saccharose

Les sirops de glucose

Pas Le sirop de glucose, mais DES sirops de glucose, à ne pas confondre avec d’autres produits

On trouve hélas du bon et du mauvais, dans les publications culinaires.

Par exemple, je trouve un site culinaire parmi les plus fréquentés qui prétend faire du « sirop de glucose » en cuisant du sucre de table avec de l’eau pendant quelques minutes. Désolé, mais ce n’est pas du sirop de glucose, qui est alors obtenu.

Par exemple, je trouve un manuel de pâtisserie qui dit que le glucose serait “une molécule de base pour les sucres”, que ce serait un édulcorant fréquemment présent dans les fruits, que ce serait un constituant du sucre de table. Non, non et non !

Examinons ces affaire dans l’ordre inverse où nous venons de les voir : d’abord à propos du glucose, puis à propos des sirops de glucose.

Pour commencer, donc, disons que l’évaporation de l’eau par les feuilles des plantes fait monter dans ces dernières de la « sève brute », composée d’eau et d’ions minéraux (sodium, potassium, nitrates, sulfates, etc.).

L’énergie du soleil, l’eau et le dioxyde de carbone présent dans l’air sont alors utilisés par les plantes pour synthétiser des molécules de diverses sortes, parmi lesquelles on trouve des molécules d’« acides aminés » et des molécules de « sucres ». Ces molécules sont redescendues dans les plantes en solution dans la « sève élaborée ». Et les plantes fabriquent des protéines, à partir des acides aminés, et elles font des sucres plus complexes à partir des sucres simples.

Les sucres simples les plus abondants sont le D-glucose, le D-fructose et le saccharose. Le premier a une saveur douce, le second est plus sucré que le sucre de table, et le troisième est précisément le sucre de table ; ou, disons le mieux, le sucre de table, ces cristaux blancs, sont des empilements réguliers (comme des cubes que l’on empile) de molécules de saccharose. Et, à propos du saccharose, prenons la précaution de distinguer le « saccharose », qui est une sorte de molécules, et les molécules de saccharose, qui sont des objets matériels.

Toujours à propos du saccharose, on peut le synthétiser à partir de D-glucose et de D-fructose : à partir d’une molécule de chaque sorte, on obtient – ce sont des enzymes qui font le travail- une molécule de saccharose, mais les atomes sont alors réarrangés, et il n’y a pas de molécule de D-glucose ni de molécule de D-fructose dans la molécule de saccharose. Certes, un chimiste reconnaît des groupes d’atomes qui ressemblent à la molécule de D-glucose et à la molécule de D-fructose, mais il est faux de dire que le saccharose est fait de glucose et de fructose. Il faut au minimum parler de « résidu de glucose » et de « résidu de fructose ». Est-ce du pinaillage de parler de D-glucose plutôt que de glucose (idem pour le fructose) ? En réalité, il existe une autre molécule de glucose, le L-glucose, qui a les mêmes atomes, mais pas organisés de la même façon, et il n’est pas utilisable par l’organisme humain. Disons que, si l’on reste dans le champ très particulier des sucres organiques, alors on peut omettre sans trop de gravité le D, pour le glucose ou pour le fructose.

Et terminons en ajoutant que les végétaux savent enchaîner des molécules de D-glucose pour former des molécules avec de nombreux résidus de D-glucose, des « polysaccharides », tels l’amylose ou l’amylopectine : les grains d’amidons (la fécule, qu’elle soit de blé, de riz, de maïs, de pomme de terre) sont des assemblages de molécules d’amylose et d’amylopectine.

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Le glucose est-il un constituant du sucre de table ?

Nous avons vu que non : il n’y a pas de glucose dans le sucre de table. Le glucose est-il une  « molécule de base » pour les sucres ? Pour l’amylose et l’amylopectine, disons que oui, le glucose est une molécule de base de ces sucres (plutôt que « pour ces sucres)… mais pour la pectine, pour la chitine, et pour une infinité d’autres sucres, la réponse est non.

Le glucose est-il un « édulcorant fréquemment présent dans les fruits » ?

La réponse est non : le Dictionnaire de l’Académie française définit les édulcorants comme des « substances qui ont la propriété d’adoucir la saveur d’un médicament, d’une boisson ». Disons simplement que le D-glucose est un composé à la saveur douce (moins sucré que le saccharose).

Passons maintenant au sirop de glucose.

Il faut commencer par dire qu’il n’y a pas un « sirop de glucose », mais d’innombrables. Expliquons tout cela, en appelant de nos vœux une rénovation de la terminologie culinaire, et un raidissement des réglementations à propos des produits alimentaires (sans quoi, les malhonnêtes en profitent pour vendre n’importe quoi à ceux qui n’ont pas une connaissance fine des détails chimiques).

Partons d’amidon, que nous chauffons dans de l’eau, soit avec un acide, ou une base, ou avec des enzymes bien choisies : alors on peut décomposer les molécules d’amylose et d’amylopectine… et l’on obtient, quand on s’y prend bien, de l’eau dans laquelle se trouvent des molécules de D-glucose : cela fait effectivement un sirop. Toutefois, on n’a véritablement un « sirop de glucose » que quand les molécules d’amylose et d’amylopectine sont entièrement décomposées ; sans quoi, on a un sirop… mais un mélange de glucose et d’autres composés, à savoir des di-glucose (deux résidus de glucose), des tri-glucose, etc.

En tout cas, c’est très différent de ce que l’on obtient si l’on chauffe du sucre de table (saccharose) dans de l’eau, toujours en milieu acide, ou basique, ou avec des enzymes bien choisies : cette fois, le sirop contient à la fois du glucose et du fructose. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la législation stipule que « lorsque le sirop de glucose et le sirop de glucose déshydraté contiennent du fructose dans des proportions supérieures à 5 % du poids de la matière sèche, ils comportent, pour ce qui est de la dénomination des produits et en tant qu’ingrédients, un étiquetage portant la mention “sirop de glucose-fructose” ou “sirop de fructose-glucose” et “sirop de glucose-fructose déshydraté” ou “sirop de fructose-glucose déshydraté”, selon que la teneur en glucose ou la teneur en fructose est la plus importante.

D’ailleurs, la législation distingue très justement ces sirops du « sucre liquide », qui est une solution aqueuse de saccharose, avec des caractéristiques particulières : pas moins de 62 % de matière sèche (en poids), et un rapport de fructose sur le glucose de moins de 3 pour cent

Il faut également distinguer le « sucre liquide inverti », solution aqueuse de saccharose partiellement décomposés, avec un rapport de fructose par rapport au glucose entre 3 et 50 pour cent.

Quant au « sirop de sucre inverti », c’est une solution aqueuse, éventuellement cristallisée, de saccharose partiellement décomposé

Mais, pour en terminer avec les sirops de glucose, avec seulement du glucose dans l’eau, il y a des concentrations en glucose différentes, donc pas un seul sirop de glucose, mais d’innombrables.

Hervé This