Qu’est-ce que la mayonnaise ? La rémoulade ? Ou plutôt, dans l’ordre inverse, puisque la rémoulade est apparue la première.
Permettez-moi de vous raconter l’aventure extraordinaire de la sauce mayonnaise, afin que nous comprenions mieux ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.
Quoi de commun entre ces sauces ?
Cela figure dans d’autres passages, mais il y a le mot « rémoulade », que l’on trouve aujourd’hui encore dans « rémouleur », « rémouler » : il s’agit de faire un geste répétitif, et, pour une sauce, on sait que les liaisons par émulsion imposent ce type de gestes. La rémoulade, c’est une sauce que l’on dirait aujourd’hui travaillée, maniée, rémoulée.
Ici, on retrouve le fait que, dans la rémoulade, il y a de la moutarde. A cette base, on ajoute du jaune d’oeuf, parce que les cuisiniers savent bien que le jaune donne beaucoup de goût. Puis on travaille pour obtenir la sauce épaisse : à une époque où l’on ignorait la raison de la fermeté des émulsions (on se souvient qu’une émulsion n’est pas une mousse!), on voit qu’il y avait quelque merveille à obtenir cette liaison. On voit surtout que la rémoulade était d’abord la moutarde ; le jaune d’oeuf n’est qu’un raffinement ultérieur, important du point de vue gustatif.
Les histoires abondent, sur la découverte de cette sauce merveilleuse, mais ce qu’il faut observer, c’est que la mayonnaise n’a pas de moutarde… sans quoi c’est une rémoulade.
Le cuisinier Philéas Gilbert le disait d’ailleurs justement « la moutarde est le savorisme particulier de la rémoulade ».
Aujourd’hui, je vois de nombreux cuisiniers faire un saut en arrière, avec des sauces qu’ils nomment fautivement des mayonnaises, et qui sont en réalité des rémoulades. Les deux sauces ont des goûts différents, des usages différents, mais l’histoire de la cuisine est claire : il ne faut pas confondre les deux, et, surtout, je crois que c’est une erreur (ou une faute, selon les cas) que de régresser, du point de vue de la technique culinaire. Décidément, les mots justes sont essentiels, en cuisine ; n’est-ce pas ?
Par Hervé This