On trouve des burgers avec des pains confectionnés par des MOF boulangers et cuits sur place.©JulienBinz

Les Fast Food !

Voici une chronique, où je ne vais pas me faire que des amis. Tans pis, je ne peux m’empêcher de vous livrer en quelques pages le point de vue d’un gastronome alsacien averti et convaincu, reconnu par ses pairs comme un gourmand et un gourmet incorrigible ! Nourriture rapide. Pourquoi ? Pour faire gagner du temps. Car dans le monde moderne, on a plus le temps, et celui-ci, comme l’amour ne peut s’acheter. Autrefois, la mère au foyer passait deux heures par jour à préparer le repas familial et convivial à base de produits locaux et de saison. L’ouvrier jouissait de sa pause repas pour manger tranquillement et assis. Les banquiers déjeunaient d’un saumon à l’oseille sur galette de blé et de financiers. Les hommes d’affaires fréquentaient entre midi et quinze heures les bons restaurants en invitant clients et maitresses.

Cruel destin car pour vivre, l’homme doit se nourrir et ne peut encore s’affranchir du besoin de manger. L’humain est un animal doué d’intelligence et de raison et le simple fait d’ingurgiter des aliments est le reflet de son vécu, de son pays, de sa religion, de ses choix, de ses plaisirs gustatifs, de ses moyens et de sa culture.

Que les clients des cent chaînes de bouffe rapide dans le monde se rassurent, car bientôt ils n’auront plus besoin de fréquenter ces endroits, qui suintent la mauvaise graisse. Ils pourront avaler en trois secondes quelques pilules hyper-protéinées-vitaminées-énergisantes. Plus besoin qu’ils s’arrêtent entre midi et midi quinze pour perdre de précieuses minutes à se nourrir. La super productivité est à ce prix. Les multinationales de l’agro-alimentaire veillent sur nous et les laboratoires pharmaceutiques ne sont jamais bien loin…

MC Donald’s (33600 “restaurants”), Subway (33749 “restaurants” dans 91 pays dont 196 en France), Quick, Starbucks, Pizza Hut, Burger King, Wendy, Yum Brands (33000 « restaurants ») leader mondial avec ses chaines Pizza Hut, KFC, Taco Bell, Long John, Silver’s et A&W, et tous les autres, mais que leur reproche-t-on ?

Avant d’étaler la longue liste des méfaits et maladies imputés à ces géants de la malbouffe, attardons-nous sur l’objet mythique et symbolique des Fasts Foods : le hamburger. Avant de le décrier, il faut le décrypter et comprendre pourquoi ce type d’aliment composé est vendu et apprécié dans presque tous les pays du monde (à l’exception de la Corée du Nord) car le hamburger est une invention géniale. Il est né en Amérique du Nord, dans un nouveau pays peuplé de centaines d’ethnies aux facettes culturelles bien différentes. Par cela, il n’a jamais eu d’identité culturelle et est dévoré autant par un Ivoirien, qu’un Antillais, un Chinois, un Australien ou un Européen. Il s’affranchit de toutes barrières culturelles. Tel n’est pas le cas du capitaine-riz-arachide, des tripes à la mode de Caen, du boudin créole, des nids d’hirondelles frits, du koulibiac de saumon ou de la potée auvergnate.

Le hamburger est le leader incontesté dans sa catégorie.

Il bat haut la bouche sur tous les rings de la bouffe rapide, la pizza (Italie), les nuggets (Amérique), le couscous (Afrique), la choucroute en boite et le petit-salé-lentilles (France), les nems et le canard laqué-riz-cantonnais (Chine).

Oui, ce sandwich concentre toutes les envies gustatives et sensitives vers quoi l’homme est instinctivement attiré.

1) La viande : brune et luisante, grasse, odeur grillée, salée
2) Le pain : pâle, mou, sucré, grains de sésame
3) La tomate : rouge, sucrée-salée
4) la salade : verte et croquante
5) L’oignon : blanc et pétillant
6) Le fromage : fondant, salé, gras
7) Les sauces barbecue, ketchup, mayonnaise : couleurs différentes, salées, sucrées, grasses, acides, pimentées selon le cas
8) J’espère que je n’ai rien oublié car je ne me souviens plus du dernier que j’ai mangé.

Dans un Hamburger, il y a tout cela : 3 saveurs de base (sucré, salé, acide, sauf l’amer), gouts, textures, couleurs. Et beaucoup de gras, de sucre, de sel, de viande : l’homme qui obéit sans réfléchir à son cerveau est naturellement attiré par cela.

La grand majorité des humains (les Chinois) mangent avec des baguettes ; la plupart des Américains et Européens avec une fourchette. Les Africains, ainsi que quelques peuples du Moyen-Orient apportent l’aliment à la bouche en s’aidant des mains. L’homme moderne et civilisé n’éprouve plus la sensation ancestrale de toucher l’aliment avec ses mains, de porter sous les narines les odeurs de sa nourriture. Le Hamburger offre tout cela.

Mieux ! Quand il est accompagné de la frite, une autre invention vraiment extraordinaire, faite d’un tubercule suave consommé par l’humanité entière, une œuvre d’art parfaite, droite, aux arêtes saillantes, lisse, jaune, chaude, sucrée, salée et grasse, bref, un bâtonnet croquant que l’on touche. Les marchands de hamburgers ont compris cela, et depuis bien longtemps.

Il n’y a pas de culture Fast Food, car avoir recourt plusieurs fois par mois à ce type d’alimentation n’est pas un fait culturel mais bien le reflet de son absence…

Maintenant que j’ai écrit positivement sur ce sandwich interculturel, interethnique et international, je peux me permettre de le décrier, car c’est jour de fête pour les burgers !

*Trop de mauvais gras saturé dans la viande, le fromage, les frites, la mayo : obésité, maladies cardiovasculaires, mauvais cholestérol, etc.
*Trop de sel : tension artérielle, etc.
*Trop de sucre : diabète
*Pas assez de fibres, de fruits, de céréales
*Peu de vitamines, minéraux, oligo-éléments : risque de dépression !

Et j’en remets une couche :
*Nourriture insipide, goût linéaire, trop de trop.
*Vaisselle jetable, à l’heure où l’on parle protection de l’environnement
*Commerce sans éthique : on n’est pas là par philanthropie mais pour se faire du beurre. Au diable l’économie locale, les denrées de qualité, les produits de saison, le commerce équitable, les agricultures respectueuses de l’environnement, la diététique et la santé publique.
*Politique de marketing agressif visant dès la fin du berceau nos chères petites têtes blondes, ce qui provoque chez certains sujets alimentés avec ce genre de nourriture une véritable addiction.
*Et pour certains : exploitation de la main d’œuvre, insalubrité des locaux, mais cela je ne l’ai pas constaté faute d’enquête.

Mais les marchands de hamburgers ne sont pas les seuls à ruiner notre santé car il y a aussi les marchands de pizza, de taco, de frites ketchup mayo, de saucisses industrielles, de brochettes avec de la viande reconstituée, de fisch and chips, de sandwich de station essence, de döner, de wok-minute et de produits à base de poulet d’élevage intensif. Ils sont tous là, à guetter l’imprudent consommateur, mais ne sont pas les seuls sur le marché.

En Alsace…

Fast Food, un concentré des clichés de la malbouffe. DR

En Alsace, nous avons de nouveaux Fast Food franchisés, où vous pouvez choisir la cuisson de votre burger. J’imagine un steak haché industriel saignant !

Les marchands de pâtes sont aussi aux aguets ! Méfiance, car même si les huiles d’olives sont extra vierges et le parmesan AOP, qu’en est-il du poulet 100% filet ? Dans notre région, nous avons aussi les industriels de la tarte flambée. A condition de ne pas en dévorer plus de cinq par semaine, ça va !J’ai testé pour vous, cher lecteur un Buffalo Grill : bidoche grillée, pardon cautérisée sur un grill qui ne doit pas être gratté souvent et qui laisse sur le steak trop cuit des rayures noires et amères. Avec les suppléments qui s’additionnent, les sauces béarnaises lyophilisées et une boisson, la note est salée. Et je ne vous parle pas du steak de bison car Seattle et Geronimo doivent se retourner dans leur tombe !J’ai tenté un fast food du wok pensant qu’une poêlée de légumes croquant me conviendrait. Que nenni ! Les légumes baignaient dans une sauce grasse cacahuètée et je n’osais regarder la mixture emplissant mon bol tant la couleur brune de l’ensemble – et le gras qui surnageait- me dégoutait…

J’ai voulu tester un KFC malgré ma répugnance pour le poulet industriel. J’en ai parlé à un ami cuisinier qui m’a avoué avoir voulu y aller un soir avec sa petite famille en rentrant de vacances à 23 h. Ils sont ressortis aussi vite qu’ils sont rentrés car le restaurant était vraiment très sale (Olivier a employé d’autres mots pour me peindre le tableau) Merci en tous cas à lui, car il m’évite d’aller bouffer des nuggets dans une ambiance néon.

Et que dire des Auto Grill qui polluent gustativement les aires d’autoroute ? Jacques Borel n’est pas mort. Louis de Funès, Au Secours, revient ! Toi qui interprétais dans “l’aile ou la cuisse” le scandale de la malbouffe, en ton temps, sur les restoroutes.
Mais le consommateur est un amnésique car rien n’a changé. Lors de mes nombreux déplacements, je ne m’arrête sur une aire d’autoroute que s’il y a autre chose qu’un Auto Grill ou qu’un Mac Do et Cie.Encore un mot sur la malbouffe, car celle-ci peut se vivre au déjeuner cinq fois par semaine. J’en ai fait la triste expérience la semaine dernière car j’ai mangé dans une cantine d’entreprise. Au menu : assiette de crudités (super !) Pour suivre : suprême de poularde farci aux chanterelles, sauce au Riesling, spätzelés. En dessert : tarte au citron meringué. L’ensemble pour moins de quatre euros. Que du bonheur !
Les crudités ? Maïs boite et betteraves cuites sous vide cubées, vinaigrette Unilever. La suite ? Poitrine de poulet industrielle, texture de carton, remis au moins trois fois en température, sec, goût à l’arôme chanterelle car je n’ai pu identifier ni dans la chair, ni dans la sauce le moindre morceau de girolle. Les spätzelés ? Comment peut-on servir de telles pâtes sèches et grasses ? Et la sauce ? Eau, maïzena, glutamate de sodium, lait en poudre, c’est du moins comme cela que je l’aurais préparée. Et la cerise sur le gâteau ?

Une part de tarte au citron décongelée, à la meringue suintante et fatiguée, à la pâte margarinée qui avait dû contracter pendant sa vie arctique les odeurs des sachets de calamars Indonésiens, compagnons de route dans ce formidable voyage !
Mais, honnêtement, cette aventure gustative m’a ravie, car la malbouffe est pour moi une exception. Le fait de la vivre m’a fait comprendre que le consommateur peut s’habituer à ce genre de nourriture car mes infortunés compagnons de table ne se sont pas plaints, considérant cette misérable pitance comme un fait acceptable.

Certains burgers, doners et autres ..sont élaborés avec des produits de qualité. ©JulienBinz

 

Savez-vous que les Français sont les premiers consommateurs (après les Japonais) de sushis ? Une mode Fast Food moins dangereuse, car la bouchée contient du poisson, des algues et du riz. Mais il y a deux poids, deux mesures car ces sushis décongelés et industrialisés ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Asako mon amie, reviens chez moi, pour rouler et vanner entre tes doigts experts, le riz de Nagoya, rouler l’algue Nori du marché de Tokyo, détailler l’Omble Chevalier du Val d’Orbey.

Oui, il m’arrive quelquefois que la faim me prenne et de n’avoir que trente minutes pour me restaurer… Je fréquente un döner à Colmar. Les tenanciers sont sympathiques. Non franchisés, la dame pétrit chaque jour son pain. Les boules de pâte levées attendent sous un linge propre et blanc dans des cagettes superposées. A l’aide d’un rouleau turque, elle façonne à la commande la pâte et l’enfourne aussitôt : oui, le pain est cuit minute et il a excellent gout. Dedans ? Une viande bœuf-veau bien grillée (je boycotte le poulet) des crudités fraiches et croquantes (disposées dans des bacs réfrigérés en inox), et une sauce à base de yaourt.

Voila qui me sied. La maison et les gens sont propres, les aliments sont préparés devant les clients. Je connais quelques restaurants bien fréquentés dans lesquels l’état sanitaire de leurs frigos, ne m’inviterait pas à emmener ma petite famille dîner…

Et pour 4 € TTC, qui peut me proposer un pain frais goûteux et croustillant farci de bonne viande grillée, crudités croquantes et sauce yaourt ? Sûr, je ne demande pas de ketchup-mayo-frites-coca, ni maïs en boite et me passe d’oignons car ceux-ci, émincés avant le service, s’oxydent rapidement. Je défends donc les bons doners, qu’on se le dise !

Manger cinq fruits et légumes par jour et bouger !

Car les marchands de burgers enfoncent le clou. Ils ont créé pour les fainéants, les impotents, les obèses, les drogués du hamburger le DRIVE. Plus besoin de faire un pas, on reste dans son cercueil roulant, décorant au passage le tableau de bord de traces de graisses et de ketchup, stockant dans son organisme épuisé graisses saturés et autres substances.

Un scoop : A Paris, les Quick proposent du 31 janvier au 01 mars 2012, un burger noir : le Dark Vador Burger, pour accompagner le dernier épisode de Star Wars en 3D. Allez-y de ma part, vous m’en direz des nouvelles.
Toujours dans la capitale : les “Blend Hamburgers” font fureurs. Pour 10€ (sans boissons) vous pouvez ingurgiter un Hamburger Champ (veggie) composé de : tofu, bun, épinards, champignons, aubergines, fromage, menthe. Pour comprendre le met, n’oubliez pas votre décodeur intégré à l’I Phone, car pour se nourrir de ce genre de truc faut être in !

A voir : le film “Super Size Me” interprété par Morgan Spurlock. Pendant un mois, en situation réelle et sous contrôle médical, ce courageux omnivore s’alimente trois fois par jour chez Mac Do. Malgré les avertissements de son médecin, il prend 12 kilos en trente jours, souffre de lésions au foie et voit son cholestérol grimper à 0.65 !

Par Daniel Zenner