Une fondue ? Joseph Favre, en 1889, nous dit qu’il s’agit d’un fromage gras qui est fondu et dans lequel on ajoute quelquefois du vin, des œufs ou de la bière. Les fondues sont toujours rehaussées par beaucoup de poivre, ajoute-t-il.
Mais il existe bien d’autres fondues. Par exemple, la « fondue soufflée » italienne, qui se fait avec du fromage de Parmesan râpé, du poivre blanc fraîchement moulu, un petit morceau de beurre frais et quelques jaunes d’œufs : on fait fondre sur un feu doux, on fouette les blancs d’œufs à part, et on les mélange avec le premier appareil ; on coule la pâte dans des croustades, des coquilles, de petits moules d’argent, ou des timbales ; emplis à moitié, ces préparation sont cuites à four chaud, et servies sitôt levées.
Les « fondues à l’anglaise », d’autre part, se font avec du fromage de Chester que l’on fond dans une casserole avec un ou deux jaunes d’œufs, du piment et du pale-ale. D’autre part, on fait griller au beurre des tranches de pain que l’on dépose sur un plat chaud ; on verse dessus la fondue, on passe le plat au four pendant une minute et on sert chaud.
La « fondue à la valaisanne » se fait dans les montagnes de la Savoie, du Valais et du Piémont : on taille par le milieu un fromage gras d’Emmenthal, de Gruyère, de Thion ou de Closon ; on fait un grand feu de bois de mélèzes, dans le foyer de la cheminée et lorsque la braise est ardente, on présente au brasier la partie tranchée du fromage, en l’appuyant sur une bûche de bois ; on retourne souvent le fromage pour éviter l’écoulement dans les cendres. Les convives ont pour couvert un tranchoir de bois, fourchette, couteau, et un moulin à poivre ; l’amphitryon apporte majestueusement la moitié du fromage devant le convive et, d’un coup de lame de couteau, il râcle dans toute la longueur du fromage la partie fondue qui tombe sur le tranchoir ; le convive s’empresse de la manger chaude. Pendant que l’on sert l’une des moitiés du fromage, l’autre est au feu. La fondue ainsi servie est généralement accompagnée de pain noir et abondamment arrosée de vin blanc. Après dix ou douze raclées chacun, le repas est fini. Le Ranz des Vaches, chanté en chœur, remplace le dessert.
Vous avez le sentiment qu’il s’agit-là de la raclette ? N’oubliez pas que Favre était suisse, et qu’il savait de quoi il parlait !
D’ailleurs, il distingue cela de la « fondue à la vaudoise », où l’on chauffe du fromage gras de Gruyère ou d’Emmenthal dans une casserole de terre vernissée, avec du poivre, trois jaunes d’oeufs, un peu de beurre frais, et un verre à bordeaux de vin d’Yvorne ; on remue sur un feu doux jusqu’à ce que la fondue soit liquide ; on sert la casserole et on se sert sur des assiettes chaudes.
« A la genevoise », on coupe du fromage gras de Gruyère ou d’Emmenthal, sans croûte, on le met dans une casserole en terre vernissée, avec un décilitre de crème double, de muscade, de poivre blanc fraîchement moulu, une pointe de piment; trois jaunes d’œufs, une goutte de vin de Bossay ou un jus de citron, et l’on remue sur un feu doux, jusqu’à ce que la fondue présente une pâte liquide.
La « fondue à la piémontaise » se prépare surtout dans les auberges du Piémont, où elle est connue sous le nom de fontina. On part d’une tome grasse au vacherin à l’état fondant, on lui enlève la croûte, et on la met dans une casserole de terre avec une quantité suffisante de crème double, un grain de sel, des truffes blanches et cuites, coupées par lames, poivre blanc, muscade râpée et deux jaunes d’œufs pour cinq cents grammes de fromage. On remue doucement sur le feu jusqu’à ce que la fondue soit pâteuse. On la verse sur des tranches de pain bis.
Favre n’évoque pas les fondues bourguignonnes, les fondues au chocolat, mais nous avons déjà des idées de variation de la simple fondue qui se fait avec fromage et vin, n’est-ce pas ?
Hervé This