Qu’est-ce que de l’eau “cordiale”, d’argent, d’or, ou divine ?

Les siècles passés nous ont laissés des livres de cuisine vraiment étonnants, avec des recettes merveilleuses, que nous aurions souvent intérêt à remettre au goût du jour. Et c’est ainsi que cherchant le mot « cordial », dans les livres de cuisine anciens, je suis tombé sur une mine de belles idées, dans le Dictionnaire portatif de cuisine : un livre publié à Paris en 1772, et d’auteur inconnu.

Là, j’ai d’abord trouvé la recette de “l’eau cordiale”, que voici :

« Distillez des fleurs de jasmin d’Espagne, belles & fraîches, avec des zestes de citron, du cédrat, et un peu de coriandre, à feu modéré. Faites le syrop à l’ordinaire, & dans la proportion des autres liqueurs dont on a parlé ci-dessus, c’est-à-dire pour trois pintes de liqueur, pinte & chopine d’eau-de-vie, & demi-septier d’eau ; pour le syrop, cinq demi-septiers d’eau, & trois quarterons de sucre. »

Distiller en cuisine ? Je ne cesse de le proposer, depuis 1980… et cela n’est pas difficile à faire : on met le liquide brut dans une cocotte minute, et l’on place, sur le trou d’évacuation de la vapeur, un tuyau en caoutchouc que l’on fait barboter dans un bac d’eau froide, avant de récupérer le liquide distillé par dessous. Ne pourrait-on pas plutôt macérer les matières et filtrer ? Oui, on peut… mais on aura aussi des composés phénoliques souvent astringents ou amers.

Pour revenir au Dictionnaire portatif de cuisine, nous trouvons une autre recette d’eau cordiale :

« Faites infuser dans une pinte d’eau-de-vie une demi-livre de cerises des plus belles & bien mûres, dont vous ôterez les queues & les noyaux; mettez une demi-livre de sucre, un gros bâton de cannelle, quelques clous de girofle, un peu de macis. Bouchez bien votre bouteille, & couvrez le bouchon d’un parchemin mouillé. Laissez infuser au soleil ; de temps en temps remuez la bouteilles pour que le marc pénètre la liqueur : faites clarifier pour vous en servir au besoin. »

Cette fois, pas besoin de distiller.

Mais quand on est plongé dans un tel livre, c’est bien dommage de ne pas regarder autour de ce que l’on cherche… et, en l’occurrence, on trouve des choses amusantes : une « eau sans glace » qui se fait avec les mêmes compositions de fleurs, ou fruits ou graines que pour les sorbets, à cela près que l’auteur préconise de mettre moins de sucre. Egalement, une « eau clairette », qui se fait avec de la lie de vin que l’on distille après l’avoir additionnée de cannelle, macis et sucre.

Surtout, je trouve trois eaux aux noms merveilleusement engageants. Tout d’abord une « eau d’argent », qui se fait par distillation d’une macération dans l’eau de vie de zestes de citrons, angélique, clous de girofle pilés. On ajoute le distillat un sirop, puis on agite la bouteille avec quelques feuilles d’argent, pour les diviser en petites particules.

Puis une « eau d’or » : on distille des zestes de citron, de la cannelle, un peu de coriandre avec eau, eau de vie. Puis on met le distillat dans du sirop que l’on colore ave du caramel, et l’on termine avec des feuilles d’or.

Et je termine avec une « eau divine » : cette fois, on distille une macération de fleurs d’oranger dans de l’eau de vie… ou bien on ajoute simplement de l’eau de fleur d’oranger à un mélange d’eau et d’eau-de-vie.

A servir très frais en apéritif !