Qu’est-ce qu’un diplomate ? Bien sûr, c’est d’abord une personne officiellement chargée de représenter son pays auprès d’un gouvernement étranger ou dans les affaires internationales. Mais c’est aussi… plein de choses : il y a des “crèmes diplomate”, que nous avons déjà examinées dans ces pages terminologiques, des préparations à la diplomate, et des gâteaux nommés parfois diplomate, ou « pudding diplomate ». Regardons-y de plus près.
En 1934, tout d’abord, Pierre Lacam nous dit que c’est un cercle de pâte sucrée couvert de cerises demi-sucre, cuit en moule à génoise, glacé de pistache et pistaches hachées sur la glace. Pourquoi pas, mais… il ne donne pas de référence. André Dumont, en 1911, ne discute rien qui ait le nom de diplomate. Rien chez Colombé, dont la Cuisine bourgeoise fut publiée en 1906… mais voici que Joseph Favre nous sorte de l’ignorance, en 1905 :
« DIPLOMATE, adj. (A la). — On distingue deux entremets sucrés, un gâteau et une pâtisserie sous cette dénomination ».
Et il nous donne ainsi une recette de « Pouding glacé à la diplomate (Surprise) » : on pile des amandes avec sucre, farine, œuf, afin d’obtenir une pâte coulante que l’on couche par bandes larges de 20 centimètres sur une plaque beurrée. On cuit au four chaud, puis on les rogne de la hauteur d’une timbale unie et on roule la pâte dans l’intérieur de la timbale pendant qu’elle est chaude ; on découpe dans une bande de pâte une rondelle de la grandeur du fond du moule, et on l’y adapte. Puis on chemise la croûte d’une glace d’abricôt, puis de vanille. On met au milieu des fruits confits imbibés dans du marasquin mélangés avec de la glace à la fraise ; on couvre d’une autre rondelle de pâte et on sangle. Au moment de servir, on renverse le pouding sur un compotier, on nappe du sirop de marasquin et on décore de fruits pour donner l’apparence d’un pouding.
D’autre part, pour le « Pouding chaud, à la diplomate », on fonce un moule avec la même pâte que précédemment, on prépare un second cylindre en pâte plus petit pour être placé au centre du moule foncé; on garnit l’espace qui reste autour du petit cylindre avec des raisins de Malaga et autres fruits trempés au marasquin; on garnit l’intérieur du petit rond du milieu avec de la marmelade d’abricots. Puis on verte un appareil fait d’oeuf et de lait fouettés, on couver avec du blanc d’oeuf battu en neige et on cuit au bain marie. On sert avec un sirop et de la marmalade d’abricots.
Pour la pâtisserie, il nomme cela un « Diplomate à la crème » : on fonce des moules à tartelettes d’une pâte sucrée, on dépose marmelade d’abricots et fruits hachés.
Le Gâteau à la diplomate
Enfin, il y a son « Gâteau à la diplomate », qui est une pâte à biscuit de Savoie, avec des fruits, de la gelée d’abricots.
A la même époque, le Guide culinaire est moins disert : le diplomate aurait été une timbale chemisée d’une couche de « bavarois » (plus exactement de crème bavaroise : mélange de compote de fruit et de crème fouettée collée à la gélatine vanillé. Intérieur garni de couches alternées d’appareil chocolat et fraise. Il évoque un « Diplomate aux fruits », qui aurait été un pudding diplomate augmenté de couches de fruits frais émincés finement et macérés à l’avance à la liqueur sucrée. Et le « Diplomate aux fruits » aurait été un bavarois aux fruits démoulé sur fond de génoise aux fruits glacé à l’abricot, et entouré d’une bordure des mêmes fruits qui ont servi à sa composition.
Mais ne nous arrêtons surtout pas à ce texte, qui est très souvent erroné, et arrivons à Urbain Dubois, élève du grand Carême, qui donne, vingt ans plus tôt, un « Diplomate à l’anglaise » : on glace un moule, on fait prendre en glace de la crème anglaise au café avec de la crème fouettée, tandis que l’on étale dans le moule la glace au café. Sur cette couche, on place une couche de biscuit imbibées au kirsch, des marrons confits coupés en gros dés et on finit d’emplir en alternant la glace, le biscuit et les marrons.
Et avant Dubois ? On ne trouve rien chez Jules Gouffé, antérieur de 10 ans. En revanche, la recette apparaît dans le Pâtissier moderne, publié par Bailleux en 1856. Mieux, Bailleux fait la différence entre le « diplomate » et le « ministériel ».
Pour le diplomate, il enduit un moule d’huile d’amandes douces, le fait glacer, et y place des raisins de Malaga, une couche mince d’appareil à bavarois vanillé, des fruits confits, et l’on termie par de la crème. On fait glacer. D’autre part, le ministériel est composé du même appareil que le diplomate : les fruits confits se remplacent par des raisins secs imbibés dans un sirop de punch.
Puis, rien chez le pâtissier Antoine Gross en 1854, rien chez Carême, rien chez Nicolas de Bonnefons, bien antérieur.
Que conclure ? Que les plus anciennes recettes sont des glaces, et que les appareils gélifiés sont des versions modernes, peut-être pas légitimes !
Hervé This