reste 10 ans. En septembre 2012, il intégre les cuisines du collège Le Réflessoir, un modèle du genre dans la restauration scolaire.

Principale contrainte : le budget !

L'équipe du chef Sébastien Brun, dans la cantine du collège Le Réflessoir à Bléré ®DR

L’équipe du chef Sébastien Brun, dans la cantine du collège Le Réflessoir à Bléré ®DR
« Ce que j’aimerais c’est que les élèves que je croise aujourd’hui se rappellent de leurs années collège en disant « c’était super bon à la cantine », confie Sébastien Brun. Mon choix de la restauration collective au départ c’était pour avoir une stabilité et envisager une vie de famille, mais aujourd’hui mes objectifs ont évolué vers l’éveil du goût des enfants. En collectivité on peut très bien faire du « bon » tout en gérant la contrainte des coûts. J’en ai pris conscience en regardant des émissions sur les industriels qui produisent n’importe quoi. » En 20 ans, Sébastien Brun note une vraie évolution de la restauration collective notamment dans les écoles, et notamment en ce qui concerne la réglementation budgétaire «  Dans la restauration scolaire, il y a vingt ans certains établissements adoptaient timidement des démarches de production intégrée, mais pour la plupart c’était les industriels qui assuraient la fourniture des cantines. Aujourd’hui la réglementation a évolué. Depuis cette année les gestionnaires peuvent travailler avec des producteurs locaux, sans dépasser le seuil des 25 000€ à l’année. Pour 2017, on devrait atteindre les 40% du volume global annuel qui pourra être réservé à des contrats de fourniture par des producteurs locaux »

Montrer aux enfants qu’au délà le produit il y a un homme

Sébastien Brun avec Rodolphe Le Meunier, lors d'une présentation de fromages au collège © DR

Sébastien Brun avec Rodolphe Le Meunier, lors d’une présentation de fromages au collège © DR
Le collège du Réflessoir à Bléré est depuis plusieurs années un modèle du genre sur la question de l’alimentation à l’école. Avant l’arrivée de Sébastien Brun, son prédécesseur le chef cuisinier Jean-Paul Thomas, avait déjà placé la barre haute en termes de qualité de restauration. « Pour ma part, depuis mon arrivée, j’essaie de renforcer cette dynamique en montrant aux enfants que derrière un produit il y a toujours un homme passionné par son travail.J’invite le plus souvent possible les producteurs à venir au collège parler de leurs produits. Pour que les enfants comprennent que par exemple derrière un morceau de Veau de Montreuil-en-Touraine, il y a un éleveur et une économie.Les professeurs, de plus en plus impliqués dans l’établissement sont là également pour faire le lien entre le monde agricole et la connaissance à apporter aux enfants.

Ainsi, pour les 600 repas servis chaque jour dans le refectoire du Réflessoir, les élèves peuvent retrouver dans leurs assiettes , selon les saisons et les envies du chef : les volailles de Saint-Paterne, les fromages du voisin Rodolphe Le Meunier, Meilleur Ouvrier de France et champion du monde, les tomates d’un jardin de Luzillé, le porc « roi rose de Touraine » d’un élevage de Notre-Dame d’Oé, les yaourts et les laitages de Neuilly-le-Brignon, les concombres de Saint-Martin-le Beau, les fruits de saison de Lignières…

Et les résultats sont là : « Les élèves sont aujourd’hui plus ouverts à la découverte. Même pour des choses extraordinaires : je leur ai fait manger des sauterelles et des criquets au chocolat blanc. Au début ils m’ont pris pour un fou, maintenant ils sont demandeurs. A Noël je leur ai fait goûter de la Truffe Noire de Touraine. Ils étaient étonnés de trouver cela dans leur cantine… » Et les chiffres parlent : 595 élèves sur 627 sont demi-pensionnaires, soit 95 % de l’effectif du collège.

Prochaine mission pour le chef de cuisine : la mobilisation des collègues chefs de cuisine en restauration collective dans le département d’Indre et Loire. « Le Conseil départemental m’a récemment proposé d’être leur référent pour tenter d’installer cette démarche dans d’autres collèges du département. C’est une lourde tâche,car il faut avant tout que les chefs aient envie ! Mais cela vaut le coup ! » Objectif donc : partir à la rencontre des gestionnaires et chefs de cantines d’une douzaine de collèges, identifier les producteurs locaux partenaires des établissements et tenter de mettre en place une charte commune qui faciliterait l’introduction des produits locaux et du terroir dans chaque cuisine scolaire, pour que la cantine soit « un lieu où l’on mange bien, et de mieux en mieux »

Par Dominique Postel
Crédits Photos : DR Sébastien Brun