«Réjouissons-nous les amis !», s’exclame Pascal LEONETTI. «Il faut profiter de chaque instant offert par la vie». De l’île de beauté, où sa passion initiale pour le football fut contractée, à l’auberge de l’ill, un autre paradis, chez la famille Haeberlin, où il put développer son amour pour le vin, des concours et titres décrochés, jusqu’à celui de Meilleur Sommelier de France 2006, c’est la découverte soudaine d’une tumeur au cerveau qui bouleversera son quotidien. Désormais, à 39 ans, Pascal Leonetti s’épanouit au sein de sa société éponyme de conseils en vins. Retour sur l’itinéraire d’une forte personnalité, charismatique et attachante, qui a su transformer cette expérience en une nouvelle trajectoire professionnelle et philosophique.
Un article paru dans le Passion Vin supplément des DNA N°17 (automne 2017) en collaboration avec les Nouvelles gastronomiques d’Alsace
Une enfance privilégiée
Intarissable sur les vins, Pascal Leonetti se livre généreusement sur son enfance dans son village d’Urtaca, en Haute Corse.
«Mes parents, Suzanne et Barthélémy, étaient éleveurs et possèdent 70 hectares de terrains, aux alentours de ce village de 70 habitants», raconte-t-il. «Tout le monde se connaît et il règne une solidarité villageoise et intergénérationnelle très forte. J’ai connu une enfance et une éducation exemplaires, reçu un enseignement fort sur la valeur du travail et le respect».
«A l’école du village, nous étions 16 élèves, toutes classes confondues. Des conditions idéales ! A cette époque, je ne rêvais que de ballon !», sourit-il. «Depuis que j’ai su marcher jusqu’à l’âge de 15 ans, c’est la seule chose qui m’intéressait. Défenseur central de bon niveau mais n’obtenant pas la moyenne scolaire requise pour intégrer une section sport études, j’ai du faire une croix sur cet objectif.»
Cet appétit pour la bonne chair le conduit naturellement à intégrer l’école hôtelière d’Île Rousse. A 15 ans, ce n’est ni la cuisine ni la sommellerie qui ont orienté son choix, mais la salle. « Je rêvais d’ouvrir un restaurant, sur la plage».
«N’ayant aucun don, j’ai toujours fourni un travail acharné»
Admis en section restauration, sa rencontre avec son professeur Paul Bordigoni fut déterminante.
«Il a su, dès l’âge de 15 ans, me transmettre son virus pour le monde du vin. Resté passionné par la compétition, je m’inscris aux différents concours de sommellerie et gravis les échelons régionaux. A 17 ans, je remporte le Trophée Peraldi du Meilleur Jeune Sommelier de Corse 1995 et, à 19 ans, le Trophée Uva Corsa du Meilleur Sommelier de Corse 1997. Ne souhaitant pas en rester là et convaincu que les meilleurs professionnels se trouvent en Alsace, j’intègre la Mention Complémentaire Sommellerie d’Illkirch Graffenstaden.
Arrivé à Strasbourg le 12 septembre 1997, je vis un rêve absolu et bénéficie d’une formation exemplaire, dans le parfait prolongement de ce que j’ai appris en Corse. Mon professeur Antoine Woerle me fascine et me met sur orbite».
Un stage en vinification au domaine Gustave Lorentz puis, une formation au Crocodile, alors 3 *** Michelin, chez Monique et Emile Jung, auprès d’une équipe de très haut niveau, dont le jeune sommelier appréciait la rigueur et le professionnalisme et d’un premier passage dans la plus belle auberge du monde, il retourne en Corse, l’examen en poche, préparer sa saison.
«En septembre 1998, Je n’en crois pas mes oreilles», confie-t-il. «Serge Dubs, Meilleur Sommelier du Monde 1989 me propose une place à ses côtés, à l’Auberge de L’Ill, 3 *** Michelin, un temple de la gastronomie, où l’excellence est poussée à son paroxysme. Là, j’ai le privilège de déguster les plus grands vins, de côtoyer de grands professionnels».
Les concours s’enchaînent et, l’ancien sportif entretient son goût pour la compétition. Lauréat du Trophée Ruinart Meilleur Jeune Sommelier de France 2003, il décroche le titre suprême de Meilleur Sommelier de France 2006. Membre de l’ASA (Association des Sommeliers d’Alsace) et de l’UDSF (Union De la Sommellerie Française), Pascal LEONETTI continue son parcours jusqu’à ce coup de téléphone de septembre 2009, lui annonçant qu’on lui a décelé une lésion au cerveau.
Il raconte : «Répondant à l’invitation de mon ami Christophe Menozzi à participer à un protocole au CHU de Besançon servant à déterminer quelles sont les parties du cerveau qui travaillent durant la dégustation, nous avons dégusté dans un IRM cérébral. Suite à ces tests, la semaine d’après, on me diagnostiquait une tumeur au cerveau. Très inquiet à l’idée de perdre, ne serait-ce qu’un dixième de mes facultés olfacto-gustatives, je demande au docteur, Laurent Capelle, d’être très attentif sur ce point. Pendant l’opération, je garde le souvenir d’avoir été réveillé pour sentir des pastilles odorantes afin de cibler les zones à ne pas endommager».
Aujourd’hui, il garde en tête cette expérience comme un véritable coup du sort. Une chance qui n’arrive qu’une fois dans une vie. De celles qui amplifient sa philosophie Carpe Diem et le vrai goût de la vie.
2016 : Une nouvelle voie
Surmonter une telle épreuve de santé amène à relativiser, ré-évaluer ses priorités dans la vie. «Rester à l’Auberge de L’Ill apparaissait comme une évidence mais, cherchant toujours à progresser, j’ai décidé de développer mon activité de conseils en vins. Rendre accessible les définitions de terroirs chères à mon coeur».
Depuis le mois de janvier 2016, après 17 belles années de collaboration avec la famille Haeberlin, Pascal Leonetti prend son envol. Libre, il part à la rencontre des vignerons. «Dans ce projet mûrement réfléchi, je décide de mettre un terme à ma profession et me lancer dans la vérité du terroir. A une époque, où le système nous broie, que les valeurs fondamentales, à mon sens, se perdent, il me semble indispensable de replacer le sol à sa juste valeur et l’humain, au centre de ce qui compte le plus dans la vie. C’est désormais mon quotidien».
Aujourd’hui, Pascal Leonetti met son expertise au service des professionnels, autant que des amateurs éclairés. Fidèle à ses préceptes, il souligne l’importance du choix du bon verre pour traduire avec justesse et précision la complexité des terroirs, mais également les conditions idéales de conservation des bouteilles.«Je propose des dégustations de vins commentées, à l’aveugle ou non, des associations vins/mets, des conseils en achat de vins ou pour constituer des caves. Ce qui m’intéresse, c’est le sur-mesure. Signer des cartes des vins en rapport pertinent avec la sensibilité d’un chef. Acheter meilleur ne signifie pas forcément plus cher. Ayant accès aux meilleurs domaines et références haut de gamme, j’ai à coeur de les rendre accessible aux vrais amoureux du vin».
«Cette expérience me conforte dans l’idée que : La vie est trop courte pour déguster du mauvais vin» conclut Pascal Leonetti.
Par Sandrine Kauffer